Accord de réduction du temps de travail
Jeudi 21 juin, ce n'est pas moins de trois ministres, Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au Tourisme, et François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation, qui ont présenté à la presse l'accord de réduction du temps de travail dans les cafés, hôtels, restaurants. Accord qui venait d'être signé par deux organisations patronales, le SFH et le SNRLH, suite à la signature quelques jours plus tôt par deux syndicats salariés, la CFDT et la CGT.
Elisabeth Guigou a rendu
hommage à la ténacité et à la clairvoyance des négociateurs : "Vous avez su
prendre la responsabilité d'engager les professions que vous représentez dans la voie de
la modernisation sociale et économique." Et de rappeler la pénurie de
main-d'uvre que connaît le secteur en raison, notamment, des conditions de travail
: "Une partie des jeunes qui est recrutée est rapidement rebutée par des
conditions de travail difficiles, par des durées de travail très longues et souvent pour
des salaires peu encourageants. C'est pourquoi il est urgent que le secteur des CHR se
saisisse de l'occasion de la réduction du temps de travail pour procéder aux
réorganisations du travail nécessaires, pour se rapprocher des conditions de travail
offertes dans l'ensemble des autres secteurs de l'économie afin de redevenir attractif et
de disposer ainsi des professionnels qualifiés dont il a besoin."
C'est le 12 juillet prochain que l'accord de réduction du temps de travail dans les CHR
sera examiné par la sous-commission des conventions et accords, qui rendra un avis
favorable ou non pour l'extension de ce texte afin de le rendre obligatoire dans toutes
les entreprises du secteur.
De la nécessité d'un accord
Si Elisabeth Guigou se félicite de la signature de cet accord, on le sait, au sein du
patronat, il est très décrié. Jacques Mathivat, président du SNRLH, signataire de ce
texte, insiste sur la nécessité de conclure un tel accord. "Nous ne sommes pas
des défenseurs de la loi Aubry, loin s'en faut, mais elle existe et il faut faire avec."
Il rappelle que cette loi est applicable pour les entreprises de plus de 20 salariés
depuis le 1er janvier 2000, et le sera au 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins
de 20 salariés, soit dans quelques mois. "La loi n'a prévu aucune dérogation
pour les CHR qui devaient donc eux aussi mettre en application les 35 heures. Mais il est
vrai que le gouvernement nous a laissés le temps de négocier pour parvenir à un accord.
De même, les salariés ne nous ont jamais caché que nous étions à la merci d'actions
devant les tribunaux pour demander l'application de la loi sur les 35 heures pour les
entreprises de plus de 20 salariés, et par conséquent, le paiement d'heures
supplémentaires. Et s'ils n'en avaient rien fait pour l'instant, c'était afin de ne pas
compromettre les négociations en cours."
Quant à attendre la sortie d'un décret sur les 39 heures, qui n'était pas garantie, il
déclare : "Nous ne pouvions nous contenter d'un décret qui aurait instauré une
réduction à 39 heures immédiate, et par conséquent, sans échéancier, et surtout sans
permettre aux entreprises de bénéficier des réductions de charges sociales."
Pour Alain-Phillipe Feutré, président du SFH, lui aussi signataire du texte, "ce
n'est que parce que nous étions prêts à signer cet accord que le décret sur les
avantages en nature nourriture a été publié. Même si ce dispositif avait été promis
par le gouvernement lors de la signature de la convention collective en 1997, seule sa
première partie avait trouvé application. Si nous n'avions pas abouti dans cette
négociation, ce décret, qui nous exonère de cotisations patronales sur les repas, ne
serait jamais sorti. Qu'on ne s'y trompe pas."
De même, il considère qu'il est facile de déclarer que le gouvernement, en l'absence
d'un accord, allait publier un décret à 39 heures. "Je ne suis absolument pas
convaincu que le gouvernement aurait adopté un tel décret. Il ne faut pas oublier que
c'est ce gouvernement qui a instauré cette réduction du temps de travail, et en ces
périodes électorales, nous sommes face à 700 000 salariés qui représentent autant de
bulletins de vote."
Un accord très décrié par certains...
Cette signature est loin de faire l'unanimité dans la profession. Si du côté salarié,
la CFTC et la CGC, bien qu'ils ne l'aient pas signé, ne manifestent pas une vive
opposition, FO vient de déclarer qu'elle ne signerait pas un tel accord, mais surtout
qu'elle s'opposerait à son extension par tous les moyens juridiques possibles.
Point de vue partagé par le front commun des opposants du côté patronal que sont
l'Umih, dont le GNC, la Fagiht et la CPIH, profondément hostiles à un tel accord.
