Pour des raisons de sécurité ou de confort de votre clientèle, un salarié doit être présent la nuit dans les hôtels. Astreinte ou travail effectif, des règles différentes en matière de rémunération et de repos. Suivez le guide...
Le temps d'astreinte n'est pas du temps de travail effectif, mais une période au cours de laquelle "le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme du temps de travail effectif". (article L.212-4 bis du Code du travail issu de la loi Aubry II du 19 janvier 2000).
Le salarié doit rester à son domicile
Il y a astreinte quand le salarié est tenu de rester à son domicile (ou à proximité)
pour être à même d'intervenir dans l'entreprise en cas de besoin. Par exemple, pour
accueillir ou remettre des clés à un client pendant la nuit.
Par contre, à partir du moment où vous demandez à votre salarié de rester dans
l'établissement, il s'agit de travail effectif que vous devrez payer comme tel. Et, ceci,
même si pendant cette période, votre salarié dispose d'une chambre dans laquelle il
peut lire, dormir, regarder la télévision ou vaquer à ses occupations personnelles.
Il est donc très important de faire le point sur les conditions dans lesquelles vous
demandez à votre salarié d'être à votre disposition.
En pratique, 2 situations se présentent souvent, mais dans un cas, il s'agira de temps de
travail effectif pendant toute la durée de présence de votre salarié, alors que dans
l'autre, il y aura astreinte.
Pour mieux comprendre, on peut prendre l'exemple d'un réceptionniste de jour à qui
l'employeur demande d'être d'astreinte 2 nuits par semaine au cas où il faudrait
remettre une clé à un client ou enregistrer une arrivée tardive.
w Le réceptionniste habite sur place dans un logement
de fonction : il y a astreinte
Vous mettez à la disposition de votre réceptionniste un logement de fonction dans
l'entreprise, et vous lui demandez d'y rester 2 nuits par semaine pour être en mesure
d'intervenir dans l'établissement si nécessaire.
Dans ce cas, il s'agit de 2 nuits d'astreinte car le réceptionniste est chez lui, à son
domicile personnel, tout en étant susceptible d'intervenir rapidement et à tout moment
de la nuit dans le cadre de ses fonctions.
Seul le temps pendant lequel le salarié intervient dans l'entreprise constitue du temps
de travail effectif devant être payé comme tel.
w Le réceptionniste n'habite pas sur place, mais
dispose d'une chambre avec un lit et la télévision : ce n'est pas une astreinte
Vous mettez à la disposition de votre réceptionniste une chambre avec un lit et la
télévision, mais il n'habite pas sur place. Le but de cette pratique courante est qu'il
puisse intervenir rapidement à toute heure de la nuit dans le cadre de ses fonctions.
Dans ce cas, il n'y a pas astreinte, mais travail effectif devant être payé comme tel
pendant toute la durée de présence du salarié dans l'entreprise. Ainsi, la totalité
des heures de présence dans l'entreprise compte comme du temps de travail effectif, et
doit être payée comme les heures de travail de la journée. Par conséquent, si votre
réceptionniste arrive à 20 heures et repart à 7 heures du matin, toutes ces heures,
sans exception, doivent être payées au minimum au Smic hôtelier (43,72 F), peu importe
qu'il ait pu vaquer à ses occupations personnelles pendant certaines heures. Ici, ce qui
l'emporte, c'est qu'il soit présent dans l'entreprise.
Comment mettre en place un système d'astreinte ? L'article
L. 212-4 bis du Code du travail prévoit que les astreintes sont mises en place par
convention collective ou accord collectif d'entreprise devant prévoir l'organisation des
astreintes, mais aussi leur compensation. Mais la convention collective nationale des CHR
du 30 avril 1997 ne prévoit rien à ce sujet. Attention ! A défaut d'accord collectif organisant un système d'astreinte, la mise en place d'une astreinte non prévue initialement au contrat constitue une modification du contrat de travail qui nécessite l'accord du salarié (Cass.soc. 31 mai 2000). Autrement dit, vous ne pouvez pas du jour au lendemain demander à votre réceptionniste de faire des astreintes si cela n'est pas prévu dans son contrat de travail, car cela constitue une modification du contrat de travail qui nécessite son accord. |
Comment payer les astreintes ?
