Nouvelles concurrences
Les cercles privés d'institutions et de grandes écoles sont devenus de plus en plus 'restaurateurs'. Aujourd'hui, ces restaurants, jusqu'alors très fermés et discrets, semblent s'ouvrir à un public plus large et disposent des mêmes armes que les autres établissements de prestige.
A côté des restaurants de prestige traditionnels, existent de plus en plus de clubs de grandes écoles ou d'institutions renommées qui ont ouvert des restaurants haut de gamme au sein même de leur fondation ou siège d'association. C'est le cas, pour n'en citer que quelques-unes, de l'Aéroclub de France, Le Club de la Maison des Centraliens, de la Maison des Polytechniciens, ou encore du cercle de l'union Interalliée à Paris... Il s'agit de clubs privés, théoriquement réservés aux anciens élèves des grandes écoles ou aux seuls membres et à leurs invités. Presque tous ces restaurants occupent d'anciens hôtels particuliers dans les beaux quartiers parisiens. Le Cercle de la Mer a, quant à lui, choisi de s'installer dans une péniche au pied de la tour Eiffel. La sélection de la clientèle semble encore de mise dans la plupart de ces restaurants chez qui il faut montrer patte blanche. A moins d'être logé à l'hôtel qui lui est adjacent, on ne vient au restaurant du Saint James Club que si l'on est membre. Or, toutes les personnes peuvent normalement y adhérer, à condition bien sûr d'être en règle avec sa cotisation annuelle de 5 500 francs par quidam ou 18 000 francs pour une société... De même, être membre est la condition indispensable pour se rendre à l'Union interalliée, l'autre club d'affaires parisien. Enfin, si l'on n'est pas adhérent au Cercle de la Mer, il est nécessaire d'être au moins parrainé, c'est-à-dire introduit par une personne du cercle. Toutefois, certains clubs désirent aujourd'hui s'ouvrir à un public plus large.
Ouverture au grand public
Ainsi, pour avoir le droit de s'asseoir à l'une des tables de l'Aéroclub de France,
point n'est besoin d'être adhérent. Parmi sa clientèle, 70 % appartiennent à
l'aéronautique sans nécessairement être membre de l'association. Au Club de la Maison
des Polytechniciens, les 'X' ne représentent plus que 40 % de la clientèle. Mais aussi
ouvert que peut l'être un restaurant, c'est la clientèle qui choisit son établissement.
Ainsi, au Press Club de France de la Maison des Centraliens, "tout le monde peut
venir, on ne fait pas de sélection, mais les membres se le sont approprié puisqu'ils
représentent 99 % de la clientèle", indique le directeur du restaurant. Il est
vrai qu'avec ses 2 000 inscrits, le Press Club de France se suffit à lui-même parce
qu'il a la particularité de fonctionner comme un carrefour de rencontres entre
entreprises et journalistes. Lieux de rencontres, de conférences et de travail, ces
restaurants de cercles privés pas comme les autres n'ont pratiquement plus rien à envier
à leurs confrères restaurants étoilés, ni par leur décor, ni par le service en salle,
ni par la cuisine. Certains recherchent même une consécration au Guide Rouge. Ils
sont souvent dotés d'équipes de cuisiniers et de maîtres d'hôtel qui ont travaillé
dans les plus grandes maisons, et on comprend qu'avec la finesse de leur carte (additions
moyennes de 200 à 400 francs en moyenne) ils aient envie de s'ouvrir à tout public.
C'est aussi un moyen avoué pour rentabiliser au mieux la prestation, car ces
établissements ont la particularité d'être lestés avec un prix de revient important.
Les coûts d'entretien des bâtiments sont d'autant plus excessifs qu'il s'agit d'anciens
hôtels particuliers au patrimoine parfois classé.
Dans de nombreux cas, les clubs-restaurants de ces institutions illustres ont fini par
confier la gestion de leur restauration en sous-traitance à des groupes extérieurs.
Appel à la sous-traitance
Cette difficulté ou incapacité des clubs à gérer leur restaurant par eux-mêmes semble
se rencontrer de plus en plus fréquemment, comme l'indique Elizabeth Brunet, directrice
du Club de la Maison des Polytechniciens : "De plus en plus de restaurants de
cercles privés quittent l'autogestion car les frais sont très lourds pour des
associations, et puis, c'est un milieu qui a besoin de professionnels." Ainsi,
depuis quelques années, Sodexho Prestige, une filiale du leader mondial de la
restauration collective, s'est fait une spécialité de l'exploitation de plusieurs
d'entre eux sous forme de mandat de gestion. C'est une filiale d'Accor qui gère la Maison
des Centraliens et le Press Club de France. En général, la société de gestion paye un
loyer et une redevance à l'association avec qui elle partage les frais d'entretien. Elle
n'intervient pas sur l'immobilier, ni sur l'équipement, mais propose chaque année les
investissements nécessaires à la bonne marche de l'établissement. Ce procédé permet
au club de conserver son patrimoine immobilier et de continuer à offrir un service égal,
voire meilleur à ses adhérents. "Le restaurant avait des difficultés dans les
années 90 et était devenu bas de gamme. La reprise de sa gestion par Sodexho Prestige
lui a permis de retrouver son standing initial", indique Didier Argence,
directeur de l'Aéroclub de France. Il semble que les restaurants sous-traités sont
devenus moins élitistes. Toutefois, ces établissements ont conscience de devoir observer
l'équilibre de leur fréquentation avec vigilance. En effet, à trop vouloir s'ouvrir à
une clientèle plus large, les restaurants risquent de perdre leur identité, et par
conséquent, leur clientèle initiale pour qui ils furent conçus...
C. Lerenard
Le restaurant Les Signatures du Press Club de France.
Restaurant | Type de clientèle |
Mode de gestion |
Ticket moyen |
---|---|---|---|
Aéroclub de France | 70 % cadres de l'aéronautique mais nécessairement du club | Mandat | 200 F |
Les Arts | Membres de la Maison des Arts et Métiers, mais ouvert au public | Mandat | 250 F |
Cercle de la Mer | Membres du club ou parrainage (marine nationale) | Mandat | 180 F |
Cercle de l'Union interalliée | Membres du club (hommes d'affaires) | Autogestion | |
Le Club | 40 % de polytechniciens, ouvert au public | Mandat de gestion | 230 F |
Press Club de France | Membres du club (journalistes et chefs d'entreprise), ouvert au public | Mandat | 275 F |
Le Saint James Club | Membres du club (hommes d'affaires) | Autogestion | 400 F |
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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001