L'ÉVÉNEMENT
Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact des événements perpétrés aux Etats-Unis sur la bonne marche du tourisme français. Les annulations commencent néanmoins à devenir significatives. Les professionnels du secteur hôtelier appréhendent les mois à venir.
L'activité
touristique est par nature très fragile. Qui plus est pour la France, détentrice du
titre de champion du monde de la catégorie avec quelque 75 millions de touristes
étrangers accueillis l'an passé. Il suffit de se remémorer les vagues d'attentats
terroristes de 1995 et 1996 pour comprendre la sensibilité de ce secteur au moindre
événement géopolitique et conjoncturel. A cette époque, c'est l'Hexagone qui souffrait
dans sa chair et se voyait déserté par des centaines de milliers de visiteurs.
Depuis le 11 septembre dernier, la donne a changé. Ce sont les Etats-Unis qui ont, à
leur tour, été frappés de plein fouet par le terrorisme. Et de quelle manière ! S'il
est difficile à ce jour de se livrer à des pronostics hasardeux, quant à l'évolution
de l'industrie du tourisme outre-Atlantique au cours des prochains mois (selon la firme
PricewatershouseCoopers le chiffre d'affaires de l'industrie hôtelière américaine
devrait reculer de 7 % à 10 % au deuxième semestre), il est clair que la catastrophe
aura des répercussions sur le secteur touristique en France. D'ailleurs, les
investisseurs ont d'ores et déjà anticipé une éventuelle récession entraînant la
chute de plusieurs entreprises françaises cotées du secteur. Accor perdait ainsi 31 % à
la fin de la semaine dernière tandis que le Club Med reculait lui de 32 % et Eurodisney
de 23 %.
Reste que ces répercussions du premier jour seront bien entendu sans doute plus ou moins
fortes dans les prochaines semaines en fonction des régions d'implantation et de leur mix
clientèle. Avec 24,6 millions de touristes étrangers dont plus de 14 millions
enregistrés en hôtellerie homologuée en l'an 2000, les hôteliers d'Ile-de-France
pourraient ne pas échapper au contrecoup de ce drame.
Pas de péril en la demeure
D'autant plus que les Américains représentaient près de 18 % de leurs clients l'an
passé. Voilà d'ailleurs déjà quelques jours que les annulations s'affichent sur les
plannings des établissements de la capitale. Même si chacun se montre compatissant à
l'égard du peuple américain, et s'accorde à dire qu'il n'y a pas "péril en la
demeure", les faits sont là ! "Il n'y a pas d'annulations massives, mais
je constate assez peu de mouvements dans les semaines à venir. Nous devrions clôturer le
mois de septembre à 84 % d'occupation contre 94 % initialement prévus",
constate Didier Lecalvez, directeur général du Four Seasons George V.
"L'impossibilité de voyager en provenance des Etats-Unis a suscité de fait de
nombreuses annulations compensées par les ressortissants qui ne pouvaient plus quitter la
France. Ce mouvement tend à se poursuivre sur les quinze jours à venir",
observe Jean-Louis Souman, directeur du Bristol. "J'ai d'ores et déjà perdu 120
000 euros sur le mois de septembre et 12 % d'occupation. Les annulations se sont
multipliées, notamment ce week-end", avoue pour sa part Alexandre Scarvelis,
directeur de l'Hôtel Pont Royal, en plein cur du quartier des antiquaires rive
gauche à Paris.
"En réalité, on ne sait pas si ces annulations résultent des problèmes de
transport ou bien si les Américains ne veulent plus voyager. Il n'empêche que nous avons
déjà enregistré une chute sensible de notre clientèle américaine", souligne
Pierre Martin Roux, directeur général de la société des Hôtels de Paris. "Nous
constatons entre 15 et 20 % d'annulations sur les deux semaines à venir",
précise François Delort, responsable du réseau Hôtels Unis de France qui compte
quelque 80 hôtels dans la capitale. Et d'ajouter : "Certaines annulations ont
été compensées dans un premier temps par les départs retardés. Tous nos adhérents
affichaient normalement complet pour la nuit du 14 septembre dernier. 39 d'entre eux ont
finalement terminé avec plus de 10 chambres disponibles le soir de ce même jour."
Importance du mix clientèle
Du côté des Grandes Etapes Françaises, on décrit la situation comme préoccupante mais
pas catastrophique. "Les réactions immédiates se sont bien sûr traduites par
l'annulation ou le report d'une série de groupes. Nous avons une clientèle bien
diversifiée ce qui nous permet cependant de mieux rebondir commercialement",
commente Alain Parenteau, directeur commercial de la chaîne.
Propos sensiblement analogues pour le Carlton à Cannes. "Il est vrai que trois
groupes ont annulé leurs réservations. Mais parallèlement, les gens bloqués en France
sont restés chez nous... Nous avons malgré tout la chance d'avoir un mix clientèle
équilibré. Cela nous expose moins violemment aux événements conjoncturels",
avance Didier Boidin, directeur du palace cannois.