Le but de l'astreinte est d'avoir la possibilité de faire intervenir un salarié
uniquement en cas de besoin (remise de clé, arrivée tardive dans la nuit, malaise d'un
client vous obligeant à appeler les pompiers...). Pendant la période d'astreinte, le
salarié peut être appelé à intervenir, mais il peut aussi ne pas intervenir du tout si
ce n'est pas nécessaire.
Et, vous ne pouvez pas rémunérer de la même façon le salarié qui est intervenu et
celui qui n'est pas intervenu. Aussi, conformément à la loi, il faut distinguer :
w Le salarié est resté chez lui, autrement dit, il
n'est pas intervenu pendant son temps d'astreinte : vous devez l'indemniser
L'astreinte sans intervention du salarié doit donner lieu à compensation sous forme
financière ou sous forme de repos. Autrement dit, vous devez indemniser votre salarié
d'astreinte. Cette indemnisation doit être négociée avec les représentants du
personnel ou le comité d'entreprise au moment de la mise en place du système d'astreinte
et vous devez en informer l'inspection du travail.
S'il n'y a pas de représentant du personnel dans votre établissement, vous pouvez
vous-même fixer l'indemnisation, mais vous devez quand même en informer l'inspection du
travail.
w Le salarié a quitté son domicile pour intervenir dans
l'entreprise pendant sa période d'astreinte : vous devez lui verser son salaire horaire
Le temps passé à cette intervention constitue du temps de travail effectif devant être
payé comme tel, c'est-à-dire, au même tarif que les heures normales de travail.
Attention ! Toutes les heures d'astreinte doivent être rémunérées, sachant qu'elles
sont indemnisées quand le salarié n'intervient pas, et payées comme du temps effectif
quand le salarié est intervenu. Le logement de fonction ne peut pas remplacer la
rémunération due en cas d'intervention (Cass.soc. 18 juillet 2000).
Ce que vous devez retenir Il y a astreinte devant être indemnisée quand le salarié est à son domicile : w Votre salarié n'habite pas sur place et vous lui
demandez de rester obligatoirement chez lui 1 ou plusieurs nuits par semaine afin
d'intervenir dans l'hôtel à la demande d'un client. Il y a temps de travail effectif devant être payé comme tel quand le salarié est
dans l'entreprise : |
Comment concilier astreintes et repos ?
Selon l'article L.212-4 du Code du travail, une seule certitude : quand votre salarié
d'astreinte intervient dans l'entreprise, ce temps d'intervention est du travail effectif
devant être payé comme tel.
Par contre, qu'en est-il du temps d'astreinte pendant lequel le salarié n'est pas
intervenu ? Si ce n'est pas du temps de travail effectif, est-ce du repos pour autant ? Le
réceptionniste, contraint de rester dans sa chambre, même s'il se repose ou regarde la
TV, est-il vraiment libre de se reposer ?
Cette question est très importante car la réponse a des conséquences qui touchent le
salarié et l'employeur.
En effet, si l'on considère que l'astreinte sans intervention est du temps de repos, cela
vous autoriserait à mettre un salarié d'astreinte quand vous le voulez, et ce, sans
avoir à respecter les repos journaliers et hebdomadaires.
Par contre, si l'on considère que l'astreinte sans intervention est du travail effectif,
cela signifierait que vous devrez prévoir des périodes d'astreinte en dehors des repos
journaliers et hebdomadaires. Repos que vous devez impérativement respecter conformément
à la convention collective nationale des CHR du 30 avril 1997, qui prévoit que tous les
salariés de la profession bénéficient de 11 heures de repos entre 2 jours de travail,
et de 2 jours de repos par semaine.