L'Umih, qui se présente comme le syndicat majoritaire de la profession, conteste la
représentativité des deux organisations patronales signataires et a déjà déclaré
qu'elle irait devant les tribunaux administratifs et devant le Conseil d'Etat, et qu'en
aucun cas "une minorité n'imposera sa loi à l'ensem-
ble de la profession".
Les signataires ont signé cet accord et ont demandé l'extension du texte pour le rendre
obligatoirement applicable à l'ensemble des entreprises du secteur. Cette demande sera
examinée dès le 12 juillet prochain lors de la prochaine sous-commission des conventions
et accords de la Commission nationale de la négociation collective. Si le texte fait
l'objet de deux oppositions à son extension, il repassera en sous-commission en
septembre. Si malgré tout les oppositions persistent, le ministre du Travail décidera
alors soit de suivre ces oppositions, soit de maintenir la décision d'étendre le texte.
Lors de son discours à la presse, Elisabeth Guigou a fait clairement entendre que rien ne
pourrait s'opposer à l'extension du texte. Ce qui voudrait dire que, même dans le cas
d'un refus de la commission d'étendre le texte, la décision finale lui appartenant, elle
étendrait ce texte.
...mais qui en attire d'autres
Si la représentativité du SFH et du SNRLH est contestée par les trois autres
organisations patronales du secteur, le SNRLH vient de trouver des alliés du côté de
deux syndicats départementaux membres de la CPIH, la Seine maritime et la CPIH Sud, qui
regroupe des membres dans le Gard, les Bouches-du-Rhône et l'Hérault. Ces derniers ont
quitté la CPIH pour rejoindre le SNRLH. Philippe Leprévots, président la Seine
maritime, justifie son ralliement au SNRLH "par une volonté de construire et
d'aller de l'avant afin de bénéficier d'un accord RTT spécifique à la profession. Il
est grave d'avoir une politique d'attente, on ne veut pas laisser les politiques décider
à notre place. De plus, on a déjà du mal à recruter, et si on reste à 43 heures, on
ne trouvera plus de personnel car il y aura trop de décalage avec les autres secteurs
d'activité".
Quant à Pierre Chamboredon, président de la CPIH Sud, il regrette "la position
du nouveau président de la CPIH qui refuse de négocier et de signer cet accord. Je suis
convaincu de la nécessité de négocier. Je ne veux pas de cette loi, mais dans la mesure
où elle est applicable, j'ai besoin de ses compensations".
3 décrets sont nécessaires
7Outre l'aboutissement de la procédure d'extension, trois décrets seront nécessaires à
la mise en uvre de la RTT. Un décret relatif à la durée du temps de travail, qui
est déjà en cours de préparation. Celui-ci reprendra l'échéancier prévu par
l'accord, c'est-à-dire avec une réduction progressive de la durée du temps de travail
dans la profession, qui supprimera à terme le régime des équivalences pour atteindre
les 35 heures pour toutes les entreprises au 1er janvier 2007.
Il est aussi prévu la publication d'un second décret sur les aides. En effet, le
système des aides publiques pour la mise en place d'une RTT est prévu pour des
entreprises qui passent de 39 heures à 35 heures, mais rien n'est prévu pour les
entreprises qui bénéficiaient d'un régime d'équivalence. Avec ce décret, les
entreprises pourront bénéficier des aides des lois Aubry pour la première étape de la
réduction, c'est-à-dire le passage de 43 heures à 39 heures.
Un troisième décret est prévu pour le Smic hôtelier. Le passage des entreprises à 35
heures nécessite un aménagement du dispositif spécifique qui organise le système de
salaire minimum de croissance dans le domaine des CHR.
Ces trois textes seront publiés dès l'extension de l'accord. Afin d'aider les
entreprises à réussir le passage progressif à 35 heures, un plan d'accompagnement de
l'Etat est en outre prévu. Celui-ci doit être négocié avec les organisations
signataires et comportera notamment une action de communication sur la RTT au second
semestre 2001, et des actions en faveur de la modernisation de la profession pour
répondre aux difficultés de recrutement, fidéliser le personnel, développer les
compétences et améliorer les conditions de travail.
On le voit, le passage de la profession aux 35 heures prendra du temps en fonction de la
position de la sous-commission des conventions et accords de la Commission nationale de la
négociation collective, des actions des opposants à l'accord, et bien sûr, en fonction
de la taille des entreprises.
P. Carbillet
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Tribune libre |
"Non aux 35 heures dans l'industrie hôtelière"Par Jacques Jond (président de la Fagiht) Le front commun rassemble l'Umih dont le GNC, la Fagiht et la CPIH. A elles trois,
elles représentent la majorité des entreprises du secteur. Or ces trois centrales
syndicales sont hostiles à la mise en place d'une réduction du temps de travail à 35
heures dans l'hôtellerie, la restauration et l'ensemble des débits de boissons. |
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L'HôTELLERIE n° 2724 Hebdo 28 Juin 2001