Traditionnellement, le loyer des hôtels était calculé selon des usages professionnels qualifiés de méthode hôtelière. Mais récemment, certains experts veulent abandonner cette méthode au profit d'une nouvelle, fondée sur un système anglo-saxon de présentation des comptes.
En
principe, lors de son renouvellement, le loyer d'un bail commercial est plafonné à
l'augmentation de l'indice Insee du coût de la construction. Mais à l'instar des
garages, des théâtres et des cinémas notamment, les immeubles exploités à usage
d'hôtels constituent des locaux qualifiés de monovalents, c'est-à-dire qu'ils ne
peuvent être utilisés pour l'exercice d'une autre activité (sauf en y effectuant des
travaux de transformation excessivement importants).
Par dérogation, le loyer de ces locaux monovalents n'est pas soumis au mécanisme du
plafonnement lors du renouvellement du bail, mais déterminé selon les usages observés
dans la branche d'activité concernée. Pour les locaux à usage d'hôtel, le loyer est
évalué suivant la méthode hôtelière.
Cependant, il est vrai que certains experts prônent une refonte de la méthode
hôtelière classique, notamment pour les hôtels de chaîne, nouvelle méthode fondée
sur un système anglo-saxon de présentation des comptes.
En résumé, on peut dire que la valeur locative d'un hôtel représente un pourcentage de la recette de l'hôtelier qui doit revenir au propriétaire des murs. La méthode hôtelière consiste, à partir d'un chiffre d'affaires idéal qui pourrait être réalisé dans les conditions optimales, à attribuer au bailleur une partie de ce chiffre d'affaires en y apportant différents correctifs. Cette méthode consiste dans un premier temps à déterminer la recette théorique annuelle sur laquelle on applique un coefficient de fréquentation, auquel on soustrait ensuite certains éléments.
La recette théorique annuelle
Elle correspond au chiffre d'affaires qui pourrait être réalisé si l'hôtel était
complet d'un bout à l'autre de l'année, soit un taux d'occupation de 100 % sur 365 jours
par an. On obtient cette recette en multipliant le nombre de chambres de l'hôtel par le
prix affiché pour chacune de ces chambres, et l'on multiplie le résultat ainsi obtenu
par 365.
Ex : Hôtel 3 étoiles de 17 chambres
10 chambres affichées à 700 F
5 chambres affichées à 750 F
2 chambres affichées à 850 F
La recette théorique annuelle sera de :
(10 x 700) + (5 x 750) + (2 x 850) x 365 = 4 544 250 F TTC
Cette recette se compose uniquement de l'hébergement pur et simple ; elle ne comprend pas les prestations annexes, c'est-à-dire les petits-déjeuners, le téléphone, les boissons et les autres prestations annexes.
Déduire la TVA mais pas le service
Sur cette recette théorique annuelle, on déduit la TVA au taux de 5,5 %. Par contre,
depuis deux arrêts de la cour d'appel en 1996, le pourcentage service destiné au
personnel (par exemple 15 %) ne doit plus être déduit.
Ainsi, en reprenant notre exemple, on obtiendra :
(4 544 250 F x 100) : 105,50 = 4 294 316,30 F
Abattement pour ristourne
Un abattement pour remise est souvent pratiqué sur la recette théorique annuelle afin de
tenir compte des ristournes ou des pratiques tarifaires habituellement consenties par
rapport aux prix affichés. Cet abattement est variable.
4 294 316,30 - 15 % = 3 650 168,90 F
Taux d'occupation ou coefficient de fréquentation
Sur cette recette théorique annuelle, on applique un taux d'occupation ou coefficient de
fréquentation moyen variable selon l'année, la situation géographique et la catégorie
de l'hôtel. On aboutit ainsi à la recette que pourrait obtenir un hôtelier normal dans
des conditions normales d'exploitation.
Ex. : 3 650 168,90 x 65 % = 2 372 609,70
7Pour déterminer le taux d'occupation, les experts se fondent sur les sources publiées
et diffusées par les syndicats et revues professionnelles ou les services économiques
publics (Insee notamment).
L'expert se doit de retenir le taux d'occupation moyen à la date du renouvellement et non
à la date d'établissement de son rapport. Dans le meilleur des cas, il y aura donc un
décalage d'au moins 1 an par rapport au taux actuel ou bien plus.
