Avenue du général Mangin, numéro 17 au 21, à quelques enjambées de la Maison de la
Radio, dans le XVIème arrondissement de Paris. Loin des crépitements des flashes et des
scandales sportifs qui salissent le Tour de France, l'équipe de Mondiresa fait ses
cartons. Sous la houlette de leur coach, Philippe Bertinchamps, les «héros» de cette
grande aventure bouclent en ce moment même leurs valises avant de quitter, non sans un
petit pincement au coeur, ce qui fut durant plusieurs mois leur QG. Malgré la bonne
humeur et les larges sourires, la fatigue se lit sur bon nombre de visages. Et pour cause
! Il a fallu déployer une sacrée énergie pour relever le défi lancé par le Comité
d'Organisation Français (CFO) à savoir : créer une structure unique dédiée à
l'organisation de l'hébergement et du séjour des participants au plus grand événement
sportif de cette fin de siècle.
Sachant que la France allait accueillir pour l'occasion 2,5 millions de spectateurs dont
500.000 étrangers, le tout dans 10 villes situées aux quatre coins de l'Hexagone, loger
tout ce joli petit monde relevait de fait presque du casse-tête chinois. A vrai dire
d'ailleurs, un petit coup de pouce type «pot belge» aurait bien pu aider les
responsables de Mondiresa à résoudre cette difficile équation.
Chez Accor cependant, on ne mange pas de ce pain là. C'est donc sans aucun «dopage»
que le groupe français a réussi à vendre plus de 400.000 nuitées auprès de 1.000
clients dont 50.000 aux sponsors, 25.000 aux équipes, 35.000 aux officiels, 35.000 aux
sociétés, 90.000 aux médias et 135.000 aux tour-opérateurs (370.000 nuitées via la
centrale de réservations hôtelière et 30.000 par le biais des centres de presse et des
services Minitel et Internet) contre 80.000 à 100.000 initialement prévues par le CFO.
Et au bout du compte, Mondiresa tire plutôt bien son épingle du jeu en terme financier
réalisant un volume d'affaires de 450 MF (2 MF restent à récupérer) à comparer à un
investissement initial d'un montant de 60 MF. «Le volume d'affaires dégagé devrait
nous permettre de terminer notre mission à l'équilibre», confie Philippe
Bertinchamps, directeur général de Mondiresa. Reste que pour obtenir de tels résultats,
les patrons de la centrale de réservations ont bel et bien du retrousser leurs manches.
D'autant plus qu'ils voulaient d'une part éviter les méfaits enregistrés lors de la
dernière Coupe du Monde de Football aux Etats-Unis : sur deux millions de réservations,
1,8 million a été rétrocédé au dernier moment.
Et que d'autre part, Mondiresa devait satisfaire les besoins de clientèles exigeantes
comme les équipes, les officiels, les sponsors, les médias, les sociétés, puis par la
suite les tour-opérateurs agrés. Sans oublier qu'au commencement de cette «aventure»,
la centrale s'est vue confronter à quelques oppositions tant auprès des hôteliers
indépendants qu'au sein de ses propres établissements. «Voilà trois ans, il était
difficile de mobiliser les troupes y compris à l'interne, car les choses n'étaient pas
encore très clairement définies. Et l'événement paraissait lointain», avoue
sincèrement Philippe Bertinchamps. C'est donc non sans mal que Jean-Louis Zévaco,
premier embauché de la structure hôtelière, s'en est allé effectuer sa «Grande
Boucle» hexagonale début 1996.
«Mettant la grande soucoupe» et «tirant fort sur le guidon», après douze mois d'un
long périple, Mondiresa finit malgré tout par réunir une offre hôtelière répondant
au cahier des charges soumis par le CFO : qualité, efficacité et accessibilité de
l'hébergement. Au total, 750 hôtels appartenant à des chaînes hôtelières et des
indépendants ont été ainsi sélectionnés représentant 1 million de nuitées
potentielles. Chacun des établissements concernés s'étant en effet engagé à confier
à la centrale de réservations hôtelière 30% à 40% de sa capacité et à ne pas
augmenter ses prix de plus de 25%. A noter qu'un système de prépaiement garantissait en
outre, les hôteliers contre tous mauvais payeurs (25% à la réservation, 25% en mars
1998 et les 50% restant au 1er mai).
Rien ne sert toutefois de disposer d'autant de chambres, si l'on n'a pas de client. «Ce
fut malheureusement le cas au cours des premiers mois. Personne en effet ne téléphonait
pour réserver des chambres. D'autant que les clients concernés n'avaient pas encore
connaissance du déroulement des matchs», indique le directeur général de
Mondiresa. Et d'ajouter, «nous avons donc rapidement décidé de constituer une
équipe de vente (une trentaine de commerciaux) pour démarcher chacun des segments de
clientèle défini par le CFO.» Parallèlement, la centrale hôtelière s'est
également vue contrainte à adapter son système de résa et de facturation afin d'y
adjoindre un logiciel informatique composé de trois modules spécifiques portant sur
l'aide à la vente, l'inventaire des chambres et la gestion des documents de séjour
(développé pour l'occasion avec le cabinet d'Andersen Consulting et la société
Winiwyg).
En fait, de fil en aiguille, le budget initial de Mondiresa établi entre 15 et 20
millions de francs s'envole pour franchir le seuil des 60 millions. Au siège parisien du
groupe Accor, on ne bronche pas. Mais, on n'en pense pas moins. Qu'à cela ne tienne ! Les
équipes de Mondiresa gardent le moral et poursuivent leurs démarches faisant visiter,
sur leurs propres deniers, les établissements hôteliers aux prescripteurs.
