Les rave-parties ont eu gain de cause
Les députés ont renoncé la semaine dernière à prendre des mesures législatives contre les excès des rave-parties. Plusieurs professionnels de la nuit et discothécaires se disent consternés par la décision 'électoraliste' des politiques.
Depuis plusieurs semaines, les politiques s'interrogeaient sur la nécessité de réglementer ou non les rave-parties. Mais en période préélectorale, il n'est jamais bon de contrarier la jeunesse, dont les bulletins de vote penchent traditionnellement plus à gauche qu'à droite. Le socialiste Bruno Le Roux, rapporteur du projet de loi sur la Sécurité quotidienne, soutenu par les députés socialistes, a donc fait voter la semaine dernière la suppression de l'amendement Mariani, déposé par le député RPR du Haut-Vaucluse après avoir essuyé dans sa circonscription deux rave-parties, à Caderousse et à Piolenc, dont l'une d'elles devait faire deux morts.
Pour Thierry Mariani, "on menace les discothèques de fermeture alors que l'on
ferme les yeux sur ce qui se passe dans les raves".
Pour Thierry Mariani, les débats sont allés à l'encontre du bon sens : "Il y a
deux poids, deux mesures. D'un côté, on menace les discothèques en leur disant 'si on
trouve de la drogue chez vous ou si vos clients sont saouls, on vous ferme'. Et d'un autre
côté, on dit aux jeunes qui participent à des raves, allez-y ! Les commerçants et les
artisans doivent se plier à une réglementation rigoureuse, et dans le même temps, le
gouvernement tolère une zone de non-droit. Ce n'est pas normal. Je voudrais ajouter que
ce n'est pas la techno qui est en cause. Mais le niveau sonore est placé si haut qu'il
occasionne des lésions irréversibles. Les jeunes se détruisent sous nos yeux. Et on ne
fait rien. Il y a une mise en danger évidente et volontaire que nous devons pourtant
combattre."
Les rave-parties sont nées outre-Manche, mais celles-ci sont depuis interdites sur le sol
britannique lorsqu'il s'agit de techno. En France, le phénomène semble s'accélérer. Le
principe ? Un jeu de piste, de flyer en boîte vocale, menant à un lieu que les
participants vont découvrir au dernier moment. Au bout de la route, une scène
improvisée sur un terrain pris au hasard et des enceintes gigantesques hurlant des
décibels durant tout un week-end. Le spectacle est sensiblement le même à chaque fois.
Des centaines, voire des milliers de jeunes, entre 20 et 25 ans en moyenne, dansent
inexorablement au rythme du hard core. Pour 'durer', les paradis artificiels vont bon
train. Ecstasy, coke, bonbonnes d'oxygène...
Silence Sacem
"Nous sommes tous scandalisés par le retrait de l'amendement, s'insurge
Michel Cellier, président de la CPIH du Loir-et-Cher et patron d'une discothèque de 700
places. La profession, dans son ensemble, est astreinte à des règles. Nous signons
des chartes de bonne conduite en matière de bruit, d'alcool. Nous veillons à ce qu'il
n'y ait pas de drogue et de proxénétisme. A côté de ça, si nous fermons un
établissement avec 10 minutes de retard, nous sommes sanctionnés par des fermetures
administratives. Nous ne sommes pas libres de nos horaires et nous sommes montrés du
doigt pour trouble à l'ordre public. Les organisateurs de raves, eux, peuvent faire tout
et n'importe quoi dans l'impunité la plus totale..." Dans le nord de la France,
où les discothèques subissent la concurrence difficile des établissements belges,
mêmes regrets. Pour Bertrand Demarcq (Umih), patron du Nautilus à Cambrais, "les
discothèques permettent de surveiller certaines pratiques et de limiter les dégâts des
produits stupéfiants. Chez nous, en outre, la musique ne doit pas dépasser 105
décibels. On sait très bien qu'au-delà il y a de réels risques pour la santé. Nous
sommes effectivement consternés de voir qu'on va laisser se multiplier les raves sans un
cadre légal approprié".
Dans leur ensemble, les syndicats des CHR sont demeurés discrets face au problème. En
mai dernier toutefois, l'Umih attirait, dans une lettre ouverte, "l'attention du
gouvernement" et demandait qu'une "table ronde sur les jeunes, les
loisirs et le monde de la nuit" soit organisée. "Les établissements de
nuit font l'objet d'une scrupuleuse vigilance et doivent faire face à tous les problèmes
de notre société sous peine de sanctions et de fermetures administratives, tandis que
les manifestations hors-la-loi telles que les rave-parties bénéficient d'une totale
liberté de manuvre", pouvait-on lire. Dans une interview téléphonique
récente, le président national de la branche cafés-discothèques de l'Umih a mis
l'accent sur le non-respect des droits d'auteur, autre élément choquant du dossier. "Je
constate qu'il est donc désormais possible de faire danser en France du public sans avoir
à payer la Sacem. Compte tenu du silence assourdissant de celle-ci à ce sujet,
j'aimerais souligner que les discothèques ont réglé près de 75 millions de francs l'an
dernier au titre de droit d'auteur", a déclaré Jean-Louis Clauss.
Président de l'Association des métiers de la nuit, Yves Bougeard s'élève lui aussi
contre les différences de traitement octroyées aux discothèques et aux organisateurs de
raves. "Force est de constater que les déclarations du député Bruno Leroux (PS)
en mai dernier, voyant d'un bon il une charte de bonne conduite signée par les
organisateurs de raves, relèvent plus de l'angélisme que de la réalité. On voudrait
nous faire croire que les ravers, dont la seule idée est de faire ce qu'ils veulent,
quand ils le veulent et là où ils le veulent, vont dès demain matin se plier à une
charte de bonne conduite ? Franchement, ce n'est pas raisonnable. Comme il n'est pas
raisonnable d'avoir fait retirer l'amendement de Thierry Mariani."
S. Soubes
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L'HôTELLERIE n° 2725 Hebdo 5 Juillet 2001