Hôtellerie - LE BOUTIQUE-HOTEL, LANCÉ PAR DES DESIGNERS EN VOGUE, EST DEVENU UN PUR PRODUIT MARKETING. INITIALEMENT IMAGINÉ DANS LA PERSONNALISATION DE PETITS HOTELS, LES GROUPES INTERNATIONAUX EN QUETE D'IMAGE FORTE POUR LEURS ENSEIGNES SE LE SONT APPROPRIÉ.
La recherche de nouveaux créneaux pour récolter les fruits juteux du marché de l'hôtellerie de luxe a poussé le produit boutique-hôtel sur le devant de la scène ces dernières années. Même si ce qui se veut être un concept novateur a tout de l'auberge espagnole (chacun y décline une offre à géométrie variable), la plupart des chaînes 4 et 5 étoiles internationales et des groupes mondiaux s'y raccrochent pour justifier la diversification de leur parc. Objectif : conquérir une nouvelle clientèle, jeune et fortunée, fuyant l'hôtellerie traditionnelle pour des établissements déstandardisés, marqués par la personnalisation du service, l'originalité de la décoration et le modernisme des équipements. Une étude de l'organisme américain Hospitality Sales & Marketing Association International (HSMAI), sur la globalisation de la clientèle internationale, a identifié le segment des boutique-hôtels comme l'un des plus porteurs pour l'industrie, aux côtés d'autres créneaux comme le all-inclusive, le timeshare, le long séjour ou les établissements destinés aux seniors. Avec le 'sur mesure' comme valeur de base et le développement d'un côté intimiste, le boutique-hôtel peut justifier un surcoût pour le client, et un retour sur investissement attractif pour l'hôtelier, toujours selon l'étude, qui ne s'aventure pas à chiffrer ses dires.
Des investissements gigantesques
Reste que l'intérêt suscité par le concept auprès des groupes se chiffre, lui, en
investissements sonnants et trébuchants. Plusieurs cas de figure se présentent. Les plus
décidés n'ont pas hésité à créer de nouvelles chaînes. Encore dans les cartons, le
projet en joint-venture de Marriott et du bijoutier de luxe Bulgari témoigne de la
confiance en ce type d'établissements. Les deux opérateurs prévoient un investissement
global de 140 millions de dollars (environ 1 milliard de francs), et valorisent le futur
parc immobilier de la chaîne Bulgari Hotels à 800 millions de dollars (environ 6
milliards de francs) d'ici 5 ans. Ils n'hésitent pas à miser sur un créneau impliquant
un investissement de 570 000 dollars (plus de 4 millions de francs) par chambre, à raison
de 80 à 250 chambres par établissement. Le groupe hôtelier américain et le joaillier
italien comptent atteindre un portefeuille de 7 propriétés d'ici à 2006. L'initiative
la plus spectaculaire demeure le lancement de 'W' par le groupe Starwood il y a bientôt 3
ans. La marque dispose aujourd'hui d'une vingtaine d'établissements et prévoit 8
implantations supplémentaires en 2002. Le géant américain a adapté le concept à ses
normes de rentabilité, grâce à des capacités comprises entre 120 et 450 chambres,
assez loin de la définition initiale d'un boutique-hôtel, qui se devait, à l'origine,
d'offrir moins de 100 chambres. De son côté, Sol Melia revendique le concept au point
d'avoir créé et déposé la marque Melia Boutique, et l'assume, avec des unités de
très petite capacité, parfois sous la barre fatidique des 40 chambres, comme le Melia
Colbert Boutique Hotel à Paris (39 chambres). Ce qui n'a pas empêché l'Espagnol de
mettre 78,13 millions d'euros (512,5 millions de francs) sur la table pour acquérir les 8
premiers établissements de sa collection de boutique-hôtels (500 chambres au total),
auxquels s'ajoute le montant des travaux de rénovation (7,36 millions d'euros, soit 48
millions de francs pour les 2 premières ouvertures). Sol Melia espère malgré tout un
retour sur investissement de 8,7 % pour un prix d'achat de 12 fois le bénéfice avant
impôts et amortissements. Le groupe espagnol vise 25 établissements sous le label Melia
Boutique dans les 3 ans pour un investissement global de 222,3 millions d'euros (près de
1,5 milliard de francs). Soucieux de ne pas se laisser distancer sur ce nouveau segment de
clientèle, certains jouent la carte de la récupération. Le Méridien revendique de
concurrencer les boutique-hôtels sur leur terrain en créant une chaîne dans la chaîne.
C'est l'objectif du plan massif de rénovation annoncé en septembre dernier pour un
montant de 850 millions de livres sterling (près de 10 milliards de francs) dans les 3
ans. Jürgen Bartels, qui avait contribué au lancement de la marque W lors de son passage
à la présidence du groupe Starwood, n'est pas à une contradiction près : la
restructuration des hôtels existants devrait permettre la création de 1 600 chambres
supplémentaires dans l'ensemble du réseau (125 hôtels). On semble s'éloigner à grands
pas du concept de personnalisation dans une petite unité chaleureuse, mais c'est
certainement là la clé de l'amélioration du taux d'occupation et du prix moyen
revendiqués pour justifier de tels investissements.
Diversification des chaînes existantes
Plus prudentes, des chaînes comme Hilton et Sofitel ne font des boutique-hôtels qu'un
élément supplémentaire de la diversification de leur parc. La marque française y voit
une occasion de saisir certaines opportunités selon les localisations, les besoins du
marché et la cohérence de son réseau. Elle ne revendique l'appellation boutique-hôtel
que pour une poignée de ses établissements dont le Trocadéro Dokhan's-Sofitel Demeure,
le Sofitel Tokyo, le 47 Park Street à Londres ou le Francès à Saint-Domingue. Et
préfère réserver à son label Sofitel Demeure Hotels la définition de demeures de
caractère. De même que Hilton dit s'engager dans la voie des hôtels 'lifestyle' avec
l'ouverture récente du Trafalgar à Londres, d'une capacité de 129 chambres. Des
dissonances sémantiques qui cachent un même objectif : tirer le produit vers le haut de
gamme à la conquête d'une niche de clientèle supplémentaire.
L. Mathurin zzz36v
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L'Hôtellerie n° 2743 L'Hôtellerie Économie 8 Novembre 2001