Cette semaine, cap sur l'Atlantique : embarquement immédiat pour l'île de Groix, une île de charme où le tourisme nature a le vent en poupe. |
"Qui voit Groix voit sa joie...", dit la maxime. C'est assurément ce que pensent les touristes débarquant sur cette île de caractère, marquée par une histoire forte et disposant d'un patrimoine naturel exceptionnel.
"Malheur à celui qui débarque, il n'aimera pas ses
hivers... mais essayez de foutre le camp, elle vous aura aux sentiments, comme femme
retient l'amant..." Gilles Servat chante magnifiquement l'île de Groix et son
caractère forgé par une histoire tourmentée faite de joies et de peines. L'histoire de
Groix se confond avec celle de la pêche au thon, puisque l'île fut en son temps - celui
de la marine à voile - le premier port thonier de France. En 1911, le quart de la
population de l'île vivait du thon, soit 1 600 personnes. Pêche, conserveries faisaient
la richesse de Groix. Joies donc, mais également malheurs avec cet ouragan en 1930 qui
engloutit de nombreux pêcheurs groisillons, mais aussi et surtout avec la disparition
progressive de cette pêche, concurrencée par les armements espagnols, portugais et
marocains. Aujourd'hui, la pêche n'est plus qu'un vague souvenir et Port-Tudy, construit
à la fin du XIXe siècle, ne bouillonne plus de l'activité d'autrefois, où l'on raconte
que la flottille était si importante que l'on pouvait traverser l'avant-port sur le pont
des navires amarrés à couple ! Même la girouette du clocher de l'église, où un thon
remplace le traditionnel coq gaulois. Cette histoire a forgé le caractère des
Groisillions, également appelés 'Grecs', du mot grek (cafetière en breton), rappelant,
qu'à l'époque, les pêcheurs de Groix étaient les plus gros consommateurs de café du
pays d'Armor. Qu'ils soient de Privisy, terre de l'Ouest au caractère sauvage et à
l'humeur réservée, ou de Primiture à l'Est, celle du soleil levant et de l'ouverture
d'esprit, les Groisillions demeurent des hommes authentiques, sans artifices.
Le charme de Groix vient non seulement de son caractère, mais également de son
patrimoine naturel exceptionnel. La nature dévoile ici ses atouts, parée de poudre de
grenat, de quartz, mica, glaucophane bleu... "L'écrin des minéralogistes",
comme on la surnomme (une soixantaine d'espèces minérales), attire les initiés des
quatre coins du globe. Ils viennent y découvrir également l'une des seules plages
convexes d'Europe, le trou de l'enfer ou encore les colonies d'oiseaux marins nicheurs
tels le goéland argenté, brun, marin, le cormoran huppé, le fulmar boréal... A
l'intérieur de l'île, le promeneur peut se perdre dans des vallons verdoyants de
fougères et d'ajoncs et tomber nez à nez avec une petite fontaine, une maison de
pêcheur typique ou, sans déjà s'y attendre, avec l'océan, la largeur de l'île
atteignant 3 à 4 km.
Le charme de Groix vient non seulement de son caractère, mais également de son
patrimoine naturel exceptionnel.
Un tourisme développé tardivement
Autant d'atouts sur lesquels les Groisillions ont pu asseoir une activité touristique au
début des années 60. Un tourisme par ailleurs favorisé par le remembrement (achevé en
1955) qui contribua à développer les axes de communication et donc les véhicules sur
l'île, mais également la construction de résidences secondaires. A l'heure actuelle,
l'hébergement non marchand compte sur Groix une capacité d'accueil de 4 520 lits (contre
1 546 pour l'hébergement marchand). Pour autant, le développement des structures
d'accueil s'est fait sans excès puisque l'île renferme 5 hôtels, 6 restaurants (dont 3
hôtels-restaurants). "Depuis 4 à 5 ans, les structures d'accueil et
d'hébergement se sont bien développées, dixit Joëlle Gatefosse, du Café du Port.