Le taux d'occupation est un taux d'occupation moyen par catégorie d'hôtel. Pour des
hôtels pris dans la même catégorie, le taux d'occupation réel pourra être
sensiblement différent par rapport à ce taux moyen et dépendra de la localisation
géographique, de la proximité de la concurrence, de la notoriété, et bien entendu, des
qualités propres à l'exploitant (aptitudes commerciales, compétences dans la gestion,
etc.).
C'est cependant un taux moyen qui sera retenu par l'expert et le plus souvent repris par
le juge. Le recueil des données permettant de déterminer ces taux d'occupation moyens
étant effectué auprès des professionnels, on ne saurait que trop conseiller aux
hôteliers de répondre sérieusement à ces demandes de renseignements (ou qu'ils
s'abstiennent dans le cas inverse).
Pourcentage sur recette
Sur la valeur ainsi obtenue, on applique un taux de rendement ou pourcentage sur recette variable également suivant la catégorie de l'hôtel et qui représente la part des recettes devant rémunérer le bailleur.
Ex. : 2 372 609,70 - 15 % = 2 016 718,30
Les fourchettes communément utilisées par les experts s'établissent comme suit :
Hôtel préfecture : 18 à 25 %
Hôtel 1 étoile : 15 à 16 %
Hôtel 2 étoiles : 14 à 15 %
Hôtel 3 étoiles : 13 à 14 %
Hôtel 4 étoiles : 11 à 12 %
On déduit les charges payées par le locataire, mais qui incombent au
propriétaire.
Abattements supplémentaires
A ce stade, il est tenu compte des travaux d'amélioration éventuellement effectués par
l'hôtelier et qui excèdent l'obligation normale d'entretien et de réparations locatives
qui sont normalement à sa charge.
Il s'agira le plus souvent de travaux d'amélioration et de confort d'une certaine
importance envisagés par la loi du 1er juillet 1964. Ce pourcentage de déduction sera
d'autant plus élevé que les travaux permettent le passage de l'hôtel dans une
catégorie supérieure.
Ex : 2 016 718,30 - 20 % = 1 613 374,70
On regarde aussi les clauses du bail qui font supporter au locataire des charges
inhabituelles par rapport aux baux commerciaux usuels (impôt foncier, importantes
réparations de l'article 606 du Code civil, assurance incendie de l'immeuble garantissant
sa valeur de reconstruction). Ces charges viendront en déduction.
Précision : même s'il est d'usage en matière de baux hôteliers que ces charges soient
supportées par le locataire, il en est malgré tout tenu compte.
Lorsque l'exploitant effectue des travaux visés par la loi du 1er juillet 1964
(réfection de l'installation électrique, de la distribution d'eau, des équipements
sanitaires, chauffage, climatisation, TV, téléphone, ascenseur, etc.), il a tout
intérêt à respecter le formalisme prévu par cette loi.
Ce formalisme consiste à informer par lettre recommandée le propriétaire du projet de
travaux en y joignant un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif. Il a tout
intérêt également à procéder officiellement à l'exécution de ces travaux, non
seulement pour des questions de responsabilité et d'assurance, mais aussi pour pouvoir
les déduire ou les amortir fiscalement et être à même d'en justifier comptablement,
factures à l'appui lors du renouvellement du bail.
Le montant de l'abattement pratiqué va dépendre, d'une part, de l'importance des travaux
réalisés (plus élevés si l'hôtel augmente d'une ou de plusieurs catégories, moindre
s'il reste dans la même), et, d'autre part, de l'ancienneté de leur réalisation. En
effet, les agencements et installations s'amortissent selon leur nature sur 10 à 15 ans.
On considère donc que pour les travaux les plus anciens, le locataire a déjà profité
de l'économie d'impôt déduite par l'amortissement total ou partiel de ceux-ci.
