Le passage à la monnaie unique va modifier les politiques tarifaires. Les professionnels de l'hôtellerie affirment ne pas vouloir profiter de l'occasion pour pratiquer des hausses intempestives. D'autant que leurs prix moyens progressent depuis quelques années.
Euro =
inflation ! Voilà une équation que redoutent à la fois les consommateurs et les membres
du gouvernement. D'ailleurs, selon le dernier sondage d'Eurobaromètre, réalisé en juin
et juillet derniers auprès de 6 543 Européens dans les 12 pays de la zone euro, 66 % des
personnes interrogées appréhendent la valse des étiquettes lors du passage à la
monnaie unique. Une crainte plutôt logique, notamment en France, où, si l'on en croit
les résultats d'une enquête menée par la Direction générale de la consommation, de la
concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), certains commerçants se seraient
d'ores et déjà laissés aller à des hausses tarifaires substantielles.
A commencer par les grandes et moyennes surfaces dont les prix ont respectivement bondi de
0,4 % et 0,5 % aux mois de juillet et août. Vient ensuite la boulangerie-pâtisserie avec
0,8 % en août. Et dans le domaine des services, l'hôtellerie n'a évidemment pas
échappé au mouvement général. La DGCCRF estime en effet que l'industrie hôtelière
française a subi une hausse de 0,8 % pour les 1 étoile en juillet, 1 % pour les 2
étoiles et 1,9 % pour les 3 étoiles.
Pourtant, mieux vaudrait sur ce point ne pas faire d'amalgame inopportun. Difficile
effectivement de tirer des tendances sur les évolutions tarifaires d'un secteur
d'activité aussi sensible à la saisonnalité (été, hiver, week-end, semaine...) que
l'hôtellerie, et ce, uniquement en observant à la loupe la période dite de haute
saison. Sans compter en outre que la majorité des hôteliers s'adonnent désormais à la
technique du Yield management : l'optimisation du prix moyen chambre en fonction de
l'offre et de la demande.
Sensibilité de la clientèle à l'élasticité des tarifs
En clair, les derniers relevés effectués par les enquêteurs de la DGCCRF à travers
l'Hexagone doivent être analysés avec précaution et ne pas conduire à des conclusions
trop hâtives. D'autant que les professionnels du secteur affirment à l'unisson que
l'euro ne saurait servir de prétexte à une augmentation de leurs tarifs. Et c'est tant
mieux ! Parce que la Commission européenne veille, de toutes les manières, très
sérieusement au grain, et le ministre des Finances, Laurent Fabius, n'hésitera pas à
montrer du doigt les fautifs.
Concrètement, petits propriétaires ou grands opérateurs hôteliers tiennent en fait
tous pour une fois un langage quasiment identique. "Notre politique tarifaire
dépend de la combinaison de l'évolution de nos coûts et de différents éléments tels
la fiscalité, les prix des fonciers, les charges de personnel... variables suivant les
pays d'implantation. Cela signifie que le passage à l'euro ne constitue pas en lui-même
une opportunité pour harmoniser nos tarifs en Europe", commente Serge Ragozin,
directeur général des services transversaux pour l'hôtellerie Accor. Et de préciser :
"La monnaie unique n'a donc pas eu d'impact sur le prix de nos chambres d'hôtel."
"D'autant plus, poursuit Alain Bouchard, directeur marketing de la société
Envergure, que les tarifs de nos métiers ont connu une augmentation continue depuis
1997." "Nous regardons bien sûr les fourchettes de prix en Europe. Mais,
c'est au final la capacité de nos clients à payer qui nous intéresse. Or, les
consommateurs d'hôtellerie économique qui constituent l'essentiel de notre parc (Campanile,
Première Classe, Kyriad) sont extrêmement sensibles à l'élasticité des prix. Il
suffit de 5 francs pour que certains rejoignent les concurrents. Il s'agit donc pour nous
de ne pas les perdre", explique-t-il.