Flou juridique
Alors, qu'est-ce que l'astreinte ? Est-ce du repos ou du travail effectif ? En clair,
peut-on demander à un salarié de faire des astreintes sur son temps de repos journalier
ou hebdomadaire ? Sur ce point, c'est le flou juridique, d'autant que l'administration et
les tribunaux n'ont pas la même position.
w Pour l'administration, l'astreinte peut se confondre
avec le repos
Pour l'administration, et selon la circulaire administrative du 3 mars 2000, l'astreinte
n'est pas incompatible avec le temps de repos. Pour elle, il serait possible de prévoir
par exemple 2 nuits d'astreinte pour votre réceptionniste de jour, et ce, en plus de ses
horaires de jour.
Autrement dit, selon elle, si votre salarié est d'astreinte pendant une période de repos
(journalier ou hebdomadaire), et qu'il n'intervient pas durant cette période, ce n'est
pas une infraction aux règles de repos quotidien ou hebdomadaire. A condition, toutefois,
de ne pas abuser de cette situation : l'employeur ne doit pas imposer l'astreinte au même
salarié et systématiquement durant ses repos.
La position de l'administration est critiquable car elle revient à assimiler en partie
l'astreinte au repos. Or cette affirmation se contredit avec la notion de repos, qui,
selon le 1er président de la Cour de cassation (Philippe Waquet en 1998), impose une
coupure totale avec son employeur. Or, ce n'est pas le cas d'un salarié d'astreinte qui
est obligé de rester chez lui ou à proximité, en étant susceptible d'intervenir à
tout moment.
w Pour les tribunaux, l'astreinte n'est ni du repos,
ni du travail effectif
Pour les tribunaux, l'astreinte n'est ni du repos, ni du travail effectif. Cette position
conduit à exclure le cumul des temps d'astreinte et de repos. En clair, un salarié ne
peut pas être d'astreinte pendant sa période de repos journalier ou hebdomadaire. La
Cour de cassation a ainsi jugé qu'un employeur était en infraction avec l'obligation de
repos hebdomadaire si le salarié est d'astreinte durant cette période même s'il n'a pas
eu à intervenir au cours de ses heures de repos (Cass.soc. 7 janvier 1988).
Par conséquent, l'astreinte ne peut prendre place qu'en dehors du temps de travail
effectif et en dehors du temps de repos (sauf dérogations accordées par l'inspecteur du
travail après validation d'un accord collectif et dans des cas très limités
conformément aux articles D.220-1 à D.220-8 du Code du travail, et qui ne sont pas
faciles à obtenir).
La position des tribunaux a le mérite d'être plus juste que celle de l'administration.
Elle est en adéquation avec la notion de repos qui suppose une coupure totale avec
l'employeur. Or, cette coupure n'existe pas pour le salarié d'astreinte : non seulement
il ne peut pas quitter son domicile (ou sa proximité), mais en outre, il est susceptible
d'avoir l'obligation de stopper ses occupations personnelles pour intervenir dans
l'entreprise si son employeur lui en donne l'ordre. Il n'est donc pas complètement libre.
Mais l'astreinte n'est pas non plus du travail effectif, parce que tant qu'il ne reçoit
pas l'ordre d'intervenir, il peut vaquer à ses occupations personnelles.
Prévenez vos salariés du programme d'astreinte 15 jours à
l'avance Si vous avez mis en place un système d'astreinte dans votre
établissement, n'oubliez pas que vous devez aviser vos salariés des périodes
d'astreinte les concernant 15 jours à l'avance. |
L'astreinte favorisée par les 35 heures
La position des tribunaux a en outre le mérite de pouvoir se concilier avec la réduction
du temps de travail. En effet, la loi sur la RTT diminue le temps de travail effectif mais
sans pour autant augmenter les temps obligatoires de repos, ce qui permet de dégager une
plage horaire pour les astreintes.