Bien entendu, il reste des choses à faire, mais on sent une évolution positive",
d'autant que la municipalité vient de changer de main. Un vent nouveau souffle désormais
sur Groix avec son lot d'initiatives comme cette semaine commerciale montée au début de
l'été, ou encore ce festival du Film insulaire organisé au mois d'août. Un plus
indéniable, largement soutenu par les professionnels. "Nous avons de bons
contacts avec eux et c'est très bien, cela a permis de débloquer bon nombre de
problèmes." Autre témoin de ce développement du tourisme, le marché de
l'immobilier. Les prix flambent et, selon Joëlle Gatefosse, "une petite maison de
pêcheur s'arrache à plus de 1 million de francs".
Port-Tudy attire chaque année de nombreux touristes de passage sur l'île.
L'attrait du hors saison
Loin d'un tourisme de masse, Groix accueille des passionnés, essentiellement français,
respectueux de l'île. "On a évité la thalasso, le golf... En hors saison
viennent les amoureux de la nature, les randonneurs et nous travaillons de mieux en mieux
à cette période, notamment lors des vacances scolaires, et ça, c'est encourageant. Nous
avons fait par ailleurs une superbe avant saison", confie Valentine Baillot
d'Estivaux, gérante de l'Hôtel de la Marine. Preuve du développement de ce tourisme
nature, la présence importante de loueurs de vélos ou l'essor des chambres d'hôte.
"Nous travaillons en bonne collaboration avec eux, souligne Valentine Baillot
d'Estivaux, même si, je l'avoue, cela commence à m'énerver de voir que nous ne
sommes pas sur un même pied d'égalité. La concurrence est faussée." La
collaboration entre les divers professionnels semble quant à elle exemplaire. "Avec
l'Erika s'est constituée une association des acteurs économiques de Groix. Depuis, nous
avons créé des liens et nous nous renvoyons pratiquement tous des clients."
Parmi cette clientèle, justement, outre les touristes à la journée, ceux que l'on nomme
ici les 'yacht-men', Anglais et Irlandais pour la plupart, disposent d'un pouvoir d'achat
important "et font vivre pas mal de restaurants". A l'instar des
propriétaires de résidences secondaires, "qui ont tendancse à s'embourgeoiser,
mais de fait, qui ont un pouvoir d'achat important et viennent souvent au restaurant",
témoigne Valentine Baillot d'Estivaux.
Reste qu'ici, comme sur les îles voisines, les professionnels subissent les mêmes
difficultés en matière d'approvisionnement (cette année, la Société Morbihannaise et
Nantaise de Navigation a décidé une hausse des tarifs du transport des marchandises de
l'ordre de 40 %) et de personnel, même si certains optent avec succès pour la
main-d'uvre locale (lire encadré ci-dessous).
O. Marie zzz70
Une belle clientèle hors saison |
Acheté en 1980 par Anne-Marie Hubert, styliste de profession, l'Hôtel de la Marine est aujourd'hui géré par Valentine Baillot d'Estivaux. "Anne-Marie Hubert s'occupe toujours de la cuisine, décide des recettes et met, compte tenu de son ancienne profession, sa touche personnelle à la décoration de l'établissement", par ailleurs magnifiquement agencé et décoré ici de maquettes, là d'un vieux coffre, etc. L'Hôtel de la Marine accueille une clientèle "extrêmement variée, mais avec très peu de touristes étrangers, environ 5 %. Hors saison, nous travaillons beaucoup avec la clientèle du Grand-Ouest. En été, nous avons une clientèle fidèle, de longs séjours, mais les courts séjours, de 3 à 4 jours, demeurent les plus fréquents". L'Hôtel de la Marine (4 MF de CA) ne semble pas trop marqué par la saisonnalité, et d'ailleurs, Valentine Baillot d'Estivaux se félicite de travailler de "plus en plus en hors saison et en avant saison". Parmi cette clientèle hors saison, on retrouve les séminaires, "des habitués comme les directions régionales, etc. Entre 10 et 20 personnes. Grâce au bateau taxi, nous en avons de plus en plus, d'avril à octobre, d'autant que nous nous arrangeons avec certains collègues pour les héberger". L'établissement travaille également en cette période avec les plaisanciers qui reviennent d'une année sur l'autre ou avec des résidents organisant leurs repas de famille et de fêtes. "Ils viennent