Euro majeur
Après analyse approfondie de la politique commerciale adoptée par ses adhérents (235
établissements indépendants 2 et 3 étoiles), la chaîne Inter Hôtel constate elle
aussi une volonté générale de ne pas déraper. "Les tarifs affichés pour 2002
concernant le segment groupe enregistrent une hausse de seulement 4 %. Compte tenu de
l'inflation, cela n'a rien d'excessif", souligne Jean-Pierre Mansoux, directeur
général du réseau. "Voilà plusieurs mois déjà que nos adhérents expriment
leurs tarifs en euros. Nos clients ont donc maintenant l'habitude de cette monnaie. Une
inflation tarifaire intempestive serait plutôt mal habile", confirme Jacques
Olivier Chauvin, responsable commercial de Relais & Châteaux.
Souhaitant éviter le phénomène de psychose, la grande majorité des hôteliers affirme
en effet vouloir jouer la transparence. "Nos clients ont été au cur de nos
préoccupations", avoue ainsi Christine Deloy, directeur projet et développement
chez Lucien Barrière, pour lequel les dépenses consacrées au passage à l'euro
dépasseront 20 MF, dont 80 % pour les casinos. Et d'ajouter : "Nous avons
accordé beaucoup d'importance au respect des règles d'affichage en euros majeur."
Une démarche, qu'à titre d'exemple, le groupe Accor a lui aussi adopté en exprimant ses
prix en euros majeur depuis le début de l'été 2001 pour ses enseignes Mercure, Sofitel
et Novotel, tandis que l'hôtellerie économique l'adoptera au 1er janvier 2002. Sans
oublier certains indépendants qui ont également choisi d'anticiper sur l'heure du fameux
passage. "Tout le monde a intérêt à ce que le passage à la monnaie unique se
déroule dans un climat de confiance. Dans cet objectif, tous mes tarifs seront affichés
en euros majeur à partir du 1er novembre prochain", témoigne M. Bellot,
propriétaire de l'hôtel Les Peupliers à Baratier (05), membre des Logis de France.
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Conversion
Une quête de confiance qui se traduit en outre pour bon nombre de professionnels par une
stricte conversion des prix en vigueur en euros. "Afin de rassurer les clients,
nous avons en effet demandé à nos franchisés de convertir leurs tarifs en euros en
introduisant les décimales", confie Frédérik Chauffour, directrice marketing
de Choice France.
A première vue, rien de plus simple pour les entreprises. Il suffit en effet de diviser
par 6,55957... Pourtant, cette opération est loin d'être sans risque. "D'abord,
parce que c'est un vrai casse-tête chinois pour communiquer auprès des prescripteurs",
signale un responsable commercial. Ensuite, parce que la conversion peut entraîner des
différences importantes qui pourraient, à terme, peser sur les marges. Les hôteliers ne
prennent donc pas du tout ce problème à la légère. Et les convertisseurs chauffent dur
!
Reste que pour ceux qui se lancent dans les arrondis, chacun en fait un peu à sa guise.
On passe ainsi à l'euro inférieur sur une prestation de type petit-déjeuner, tandis que
l'euro supérieur l'emporte dans le domaine de tarifs chambres. Mieux vaudrait néanmoins
en la matière respecter la règle de conversion et celle de l'arrondi (lire encadré
ci-contre) tout en se penchant sur la logique adoptée par la concurrence. Car le passage
à l'euro va donner la possibilité aux consommateurs de comparer les prix d'un pays à
l'autre.
Transparence des prix en Europe
Sur ce point précis, tous les hôteliers français paraissent d'ailleurs partager un avis
similaire. "L'euro va être un révélateur ! Les touristes vont enfin pouvoir
prendre conscience des prix modiques pratiqués par l'hôtellerie française",
assure Jean-Pierre Mansoux.
"Avec l'euro, les comparaisons vont être facilitées. L'industrie hôtelière
française, jugée plutôt moins chère que celle d'autres pays européens, devrait
bénéficier de retombées favorables", argumente Serge Ragozin. D'autant plus
aisément qu'à cet avantage s'ajoute aussi la facilitation du travail des
tour-opérateurs et des déplacements au sein du Vieux Continent. A noter toutefois que,
malgré la transparence des prix permise par l'arrivée de la monnaie unique, les
consommateurs européens garderont sans doute leurs habitudes de consommation. Le pari de
l'euro pour le tourisme français s'effectuera donc par les prix, mais la 'guerre'
commerciale portera également sur le contenu des prestations. Restons vigilants !
C. Cosson zzz67e zzz36v
Source : PKF Consulting France
Source : PKF Consulting France
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L'Hôtellerie n° 2738 Hebdo 4 Octobre 2001