La convention collective nationale des CHR du 30 avril 1997 fixe la durée du travail dans
les CHR à 43 heures hebdomadaires réparties sur 5 jours. Ce qui conduit à un horaire
journalier moyen de 8 h 36, sachant qu'il est interdit de faire travailler plus de 11
heures par jour les cuisiniers, 11 h 30 par jour les salariés appartenant à la
catégorie 'autres salariés', et 12 heures par jour les veilleurs de nuit.
Compte tenu de ces 3 éléments, et du fait que l'astreinte ne peut se faire qu'en dehors
du temps de travail effectif et du temps de repos, il reste peu de temps pour l'astreinte.
Exemple : si un veilleur de nuit travaillant sur 5 jours 8 h 36 avec 11 heures minimum de
repos obligatoires et 12 heures maximum de travail effectif entre 2 jours de repos, il ne
peut être d'astreinte que 3 h 24 par jour (12 heures - 8 h 36 = 3 h 24).
Avec la réduction du temps de travail, la durée du travail effectif diminue (de 43
heures à 35 heures), mais les temps de repos minimums restent inchangés. Cela dégage
une plage horaire plus importante entre le temps de travail effectif maximum et le temps
minimum de repos obligatoire. Cette plage horaire permet d'utiliser des astreintes.
Exemple : Si un veilleur de nuit travaille 35 heures sur 5 jours par semaine, on peut
imaginer un horaire de travail de 7 heures par nuit, dont 2 nuits consécutives comprenant
en plus 5 heures d'astreinte. Cette répartition respecte à la fois la durée maximale
journalière (7 heures + 5 heures = 12 heures) et la durée minimum de repos obligatoire
(24 heures - 12 heures de présence dans l'entreprise = 12 heures de repos entre deux
nuits de travail).
T. Beausseron zzz60t zzz60c
Question-réponse |
Je suis gérant d'un petit établissement
sans comité d'entreprise ni représentant du personnel. Mon responsable d'hôtel
bénéficie d'un logement de fonction dans l'établissement. Il travaille le jour, mais je
lui demande de rester présent toute la nuit, 7 jours sur 7, à son domicile de fonction,
au cas où un client aurait besoin de clés ou d'autres choses. Actuellement, je le paye
sur une base de 186,33 heures par mois. Il me dit que ces nuits sont des astreintes devant
lui être payées. Est-ce vrai et si oui, comment dois-je lui payer les heures d'astreinte
? (K.A. de Niort) Les nuits pendant lesquelles votre responsable d'hôtel est susceptible d'être appelé par un client sont des périodes d'astreinte car il est tenu de rester chez lui pour, en cas de besoin, intervenir dans l'établissement dans le cadre de ses fonctions. Ces périodes d'astreinte doivent donc être compensées soit financièrement soit sous forme de repos. Toutefois, il faut distinguer, selon que, pendant cette période d'astreinte, votre salarié est appelé par un client ou non. w Quand aucun client ne l'a appelé (autrement dit, il
n'est pas intervenu), toutes les heures de la nuit constituent des heures d'astreinte
devant être indemnisées soit financièrement, soit sous forme de repos. Cette
indemnisation s'ajoute à la rémunération des heures de travail de la journée. Attention ! Lorsque vous instaurez un système d'astreinte en l'absence de
représentant du personnel, vous devez en informer l'inspection du travail du lieu où se
trouve votre établissement. Vous devez en outre respecter les règles relatives aux repos
journalier et hebdomadaire. Cela vous interdit de demander à un salarié d'être
d'astreinte 7 nuits sur 7. Par contre, vous pouvez par exemple le mettre d'astreinte 2
nuits par semaine et répartir les autres jours avec les autres salariés. |
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L'Hôtellerie n° 2742 Hebdo 1er Novembre 2001