A quelques jours du tirage au sort à Marseille en décembre 1997, Mondiresa n'a en
portefeuille que 100.000 nuitées réservées. Après l'annonce de la programmation des
rencontres, les demandes s'accélèrent néanmoins. Et 150.000 nuitées supplémentaires
sont enregistrées entre le 4 décembre 1997 et le 10 février 1998, date officielle de
rétrocession des chambres aux hôteliers. Ces derniers commencent d'ailleurs à s'agiter
ne comprenant pas pourquoi Mondiresa ne parvient pas à remplir leurs unités.
«Au départ, on a tous imaginé que la Coupe du Monde allait réaliser des miracles.
En d'autres termes, on pensait que nos maisons allaient refuser du monde. Il y a eu dans
ces conditions au tout début quelques prises avec Mondiresa», explique Gabriel
Vallès, directeur commercial et marketing de la chaîne New Hôtel. La confiance finit
cependant par s'installer et 80% des hébergeurs acceptent de prolonger leur allotement
avec Mondiresa.
D'autant plus que Mondiresa met en place à partir du mois d'avril 1998 un serveur Minitel
et un site Internet à l'attention des clients individuels. Une initiative au final,
profitable pour les hôteliers puisque 30.000 nuitées ont transité par ces canaux de
communication.
«Tout s'est au bout du compte très bien passé avec Mondiresa», souligne Olivier
Chavy, directeur général de l'hôtel Hermitage, chargé du dossier de la Coupe du Monde
pour le site de la Baule. Et de conclure : «ils ont tenu leurs engagements ! Cette
opération a d'ailleurs généré un chiffre d'affaires de 6,5 MF sur nos trois
établissements.»
A Paris, la directrice de l'Atelier Montparnasse (17 chambres) se déclare elle aussi
satisfaite des prestations offertes par Mondiresa, ayant réalisé par son intermédiaire
près de 120.000 francs de recettes. Madeleine Quiniou, patronne du Carlton Hôtel, qui
admet volontiers que le rendez-vous des fans du ballon rond a peut-être été moins
porteur que ce qu'elle avait initialement envisagé, tient à priori des propos
similaires. «Nous nous en sommes relativement bien sortis. Il faut rendre à César ce
qui est à César ! Mondiresa m'a permis de loger des gens que jamais je n'aurais pu
démarcher seule».
«Grâce à Mondiresa, j'ai eu la chance d'héberger des journalistes argentins»,
surenchérit Antoine Tanet, directeur de l'hôtel Astoria à Saint-Etienne. Au siège de
Timhôtel, chaîne parisienne, Pascal Gauthier, directeur commercial, reconnaît à son
tour que le contrat Mondiresa était difficile à refuser. «Avec une rétrocession des
allotements à quatre mois de l'événement et le prépaiement systématique des chambres
louées, les risques étaient calculés. D'autant plus qu'après avoir repris nos quotas
de chambres, la centrale a continué de nous envoyer du monde en fonction cette fois-ci de
nos disponibilités.»
Enfin, du côté de la Cannebière, nombreux sont également les professionnels à ne pas
cacher leur satisfaction. «Le bilan est finalement super positif ! Certes Mondiresa
n'est pas toujours parvenu à remplir l'ensemble de nos chambres. En revanche, leur
politique tarifaire nous a permis d'augmenter nos prix affichés», souligne Gabriel
Vallès. Et d'ajouter, «sans leur intervention, nous aurions conservé une attitude
frileuse en la matière. Mondiresa nous a probablement rendu un peu moins frileux en terme
de prix.» Reste maintenant à promouvoir ce savoir faire.
C. Cosson
ccosson@lhotellerie-restauration.fr
L'équipe de Mondiresa a grossi au fil des mois pour atteindre 110 personnes dont 40
stagiaires. Actuellement sur les 70 personnes employées en CDD ou CDI, 80% ont déjà
retrouvé un job au sein du groupe Accor.
Partie prix...Si depuis plusieurs années, les hôteliers indépendants ont reproché à l'hôtellerie de chaîne de casser les prix (ce qui n'était d'ailleurs pas toujours exact), aujourd'hui, pour la Coupe du Monde de Football, ils se doivent de reconnaître que, via la centrale de réservations Mondiresa, les chaînes, et plus particulièrement Accor, ont tiré le niveau de prix du marché vers le plus haut puisque dès le départ, Mondiresa avais mis au point une politique de prix très claire : la centrale facture aux clients qu'elle envoyait aux hôtels, le tarif normal affiché de la chambre (tarif fourni par l'hôtelier) majoré de 25%. Qui plus est, elle a exigé de l'hôtelier, qu'il affiche ces tarifs majorés, dès lors qu'il recevait le premier client envoyé par Mondiresa. Il pouvait, s'il le désirait, facturer un tarif inférieur à ses autres clients. Agissant comme un tour-opérateur, Mondiresa a facturé son client pour la prestation (prix majoré de 25%) et a réglé à l'hôtelier, le prix normal. En partant de la base 100 : une chambre affichée 100 F chez l'hôtelier au 1er janvier 1998 sera vendue 125 F au client Mondiresa, l'hôtelier a affiché à 125 F pendant la Coupe du Monde et fait une facture de 100 F à Mondiresa qui a réglé cette somme à l'hôtel. Sur les 25 F qui restent, Mondiresa a payé la TVA à 20.6% et la commission au tour-opérateur. Quant à l'hôtelier, il a sur les 100 F perçus 5,22 de TVA. |
L'HÔTELLERIE n° 2572 Hebdo 30 Juillet 1998