régulièrement, ce qui nous oblige à changer la carte pour les fidéliser, ainsi que la décoration de la salle, changée tous les 2 ou 3 ans." Sans oublier, bien entendu, la clientèle familiale qui n'hésite plus, "lors des vacances scolaires, à se rendre sur Groix". Pour encourager ce tourisme, l'Hôtel de la Marine adhère au groupement Ilotel et pratique des forfaits hors saison attrayants. "Les forfaits qui fonctionnent le mieux sont ceux organisés sur 2 jours, comme la Saint-Valentin ou le réveillon." Au mois de juin, l'établissement proposait par exemple son forfait Ilotel Vitalité 7 jours/6 nuits en demi-pension pour 2 600 F par personne, comprenant deux soins aux algues en institut de beauté, une visite guidée du patrimoine de l'île en vélo, et une découverte botanique à pied. "Ilotel nous sert beaucoup et nous consacrons de 10 000 à 15 000 F par an pour le guide. Par ailleurs, nous ne faisons pas de publicité et nous contentons de nos mailings et du site Internet." Ici, le TO annuel se situe autour de 50 à 60 %. |
Point de vueLe Café du Port mise tout sur la saison
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Ile de Groix en chiffres* Superficie : 8 km de long sur 3 à 4 km de large ; 1 770 ha. |
L'auberge de l'originalité |
Installée sur la montée menant de Port-Tudy au Bourg, l'Auberge du
Pêcheur arbore une façade joliment restaurée avec ses couleurs vertes, rouges et
blanches. Le touriste s'y arrête et il a raison. On sent de la passion chez les
propriétaires, Patrick et Brigitte Le Priol, qui entament dans ce charmant établissement
leur 9e saison. "L'établissement était fermé depuis plus de 2 ans, il était
dans un état de délabrement avancé. C'était l'opportunité que nous recherchions",
précise la propriétaire, ancienne restauratrice dans le Sud-Ouest. Aujourd'hui,
l'Auberge du Pêcheur compte 11 chambres, toutes personnalisées et décorées avec soin
(de 190 à 310 F), un restaurant de 70 à 80 couverts (sans oublier la terrasse-grill du
jardin l'été qui double le nombre de couverts), et un bar digne des plus authentiques
pubs irlandais. Ici, tout respire l'originalité à l'instar de la politique développée
dans la maison. A commencer par celle du personnel. L'Auberge du Pêcheur emploie à l'année 6 personnes en CDI, aidées par 7 saisonniers supplémentaires en saison. "Concernant le recrutement, je ne suis jamais passée par l'ANPE. Tout s'est fait grâce au bouche à oreille, précise Brigitte Le Priol. En mars, j'ai demandé à une boîte de recrutement de me trouver un cuisinier, je n'ai pas eu un seul appel." En fait, les propriétaires de l'Auberge du Pêcheur ont pris le problème à l'envers, et "nous sommes montés en gamme grâce au personnel en nous disant : ici, sur l'île, nous avons du personnel de qualité, comment pouvons-nous l'intégrer ? Nous avons tout simplement créé des postes et avons embauché les personnes à l'année. L'équipe fait des roulements, tout le monde prend ses 2 jours de congé, et nous préparons les 35 heures". Les saisonniers sont des Groisillons formés depuis 4 à 5 saisons. "Ils changent de postes, sont polyvalents." L'Auberge du Pêcheur a ainsi définitivement cessé son activité crêperie cette année pour lancer une restauration plus haut de gamme, traditionnelle, à base de poissons, et a inauguré une activité grill à l'extérieur, dans le jardin. Le ticket moyen est de fait monté à 110 F et, comme "les clients souhaitent de plus en plus une restauration sophistiquée", l'établissement répond logiquement à la demande. Selon Brigitte Le Priol, "les gens dépensent plus depuis que l'on a évolué". Ailleurs aussi, la qualité et l'originalité ont leur place comme dans le bar, puisque Patrick Le Priol s'est spécialisé dans les whiskies (une soixantaine de références !) et travaille en direct avec des producteurs de vins. Et pour compléter et enrichir l'activité hôtellerie, les Le Priol ont aménagé 3 superbes chambres d'hôte à proximité, Les Cormorans. Un plus indéniable pour toucher des touristes venus ici, sur Groix, chercher de l'originalité et du caractère.
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L'Hôtellerie n° 2732 Hebdo 23 Août 2001