Ne pas avoir mis tous les ufs dans le même panier est indiscutablement un gros
avantage en cette période. En attendant, il n'y a pas que les Américains qui pourraient
mettre un frein à leur déplacement. Il va paraître plus difficile à tous les
étrangers, y compris les Français, de consommer et surtout de voyager. "Ça
arrive petit à petit, mais il y a aussi des entreprises européennes qui suppriment
certaines réunions", note du reste avec prudence Cyril Vaussard, l'un des
cofondateurs de Hotels & Preference.
Loin de tirer cependant des plans sur la comète, les professionnels de l'hôtellerie
française veulent garder la tête froide, et sont loin de rester les deux pieds dans le
même sabot. Au contraire. Les cellules de crise ou de réflexion se mettent en place pour
réagir. Best Western France s'est ainsi réuni lundi soir afin d'établir un plan
d'action. "Il ne s'agit en effet de ne pas paniquer et de ne pas commettre
d'erreurs tant en termes de politique tarifaire que d'ouverture des plannings de
réservations", affirme Rodolphe Ermel, patron du réseau volontaire pour la
France et l'Europe.
Ouverture des plannings de réservations
"Nous sommes très attentifs à ce qui va se passer dans les semaines à venir
parce que certains tour-opérateurs et agents de voyages vont sans aucun doute nous
demander de revoir nos tarifs", pressent Alain Parenteau. La situation n'est
toutefois pas encore aujourd'hui aussi catastrophique que cela, et les hôteliers sont
loin d'envisager une baisse de leurs prix. "Cela ne changerait rien à l'affaire !
D'autant que même si l'on devine que la récession annoncée voilà quelques mois déjà
va nous toucher plus vite que prévue, on ne sait pas quelle en sera l'ampleur",
lance Alexandre Scarvelis.
En revanche, question utilisation des centrales de réservations, les professionnels ont
d'ores et déjà changé leur fusil d'épaule. Les plannings sont en effet grand ouverts.
"On a le planning le plus ouvert que l'on ait jamais vu", déclare
François Delort. Pour certains, il va falloir maintenant savoir prendre des risques.
"Nous avons ouvert tous les canaux de distribution quitte à faire du surbooking",
conclut Pierre Martin Roux.
C. Cosson zzz09 zzz36o zzz99 zzz36v zzz36n
Nuitées de janvier à juillet 2001 - Répartition par nationalités | ||
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Pays | Cumul | Part |
France | 12 043 823 | 41,1 % |
Royaume-Uni | 3 280 647 | 11,2 % |
Etats-Unis | 3 275 693 | 11,2 % |
Allemagne | 1 405 799 | 4,8 % |
Italie | 1 267 788 | 4,8 % |
Japon | 1 236 788 | 4,3 % |
Espagne | 1 034 402 | 3,5 % |
Pays-Bas | 856 968 | 2,9 % |
Indéterminés | 643 327 | 2,2 % |
Belgique | 573 918 | 2 % |
Asie/Australie/Océanie | 563 662 | 1,9 % |
Suisse | 507 998 | 1,7 % |
Amérique Centrale et du Sud | 498 336 | 1,7 % |
Proche et Moyen-Orient | 377 860 | 1,3 % |
Russie | 227 306 | 0,8 % |
Autres pays d'Europe | 216 681 | 0,7 % |
Canada | 185 208 | 0,6 % |
Suède | 156 066 | 0,5 % |
Danemark | 148 126 | 0,5 % |
Autres pays africains | 134 520 | 0,5 % |
Algérie/Maroc/Tunisie | 131 590 | 0,4 % |
Portugal | 102 599 | 0,3 % |
Autriche | 100 616 | 0,3 % |
Irlande | 77 937 | 0,3 % |
Grèce | 63 288 | 0,2 % |
Finlande | 57 509 | 0,2 % |
Norvège | 47 315 | 0,2 % |
Turquie | 25 796 | 0,1 % |
Pologne | 24 205 | 0,1 % |
Luxembourg | 12 795 | 0 % |
Hongrie | 12 729 | 0 % |
République Tchèque | 9 935 | 0 % |
Islande | 9 472 | 0 % |
Slovaquie | 6 211 | 0 % |
Total étrangers | 17 272 850 | 58,9 % |
Total | 29 316 673 | 100 % |
*Sources : Insee/Ortif |
Les restaurateurs dans l'expectative...Le secteur de l'hôtellerie n'est pas le seul à être inquiet face aux retombées possibles des attentats américains. La restauration haut de gamme s'attend, elle aussi, à connaître des annulations dans les semaines qui viennent. Relais Gourmands, restaurants étoilés Michelin, savent combien la clientèle américaine est importante tant en matière de fréquentation qu'en matière de prix moyen. Alain Senderens, au Lucas Carton place de la Madeleine à Paris, l'estime entre 20 et 25 % sur l'année. "Dès le premier soir, trois tables ont été annulées par des Américains qui ont préféré rester dans leur hôtel. Je comprends tout à fait cette attitude. L'avenir ? S'il n'y a pas d'autres attentats, j'ai le sentiment que tout rentrera dans l'ordre assez vite. Sinon, tout le monde va rester chez soi et alors... Aujourd'hui malheureusement, on ne peut qu'attendre pour voir de quoi sera fait l'avenir." zzz22v |
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L'Hôtellerie n° 2736 Hebdo 20 Septembre 2001