Les titres-restaurant
Près de 35 ans après sa première apparition en France, le titre-restaurant est arrivé en phase de maturité. A la fois service, stimulant pour les salariés et 'boosteur' de la consommation, le cadre très réglementé des titres-restaurant limite les marges de manuvre des opérateurs.
Le marché des titres-restaurant pèse lourd dans la balance actuelle de l'économie. Le volume d'émission du marché représente plus de 16 milliards de francs par an, plus de 400 millions de titres pour plus de 2 millions d'utilisateurs. Dès 1967, l'affaire apparaissait juteuse et elle n'a pas failli. Dès lors, l'Etat décide de fixer officiellement les règles et les usages du titre. Ainsi les quatre opérateurs Chèque de Table, Chèque Déjeuner, Chèque Restaurant et Ticket Restaurant, qui se partagent le gâteau français des titres-restaurant, n'ont pas une marge de manuvre très importante et travaillent dans un cadre très réglementé.
Qu'est-ce que la CRT ?La CRT - Centrale de règlement des titres - a été créée en 1971 par 3 des 4 opérateurs du marché : Sodexho, Accor et Chèque Déjeuner. Régie sous forme d'association loi 1901, son rôle est d'assurer le paiement des titres. Elle permet ainsi aux prestataires de n'adresser leur demande de remboursement qu'à un seul organisme centralisateur des 3 entités. Elle prélève une commission comprenant des frais de dossier fixes et une partie variable en fonction du volume de chacun. |
Fidélisation de la clientèle
Les opérateurs, quels qu'ils soient, ont à peu près la même vision du marché du
titre-restaurant. On estime aujourd'hui qu'il est arrivé en phase de maturité bien qu'un
peu moins de 10 % des actifs en bénéficient. Et Denis Collot, directeur marketing de
Ticket Restaurant, parle malgré tout d'un potentiel colossal. "Compte tenu du
nombre d'utilisateurs de titres-restaurant, il nous reste énormément d'entreprises à
convaincre, explique-t-il. La loi a connu également un éclaircissement vers le
secteur public qui crée alors de nouvelles ouvertures." La structure du marché
- le plafond d'exonération est fixé par Bercy - fait que les négociations commerciales
n'existent quasiment pas. Seul le service distingue les différents intervenants ; le taux
de fidélisation est alors très élevé. "On ne se pique pas de clients entre
nous", argumente un directeur commercial. Cependant "l'époque faste est
révolue", précise Alexandra Eude, responsable communication de Chèque
Restaurant. Désormais, trouver de nouveaux clients est plus difficile. "Nos
commerciaux iront solliciter des entreprises qui viennent d'emménager. La croissance des
start-up, avec l'augmentation exponentielle de leur masse salariale, a également été
propice pour nous." Il y a aussi les micro-entreprises d'un seul salarié qui
représentent un complément de marché, mais qui se montrent peu rentables même si les
opérateurs de titres de services capitalisent sur les futures embauches. Dans tous ces
cas, il s'agit de niches de clientèles. De manière historique, les opérateurs ne
s'attaquent pas aux mêmes prospects. Ticket Restaurant et Chèque Restaurant travaillent
plutôt vers les PME/PMI, alors que Chèque de Table et Chèque Déjeuner se positionnent
davantage vers les organismes sociaux (Ursaff, grandes administrations...).
Procédure d'acceptationAucune démarche n'est requise pour les restaurateurs ayant un code APE correspondant à de la restauration rapide, traditionnelle et également à un hôtel-restaurant. Dans ce cas, les 4 titres-restaurant peuvent être acceptés. Il n'y a pas d'agrément à obtenir auprès de chaque opérateur, il s'agit d'une acceptation globale. Pour les autres commerces, il est nécessaire de vérifier qu'ils correspondent bien aux normes : offrir des préparations consommables immédiatement, servies chaudes ou froides, et permettant une alimentation variée comportant au moins un légume non féculent. L'octroi de l'agrément est subordonné au fait que le commerçant doit proposer au moins une préparation chaude. Le dossier est soumis à la Commission des titres-restaurant créée en 1967 puis la décision finale est prise par le ministère des Finances. |
De nouveaux arguments inattendus liés à la RTT
Alors que le plafond d'exonération est resté stable plusieurs années, la valeur moyenne
faciale du titre- restaurant a cependant progressé. De 35 francs en 1996, elle est
désormais de 40 francs. Contre toute attente, la réduction du temps de travail y a
contribué. Pour les titres-restaurant, la loi Aubry est une aubaine. Certaines
entreprises ont préféré geler les salaires en vue de la RTT. Mais astuce légale, elles
ont augmenté le montant de leur titre en contrepartie. "Cela permet de donner un
coup de pouce au pouvoir d'achat de nos salariés sans pour autant toucher à nos charges.
C'est un moyen de satisfaire les deux parties", explique Joël Taster, DRH d'une
entreprise parisienne.
Polémiques autour d'un titreDans les grandes villes, certains restaurateurs réalisent près de 80 % de leur chiffre d'affaires avec des titres-restaurant. Nul doute que c'est alors une manne non négligeable. Pour autant, les critiques fusent. A commencer par le délai de paiement qui impose une certaine trésorerie. "Entre l'accumulation des titres, l'envoi à l'organisme, la réponse et le dépôt du chèque à la banque, on a vite fait d'atteindre 3 semaines de délai", commente Kamel Challal de L'Arche des Gourmands à Paris. L'autre ombre au tableau concerne l'interdiction de rendre la monnaie. "Nous sommes censés ne pas le faire, mais qui l'applique vraiment ? C'est extrêmement délicat envers des clients qui nous sont fidèles. Mais nous payons quand même une commission sur la monnaie rendue", déclare Pierre Puren à Brest. Enfin, certains restaurateurs s'indignent de la prolifération des affiliés non-restaurateurs, dont les boulangers, traiteurs et autres commerçants de l'alimentaire. |
Stimulant de la consommation
Par ailleurs, les titres-restaurant stimulent la consommation dans les restaurants. Une
récente étude de Coach Omnium indiquait que 8 % des clients de restaurants bénéficient
de cette monnaie parallèle et que, parmi eux, la moitié déclarait que sans ces titres
leur fréquentation au restaurant serait nettement plus réduite. Enfin, mise à part une
modification en profondeur de la loi, le produit a peu de chance d'évoluer. Seul son
passage en version carte serait un réel progrès. Aujourd'hui, le développement des
sociétés émettrices ne semble pouvoir passer que par une diversification avec les
titres de services sur d'autres créneaux que la restauration tels que les titres emploi
service, le chèque d'accompagnement personnalisé... Tous s'y sont d'ailleurs attelés
avec, entre autres, le Chèque multi-services de Sodexho, le Ticket Emploi Domicile
d'Accor, le Chèque Domicile de Chèque Déjeuner et le Ticket Social de la Banque
Populaire.
M.-L. Estienne
Les titres-restaurant stimulent la consommation dans les restaurants.
Histoire d'un titre...Arrivé d'outre-Manche à la fin des années 60 et introduit par Jacques Borel, |
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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001