Cafés et brasseries parisiens
Il est de plus en plus difficile de trouver du personnel en restauration. Les cafés et brasseries parisiens n'échappent pas au phénomène. Le métier de serveur n'a plus la cote auprès des jeunes. Quand ils l'exercent, c'est entre deux cours... Rares sont ceux aujourd'hui qui veulent faire carrière. A qui la faute ?
Georges
a 27 ans. Il est propriétaire d'un bistrot en proche banlieue depuis 5 ans. Celui-ci a
toujours voulu tenir sa propre affaire. Pour y parvenir, il a démarré tôt derrière le
bar, fréquentant petites et grandes enseignes parisiennes, retroussant ses manches sans
compter ses heures. "Moi, j'ai travaillé pour acheter mon café. Il m'est arrivé
de faire 40 heures en deux jours et c'était super bien payé. Je me suis fait jusqu'à 40
000 F par mois, sur fiche de paye ! J'étais alors payé au pourcentage." Georges
a aussi travaillé au tronc commun. "Ce n'est pas un bon système parce qu'il y en
a toujours qui travaillent moins que d'autres... J'ai aussi travaillé au portefeuille.
C'est le système le plus motivant puisqu'on gagne en fonction de son efficacité..."
Pour Georges, comme pour d'autres garçons, l'intérêt du métier, c'est avant tout
'l'argent' qu'il rapporte. "C'est un métier dur, physique. Il faut rester debout
plusieurs heures d'affilée... Si ce métier n'est plus rémunérateur, il n'y aura plus
de serveurs professionnels d'ici à 10 ans", prédit un autre garçon.
Le début de la fin ? Pour les patrons de cafés parisiens, l'embauche est un vrai
casse-tête. Les sources des filières traditionnelles, comme les bureaux de placement ou
l'ANPE, se tarissent régulièrement. L'offre dépasse très largement la demande. Michel
Bessières, propriétaire du Wepler, parle d'une "véritable catastrophe".
Celui-ci a mis récemment en place un système de parrainage pour ses employés avec une
prime de 1 200 F à la clé. "Ce métier n'attire plus les jeunes. On le voit, il
n'y a pas, en fait, de renouvellement de génération. Je pense que ceci est aussi dû à
des modifications sociologiques profondes. Regardez, l'artisanat n'existe quasiment plus.
Quant aux Auvergnats, ils n'ont plus envie de monter à Paris..."
Tout-venant
Le Wepler fait pourtant partie des établissements modèles en matière d'embauche et de
politique de ressources humaines. Michel Bessières n'hésite pas à envoyer son personnel
en formation continue. Il y a longtemps qu'il a mis en place les deux jours consécutifs
et il réfléchit actuellement à la mise en place d'une prime de fidélité. "Nous
avons un travail de fond à réaliser. La société évolue et nous devons offrir autre
chose aux jeunes si nous voulons les attirer. Nous allons devoir prendre en charge
certaines choses qui n'étaient pas, jusque-là, dans les murs de la profession."
Paradoxalement, les patrons de bistrots parisiens sont sollicités par le tout-venant.
"Nous avons pas mal de personnes qui entrent au hasard pour nous demander si on a
besoin d'un serveur ou d'un commis", explique un patron du XXe arrondissement.
"Malheureusement, les gens qui viennent par ce biais sont rarement fiables. Il ne
faut pas oublier qu'il y a manipulation d'argent, et ce n'est pas facile de tout
surveiller. Même un directeur aguerri peut se faire avoir. Un bon serveur, normalement,
reste 2 à 3 ans. Ensuite, c'est dans la mentalité, il aime voir ailleurs. Ce constat
s'applique aux petites maisons. Dans les plus grandes, les places sont chères !"
Hervé Dijoles a repris depuis quelques années le café de ses parents situé près de la
tour Eiffel. L'homme est aussi vice-président de la section limonade du SNRLH. Lui aussi
constate : "Il existe des problèmes à tous les niveaux de qualification, et
même si nous faisons des efforts sur les salaires, il est extrêmement difficile de
trouver du personnel à Paris. L'établissement que je dirige est familial et j'ai la
chance d'avoir une équipe fidèle. C'est un personnel que nous estimons et que nous
apprécions. Personnellement, je crains que les problèmes de recrutement persistent tant
que la profession n'aura pas évolué dans son approche vis-à-vis du personnel. Nous
devons aller chercher les jeunes à la sortie des écoles, leur offrir une formation et un
parcours professionnel qui corresponde aux ambitions de notre époque. Nous sommes à une
césure importante. La législation, l'environnement bougent et nous devons prendre les
devants si nous voulons conserver nos établissements en vie."
Le SNRLH a récemment créé une commission de réflexion sur ce thème. Plusieurs pistes
sont étudiées, notamment le regroupement des petites affaires pour un partage du
personnel.
Etudiants
Dans leur ensemble, les établissements dits 'branchés' séduisent plus volontiers les
nouvelles générations. L'image et le mode de fonctionnement nocturne de ces
établissements attirent d'autres populations. "Boulot complémentaire"
pour les uns, "moyen de s'amuser" - aussi ! - pour les autres, ces
garçons, et serveuses, n'ont pas du tout l'intention de faire carrière dans la limonade.
On y croise pas mal d'artistes en herbe.
Autre cheptel : celui des étudiants. Le Dupont Café, à Paris, puise une partie de son
personnel dans les facs proches. L'idée est valable mais demande un encadrement solide et
une bonne gestion des équipes. "Un personnel étudiant est agréable parce qu'il
est souriant, plus détendu. Il faut toutefois prendre garde à ne pas lui réclamer
l'impossible. C'est un personnel de bonne volonté qui aura une réaction souvent
affective par rapport à l'établissement. Chez moi, ajoute Joël Jondeau, ils
viennent par le bouche à oreille. Ce sont la plupart du temps les amis des amis..."
Alors, jusqu'à quand les cafetiers pourront-ils tourner dans ces conditions ? Là encore,
l'image du garçon de café doit évoluer, mais pour ça, encore faut-il que les rapports
au sein des équipes évoluent eux aussi. On ne reste pas garçon toute une vie, à moins
d'y trouver un intérêt financier qui le justifie vraiment. Là encore, les nouvelles
mesures fiscales, qui suppriment l'exonération de TVA sur le service, ne sont pas faites
pour arranger les choses... Il faut toutefois espoir garder !
S. Soubes zzz24 zzz54r
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L'Hôtellerie n° 2736 Supplément Formation 20 Septembre 2001