Tourisme - LES TOUR-OPÉRATEURS FRANÇAIS NE SONT PAS ÉPARGNÉS PAR LES FUSIONS- ABSORPTIONS. CES CONCENTRATIONS NE POURRONT PAS ETRE SANS CONSÉQUENCE POUR LEURS RAPPORTS AVEC LES HOTELIERS.
En à peine quelques mois, l'environnement concurrentiel du tourisme s'est transformé en France, laissant de nombreux opérateurs dans l'expectative. Les Allemands Preussag et C & N, qui ont entamé les grandes manuvres de conquête en Europe du Nord voici plus de 2 ans, jettent désormais leur dévolu sur le sud du Vieux Continent, Espagne et France en tête. Ils disposent chacun d'un réseau d'agences de voyages pour vendre leurs produits dans l'Hexagone, Preussag grâce à sa prise de participation dans Nouvelles Frontières, C & N via le rachat des agences Havas Voyages. Dans ce contexte de concentration, l'isolement est de plus en plus difficile à assumer, et les entreprises tricolores ne peuvent plus échapper à la logique de regroupement.
Fram se bat pour maintenir son indépendance.
La fin des prédateurs français
Or, les opérations d'envergure initiées par des opérateurs français, se font très
rares. Il faut remonter à juin 1999 et au rachat de Jet Tours par le Club Med pour
constater de tels rapprochements. Les autres entreprises susceptibles de jouer les
prédateurs privilégient les simples alliances commerciales ou la croissance interne,
comme Fram et Accor, malgré l'acquisition de quelques TO de taille plus modeste par ce
dernier (Frantour, Couleurs Locales, Terrien...). Les opérateurs français ne jouent pas
dans la même cour que les mastodontes anglo-saxons. Si l'Hexagone demeure la première
puissance touristique mondiale réceptive (en nombre de touristes de passage ou en
séjours), ses voyagistes sont atomisés et de taille trop modeste pour contrer les
appétits des colosses européens. Comme dans l'hôtellerie, la profession reste très
éclatée. Les entreprises tricolores semblent condamnées à grandir ou à entrer dans le
giron d'un opérateur puissant. La raison essentielle tient au fait que la France,
contrairement à ses voisins, représente un faible pays émetteur : près de 10 % des
Français seulement franchissent le seuil d'une agence de voyages pour organiser leurs
vacances à l'étranger. Une situation qui n'a pas favorisé l'émergence de voyagistes
intégrés capables de proposer une offre globale incluant transport, hébergement,
circuit touristique, etc. Seulement deux opérateurs tricolores entrent dans le Top 10
européen : le Club Med et Nouvelles Frontières (NF). Pas moins de 300 voyagistes se
partagent le marché français, mais rares sont ceux qui ont réussi à passer la barre du
milliard de francs de chiffre d'affaires. Une paille comparée aux performances des deux
leaders germaniques (lire encadré ci-contre).
Les hôtels Paladiens font partie de la politique de diversification de Nouvelles
Frontières.
Guerre des prix
Dès lors, on comprend mieux comment les entreprises françaises peineront, à l'instar de
NF, à conserver leur indépendance. Elles font plutôt figure de cibles de choix dans une
Europe du Sud qui tarde encore à passer à l'ère industrielle dans le tourisme. Même si
elle en est encore à ses débuts dans l'Hexagone, la concentration pourrait modifier le
paysage touristique 'émetteur' en profondeur. Hormis l'arrivée des Allemands chez NF et
Havas Voyages, il faut aussi compter sur le rachat de Marmara-Etapes Nouvelles par le
Britannique First Choice, de Dégriftour par lastminute.com et de Look Voyages par le
Canadien Transat. Plus encore depuis l'entrée de Preussag au capital de NF, les
opérateurs tricolores s'attendent à une bataille tarifaire. Les prix des TO français
(morcellement et faible puissance d'achat obligent), sont le plus souvent de 15 % à 20 %
plus élevés que ceux de la concurrence dans les pays voisins. Une guerre des prix rendue
possible par les économies d'échelle et la standardisation des produits, notamment vers
les destinations prisées de la clientèle anglo-saxonne, pourtour méditerranéen en
tête. Ces destinations représentent au moins 60 % de l'offre des TO allemands. La
concurrence des opérateurs anglo-saxons sur le marché français ne manquera pas
d'influencer la programmation des producteurs hexagonaux. La compétition devrait être
moins soutenue pour des TO comme Kuoni, positionné sur les voyages longs courriers et
plus haut de gamme. Faut-il pour autant s'attendre à une uniformisation des produits ? A
n'en pas douter sur le créneau du 'mass-market', afin d'élargir le marché avec des
tarifs attractifs.
Puissance d'achat
L'élément clé demeure bel et bien la puissance d'achat, tant pour les producteurs, qui
doivent pouvoir réserver du stock plusieurs mois à l'avance pour bénéficier de tarifs
compétitifs, et les distributeurs, dont la force de négociation est primordiale face aux
fournisseurs. Ces deux aspects de la profession tendent d'ailleurs à être intégrés
entre les mains d'un même opérateur. L'Europe avance à grand pas vers la constitution
de quelques 'World Companies' du tourisme. Certains analystes prévoient que d'ici à 5
ans, les trois premiers groupes européens contrôleront plus de 50 % de l'activité...
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Le poids des 2 géants du secteur
Preussag a consolidé sa place de n° 1 en mai 2000, en rachetant le Britannique Thomson Travel pour près de 3 milliards d'euros. Après 2002 et l'intégration de Thomson et NF, le groupe prévoit un CA de 16 milliards d'euros dans le tourisme, avec 20 millions de clients, une flotte de 93 avions et 137 000 lits (incluant les acquisitions des hôtels Paladiens de NF et la chaîne autrichienne Magic Life Club). De son côté, C & N annonce un CA prévisionnel de 36 milliards de francs pour son exercice clôturé le 30 novembre prochain, sans compter l'activité du voyagiste britannique Thomas Cook (5,8 milliards de francs) racheté en décembre 2000. Le challenger allemand peut se targuer de disposer de 3 800 agences de voyages, d'une capacité hôtelière de 55 000 lits et d'une flotte de 75 avions. |
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L'Hôtellerie n° 2743 L'Hôtellerie Économie 8 Novembre 2001