Gilbert Roubaud
Chef étoilé Michelin d'un restaurant gastronomique, patron d'une table familiale puis responsable d'un restaurant universitaire géré par le Crous, la carrière de Gilbert Roubaud joue les contrastes.
Chef au Métropole de
Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes) avec 1 étoile au Guide Rouge, Gilbert Roubaud a
ensuite repris le petit restaurant de son beau-père, La Patouille à Nice, et veille
depuis avril aux destinées des quelque 2 000 couverts quotidiens du restaurant
universitaire Carlone, sur la faculté de lettres de Nice. "Chaque expérience m'a
apporté quelque chose de différent. Lorsque j'étais au Métropole ou dans d'autres
grandes maisons, je faisais du gastronomique avec tout le prestige de la grande cuisine,
mais aussi avec toute la pression qui accompagne une belle réputation. Dans mon
restaurant, je faisais le marché, j'avais une très grande liberté, mais comme j'étais
seul en cuisine, c'était extrêmement prenant. Ici, je travaille sur des grands volumes,
avec un prix de revient impératif à ne pas dépasser. Et je constate qu'on a les moyens
de bien faire pour un prix de revient pas très élevé (le ticket est à 15,30 F, auquel
s'ajoute une subvention du Crous)", constate-t-il.
Après avoir lu une annonce dans Nice Matin, il a passé le concours en deux
parties : l'une théorique (connaissance des produits, hygiène, prix de revient), et
l'autre pratique (réaliser un menu imposé pour 100 personnes). Puis il a découvert sa
nouvelle affectation, un restaurant universitaire totalement rénové.
Du collectif de bon niveau
"Je conçois un menu chaque jour, avec deux choix de viande ou poisson et deux
légumes, des pâtes avec deux sauces au choix, des grillades, des pizzas, et un plat du
chef, un peu plus cher et un peu plus élaboré comme, par exemple, des Cuisses de canard
aux cerises." Les menus sont élaborés avec trois semaines d'avance, le temps
pour l'économat de passer les commandes : "Même en cuisine collective, on peut
offrir de bons produits et des repas corrects. On travaille beaucoup sur le frais, avec
des livraisons quotidiennes, et une très grande exigence de fraîcheur et de qualité :
si un produit n'est pas beau sur un plateau, c'est le plateau entier qui retourne chez le
fournisseur. Comme nous travaillons en traçabilité totale, tout doit être au top à
l'arrivée chez nous." Des marchés sont passés tous les 3 à 6 mois avec des
fournisseurs, et les volumes achetés permettent de négocier de bons tarifs sur de beaux
produits. "Nous utilisons les surgelés pour les légumes ou pour les
préparations comme les poissons panés ou les nuggets. Notre poisson est généralement
frais, comme les trois quarts des viandes que nous proposons."
Des différences de goût
La clientèle estudiantine qui fréquente Carlone a des goûts bien précis, bien loin des
audacieuses compositions étoilées. "De manière générale, les jeunes manquent
de références en matière de goûts. Ils n'ont pas forcément appris à connaître les
saveurs en famille. Certains mangent à la cantine depuis leur plus tendre enfance, et
l'on voit bien que, sur leur lancée, ils continuent à consommer les mêmes produits,
comme les steaks hachés ou les pâtes, même s'ils ont du choix. Si je présente une
viande en sauce, je ne prévois pas trop de couverts. Mais si j'inscris des nuggets ou des
chicken wings au menu, je suis sûr d'avoir du succès." Gilbert Roubaud ne
s'interdit pourtant pas de proposer des plats plus insolites : "Le tout c'est de
prévoir une alternative et de petites quantités." L'arrivée du nouveau chef a
globalement bien été perçue : "Les étudiants me disent qu'il y a plus de choix
et que c'est meilleur qu'avant. D'ailleurs, les chiffres sont en augmentation par rapport
à l'année dernière..."
Le choix d'une autre vie
Si Gilbert Roubaud est arrivé à Carlone, c'est qu'il a décidé de changer de vie :
"Travailler dans un restaurant étoilé, cela signifie avoir des horaires très
étendus, avec une pression des médias et des guides très intense. Ici, je travaille de
7 h 30 à 15 heures, j'ai mes week-ends. Je profite enfin de mes enfants et de ma femme.
Je ne regrette rien : j'ai eu la chance de très bien gagner ma vie. Mais, maintenant, je
veux profiter d'autres choses, comme les fêtes en famille, les ponts du mois de mai, les
vacances scolaires." Son nouveau poste ne lui donne qu'un seul regret : "Je
n'ai plus trop le temps de faire la cuisine, même si je passe régulièrement devant la
rampe pour voir si tout va bien." Avec la gestion du personnel (25 personnes en
tout, entre la cuisine, la salle, les plongeurs, les magasiniers) et la gestion fiches
pour permettre une traçabilité intégrale, il ne reste plus beaucoup de temps à
consacrer au piano : "Heureusement que les méthodes de travail sont utilisables
partout. Quand je suis arrivé, on m'a dit la collectivité, ce n'est pas évident quand
on n'en a jamais fait. Mais j'ai acquis des réflexes universels : comment rattraper un
plat, comment travailler une marchandise. Ce qui change, c'est le volume, pas le tour de
main." zzz18p
Son nouveau poste ne lui donne qu'un seul regret : "Je n'ai plus trop le
temps de faire la cuisine."
En dates1961 |
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L'Hôtellerie n° 2734 Hebdo 6 Septembre 2001