Limiter les PME de ce pays à un
temps de travail hebdomadaire de 35 heures est en soi le plus grand danger auquel on
puisse les exposer. Mais cette décision est une décision politique, et c'était en tant
que citoyens, à travers l'utilisation de leur bulletin de vote, que les chefs
d'entreprise pouvaient s'opposer à sa mise en place. Aujourd'hui, la loi a été votée
et doit être appliquée. On le sait aujourd'hui, son application, dans son ensemble, pose
des problèmes financiers au budget de l'Etat, mais elle pose aussi très souvent
problème au sein des entreprises où les salariés vivent mal d'être constamment sous
contrôle. Le décompte du temps est aujourd'hui plus important que le travail réalisé.
Plus l'entreprise est petite, plus les réserves de productivité sont limitées. Autant
dire que l'application de cette loi, dans l'ensemble des PME, imposera une diminution des
périodes de production, des périodes de service. Elle ne permettra aucune embauche, mais
limitera de façon significative le développement de l'activité et donc du chiffre
d'affaires. Ce n'est pas sur le terrain de la compétitivité internationale que les PME
françaises seront alors les mieux placées.
Pourtant, alors que trois autres s'y refusent, deux centrales syndicales patronales ont
choisi de signer un accord sur la réduction du temps de travail dans les CHR. Dans la
mesure où ils se doivent de respecter la loi, choisir de signer cet accord est, de leur
part, la manière la plus sûre de préserver les entreprises les plus dynamiques, c'est
leur donner les moyens de s'organiser et de limiter les dégâts. C'est parce que la loi
leur est imposée que les signataires ont préféré la négocier plutôt que de se la
voir appliquée sans aménagement. C'était pour eux la seule façon de faire reconnaître
la spécificité du secteur de l'hôtellerie-restauration. Des entreprises qui
disposeront, grâce à cet accord, de plus de temps pour passer de 43 heures à 39 heures
et qui, si l'Etat leur en donne les moyens, arriveront aux 35 heures en 2007.
C'était aussi une opportunité pour entamer un processus de rénovation de l'image des
métiers des CHR. Métiers de plus en plus boudés par les jeunes alors que le potentiel
de développement des entreprises de ce secteur est énorme. Une décision grave car les
signataires savent qu'un nombre important d'hôtels, de cafés, restaurants, ne pourront
passer ce cap et disparaîtront dans les prochaines années, et ce, de la responsabilité
du législateur et des politiques qui se refusent à tenir compte de la réalité
économique des plus petites entreprises. Des politiques qui ne savent raisonner que par
rapport aux grandes entreprises et qui vont précipiter les plus petites dans un profond
marasme. Il fallait un certain courage pour qu'un syndicat patronal s'engage dans une
telle négociation, loin de faire l'unanimité des chefs d'entreprise. C'est simplement
pour qu'elles soient moins nombreuses à être touchées par ce phénomène que le SFH et
le SNRLH ont décidé de signer.
Refuser de signer, c'est laisser les politiques décider de la manière d'appliquer
cette loi, c'est leur permettre de faire passer beaucoup plus rapidement toutes les
entreprises à 39 heures, sans calendrier, et certainement sans compensations
significatives. C'est renforcer encore les plus grandes entreprises, détenues par les
groupes financiers, seules structures à avoir les moyens d'appliquer la loi sans remettre
en cause leur pérennité. Mais c'est aussi se faire l'écho du plus grand nombre
d'entrepreneurs qui ne veulent pas se voir imposer cette RTT. Malheureusement, il semble
bien que la profession se soit réveillée trop tard pour pouvoir dire non à la loi
Aubry. C'était avant qu'elle ne soit votée qu'il fallait se faire entendre plutôt que
de se contenter de se dire protégé par un régime dérogatoire que personne n'a su
défendre.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2723 Hebdo 21 Juin 2001