Nouvelles concurrences
Alors qu'elle essaie doucement de se remettre de l'arrivée des fast-foods, la restauration traditionnelle va être confrontée à de nouveaux 'envahisseurs'. Les industriels à forte notoriété cherchent à s'implanter directement dans le marché et ils ne sont pas les seuls.
Avec près de 5 millions de repas servis chaque jour et plus de 120 000 établissements, la restauration traditionnelle exerce de nombreuses convoitises, même si son activité montre ces derniers temps des signes de fatigue. De plus, on estime à 2,9 par semaine et par ménage le nombre de repas pris par les Français hors de leur foyer. Et rien n'indique une prochaine diminution des consommations prises à l'extérieur qui sont en constante progression. Du coup, on assiste à l'arrivée de nouveaux acteurs qui ne se contentent pas uniquement de développer de la vente de plats chauds à emporter comme les traiteurs ou les sandwicheries. Les boulangeries Paul installent ici et là quelques tables pour se transformer en restaurateurs à part entière avec une offre complète de plats. Mais le caviste Nicolas et également des industriels comme Panzani ou Fleury Michon affichent une volonté expansionniste en créant leurs restaurants ou boutiques-restaurants, profitant de leur forte notoriété acquise dans leur métier de base. Une expérience jouée déjà il y a 30 ans par Renault, avec son pub L'Atelier Renault, sur les Champs-Elysées à Paris.
Sans aucune modération
Toutes ces entreprises de renom n'ont pas eu dès le départ une réelle volonté de se
lancer dans la restauration. C'est notamment le cas chez Nicolas. "Nous avions une
surface disponible dans un de nos magasins. L'idée a été de proposer un espace
dégustation. Or en France, il n'est pas concevable de boire sans manger. Ainsi, petit à
petit, il a fallu créer des assiettes. C'est de là qu'est parti le concept de
restauration", explique Emmanuel Mallereau, directeur des bars à vin Nicolas.
Pour Fleury Michon, l'entrée dans la restauration, autrement que comme fournisseur, a
été plus progressive. Le restaurant Graine d'Appétit n'est devenu une filiale de la
société qu'une fois le concept validé, soit près d'un an après la première
ouverture. A l'initiative de l'état-major du groupe, la création de ce nouveau concept
était novateur. "Créer un restaurant basé uniquement sur des produits sous vide
de marque Fleury Michon est unique. C'est un nouveau débouché pour les produits. Les
ventes réalisées dans un de nos restaurants actuels représentent en volume celles
réalisées par 3 hypermarchés", raconte Jean-Michel Lépineau, cocréateur de
Graine d'Appétit. L'originalité du restaurant est de proposer plus de 50 références de
plats cuisinés sous vide et de salades, servis à table.
Toutes les gammes sont investies
Panzani quant à lui s'est attaqué à la restauration rapide. La création d'un
restaurant avait déjà germé dans l'esprit de ces industriels lyonnais dès la folle
époque de Don Patillo, ce curé qu'on ne présente plus, qui péchait par gourmandise. "Contrairement
à l'Italie, la culture de la cuisine des pâtes en France - hormis les
coquillettes-beurre - n'en est qu'à ses balbutiements. Avec Via Gio, le but est de
montrer tout ce qui peut être fait. En plus, nous avons gagné un défi technologique qui
est de cuire les pâtes en moins d'une minute", révèle Xavier Riescher,
directeur marketing de Panzani. Ces restaurants servent donc également de laboratoire et
permettent de tester de nouveaux produits. Quant à Nicolas, les bars à vin sont couplés
systématiquement à des boutiques. "Le personnel est différent. A chacun son
métier entre la restauration et la vente de vins", réagit Emmanuel Mallereau.
Mais Nicolas cherchait surtout à faire disparaître une image de cherté qui lui collait
à la peau. "Avec des verres de vin à moins de 10 francs, le pari est
gagné."
Un développement musclé
Pour toutes ces enseignes, le but du lancement en restauration est avant tout une histoire
d'image et une volonté d'accroître la notoriété de la marque et de se rapprocher des
consommateurs. Pourtant, Fleury Michon et Panzani se cachent sous des pseudos ; peut-être
par crainte d'un amalgame désastreux ou parce que les noms de leurs restaurants sonnent
mieux. En tout état de cause, tous ces nouveaux opérateurs affichent clairement leur
volonté de se multiplier une fois leur concept validé, car pour eux, le marché leur
semble prometteur. Par exemple, les boulangeries Paul, fortes de 223 unités en France,
ont surtout ouvert cette année des établissements avec restauration sur place. On en
comptabilise 78 actuellement. Graine d'Appétit annonce près de 100 ouvertures sur 3 ans,
Via Gio en espère deux fois moins, et Nicolas parle plus modestement de saisir les
opportunités dès lors que la surface disponible le permettrait. Si ces concepts ont la
cote, c'est surtout parce qu'ils sont novateurs. Ils bénéficient également du côté
volage du consommateur. Ces nouvelles formules leur apportent une réponse en proposant
des alternatives aux autres formules de restauration existantes. Hormis Nicolas, dont le
ticket moyen frôle les 110 francs avec le vin, les autres entités se positionnent sur
l'économique avec des tickets moyens inférieurs à 50 francs. Voilà comment se font des
naissances de nouvelles chaînes.
M.-L. Estienne
Le caviste Nicolas et également des industriels comme Panzani ou Fleury Michon
affichent une volonté expansionniste en créant leurs restaurants.
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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001