Casinos - ENTRE LE PASSAGE À L'EURO ET UNE NOUVELLE RÉGLEMENTATION FISCALE, LES CASINOS VOIENT LEURS CONDITIONS D'EXPLOITATION SE DÉTÉRIORER. DES CONSÉQUENCES ATTENDUES SUR LES HOTELS ASSOCIÉS AUX CASINOS.
Sur l'exercice 1999/2000, le produit total des jeux réalisé par les casinos en France a atteint les 13,49 milliards de francs, soit 12 % de mieux que l'année précédente. Depuis 1991, le nombre de casinos en France n'a pas cessé de progresser pour atteindre 170 unités en 2001. En une décennie, 40 casinos sont venus enrichir le parc et alimenter ce secteur tombé, à l'époque, en pleine désuétude. La réhabilitation et la rénovation d'autres établissements ont fini par redynamiser l'offre. La loi votée en 1988, autorisant l'exploitation des machines à sous, est à l'origine de ce regain d'activité et d'embellissement. En 10 ans, la physionomie de ce monde d'argent a cependant connu des revers de fortune. Alors que la petite gestion familiale primait naguère, les groupes casinotiers règnent actuellement sur 80 % des établissements habilités.
Les bandits manchots ont la cote
Les recettes des casinos se sont inversées : la boule, le poker ou autres jeux de cartes
et de tables ne sont plus prisés par le commun des joueurs. Aujourd'hui, plus de 90 % du
produit total des jeux est réalisé par les machines à sous. "Ce sont les
rouleaux et les pokers qui continuent à plaire", explique Hubert Benhamou,
président du directoire du groupe Partouche. Les bandits manchots attirent toutes les
clientèles et tous les budgets. Ainsi, le ministère de l'Intérieur et Bercy, conscients
de la masse d'argent brassée, ont décidé de revoir leur copie et de modifier la
fiscalité, qui est retouchée régulièrement dans ce domaine des casinos. Le différend
porte sur la taxation qui est fixée actuellement sur le produit théorique de la machine.
Or, le produit réel est largement supérieur et devrait servir de nouvelle base. L'Etat
français faisait déjà figure d'ogre avec un taux de prélèvements sur les recettes
proche des 52 %. Dans les autres pays européens, la moyenne tourne autour de 25 %, et aux
Etats-Unis, elle est plutôt proche des 8 %. Un projet gouvernemental voudrait passer la
taxation française autour des 56 %, ce qui met les professionnels sur des charbons
ardents. "La fiscalité ne peut pas changer sans préavis au risque de mettre les
casinos en difficulté et, avec eux, tout un pan de l'économie qui s'y trouve lié,
explique Christian Rouyer, directeur du syndicat Casinos de France. Des négociations
avec le gouvernement sont actuellement en cours." Le fait que seul le ministère
de l'Intérieur puisse accorder l'autorisation de création de nouvelles unités ou
l'exploitation de nouvelles machines à sous doit être pris en compte. Cela finit par
limiter les opérateurs dans la maîtrise de leur développement. De plus, les casinos
sont une importante manne financière et un pôle d'animation pour les municipalités,
gérant souvent de petites communes.
Jetons ou euros ?
Outre la mise en place de la réduction du temps de travail, le grand chantier pour les
casinos est le passage à l'euro. C'est un enjeu financier et stratégique. Non seulement
ils doivent modifier l'aspect matériel - jetonnerie, machines, logiciels -, mais aussi
déterminer la mise psychologique. "Le groupe Partouche investit près de 18
millions de francs dans le changement de la jetonnerie", déclare Hubert
Benhamou. La réflexion sur la mise est également capitale, car elle détermine le temps
du jeu. Plus la mise est élevée, moins le joueur est retenu longtemps, et plus les
risques d'être déçu sont grands. En revanche, une mise trop faible peut entraîner des
pertes importantes pour le casino. Le joueur, sur un même laps de temps, dépensera moins
d'argent en euros qu'en francs. On voit que les jeux ne sont pas faits...
Côté développement, les casinotiers ont tendance à se tourner vers les pays
étrangers. En France, la tutelle du ministère est un véritable carcan. Dominique
Desseigne, président du groupe Lucien Barrière, annonçait, dans L'Hôtellerie
n° 2737 du 27 septembre 2001, l'implication de son groupe dans un vaste projet
touristique en Espagne.
L'hôtellerie, fidèle associée
Lucien Barrière doit y exploiter un casino, un centre de conférence, un golf et un
hôtel 5 étoiles. La holding, avec 13 hôtels et 14 casinos, n'a jamais caché le lien
qu'elle entretient entre le monde de l'hôtellerie et celui des casinos. Quant au groupe
Partouche, il continue à clamer qu'il est surtout casinotier avec 25 établissements et
18 hôtels en France. Le groupe Accor, pour sa part, est venu à l'univers des casinos
assez récemment, après avoir détenu des parts dans une société du groupe Lucien
Barrière, fidèle à sa stratégie "d'investir pour voir". Cette
diversification n'avait pas pour but d'augmenter la fréquentation de ses hôtels, mais
plutôt d'étendre ses tentacules dans un maximum de secteurs liés aux loisirs.
Actuellement, cette double casquette lui donne un avantage. Car si un hôtel ne se
justifie pas dans toutes les villes, certaines municipalités se tournent parfois vers les
casinos en imposant la création d'un hôtel. C'est un moyen détourné d'étoffer l'offre
en chambres et de prétendre à une catégorie d'hôtels plutôt haut de gamme. Ce fut le
cas à Lyon, mais aussi à La Trinité-sur-Mer en Bretagne. Qu'en sera-t-il alors si les
casinos, acculés par les charges, décident de déserter notre territoire ? La réponse
ne tient qu'à peu de choses.
M. L. Estienne zzz34
Outre la mise en place de la RTT, le grand chantier pour les casinos est le passage à
l'euro.
Attentats aux Etats-Unis |
Les répercussions des attentats commencent à tomber. Ainsi, les établissements qui ciblent une clientèle étrangère ressentent déjà une baisse de leur fréquentation. Les hôtels de luxe situés à proximité des casinos sont également les premiers à en pâtir. Cette clientèle, joueuse, freine ses déplacements compte tenu de la situation mondiale. Sanctuaire des jeux d'argent, Las Vegas vit l'une des périodes les plus désespérantes de son histoire avec un recul de près de 50 % de l'activité de ses casinos et hôtels, conduisant à des milliers de licenciements. En revanche, en France, la majorité des casinos travaille avec une clientèle plutôt régionale, qui limite le recul d'activité le plus significatif à des sites comme les grandes stations balnéaires à forte notoriété. |
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L'Hôtellerie n° 2743 L'Hôtellerie Économie 8 Novembre 2001