L'abattement sera dans ce cas moins élevé que si les travaux ont été réalisés
récemment. Donne lieu à un supplément de loyer, le logement dont dispose l'hôtelier
dans l'hôtel. Mais le lieu doit correspondre à un véritable logement avec des
conditions de confort normales. En fait, dès lors que l'exploitant habite réellement sur
place, il est réputé faire l'économie du loyer du bail d'habitation qu'il devrait payer
s'il disposait d'un logement distinct. zzz62
Des loyers selon la méthode hôtelière 1. TGI Paris du 4 janvier 2000 2. TGI Paris du 4 janvier 2000 3. TGI Paris du 2 mars 2000 4. TGI PARIS du 8 mars 2000 Pour les 45 chambres du 1er au 4e étage Pour les 17 chambres du 5e étage Nota : le loyer inclut, pour la partie restaurant, 86 250 F et pour le logement de fonction 43 488 F 5. TGI Paris du 2 mai 2000 6. TGI Paris du 6 juillet 2000 7. TGI Paris du 15 juin 2000 8. TGI Paris du 5 octobre 2000 |
Un nouveau mode de calcul basé sur des méthodes comptables et des ratios anglo-saxons est préconisé par certains experts. Cette méthode se réfère notamment à deux notions, abréviations d'expressions anglo-saxonnes : le RevPar et le Gop.
* Le terme RevPar signifie ReVenue Per Available Room
et constitue la recette moyenne par chambre disponible.
Il se calcule de la façon suivante : chiffre d'affaires hébergement HT divisé par le
nombre de chambres construites.
Le RevPar moyen est calculé par catégorie d'établissement, par plusieurs cabinets,
notamment Pannel Kerr Forster repris et publié mensuellement par L'Hôtellerie.
Toutefois, ces moyennes statistiques sont issues pour l'essentiel des hôtels de chaîne.
* Le Gop qui vient de l'expression Gross operating
profit peut être comparé au résultat brut d'exploitation après
réintégration de certains postes de charges fixes : loyer, impôt foncier, taxe
professionnelle, assurance de l'immeuble, amortissements.
Une partie de ce Gop doit revenir au bailleur en contrepartie de la jouissance des locaux.
Ce pourcentage est variable en fonction de la catégorie de l'hôtel.
Deux décisions ont récemment eu à statuer sur la portée et les limites de la
nouvelle méthode :
* Dans une première affaire, il s'agissait d'un grand hôtel de chaîne de 4 étoiles
comportant 953 chambres. Le rapport d'expertise de la valeur locative a été établi par
un collège de 3 experts.
Les parties, bailleur et preneur, ainsi que le collège d'experts, étaient d'accord pour
retenir un chiffre d'affaires hébergement de 200 000 000 F, auquel ils aboutissaient
quelle que soit la méthode utilisée (méthode hôtelière traditionnelle ou par le
RevPar).
Certains experts prônent une nouvelle méthode de fixation de loyer pour les
hôtels de chaîne fondée sur la présentation des comptes.
Dans son jugement, le tribunal retient que :
- "Les experts ont noté qu'il n'existait pratiquement aucun terme de comparaison
connu et ont soumis au juge deux méthodes de calcul au juge des loyers pour la valeur
locative générée par la part hébergement.
Il ressort des usages hôteliers des grandes chaînes d'hôtels que les méthodes
anglo-saxonnes de comptabilité sont appliquées (ce qui est le cas en l'espèce).
- Que le Gop, qui peut être assimilé au résultat brut d'exploitation avant
imputation des charges fixes et des amortissements, est calculé et devient un moyen de
calcul aisé, et déjà utilisé par les acteurs économiques, tant de la jouissance des
locaux qui appartient au bailleur que de l'exploitation du fonds de commerce qui
appartient au locataire.
Les experts ont précisé que le Gop était de 50 à 55 % pour les hôtels 2 et 3
étoiles à Paris et de 20 à 25 % pour les hôtels 4 étoiles à Paris qui ont des
recettes annexes relativement importantes. Que pour les autres 4 étoiles
indépendants ou de chaîne à Paris, le Gop peut être fixé entre 40 et 50 %.
La méthode du Gop sera donc utilisée pour fixer la valeur locative de l'hôtel. Le
collège d'experts a retenu le chiffre de 45 %. Ils ont opéré un partage par moitié au
profit du bailleur et du locataire. En conséquence, la part de la valeur locative due à
l'hébergement se calcule comme suit : 200 000 000 F x 22,50 % = 45 000 000 F."
(TGI Paris du 18 février 1999)
* En revanche, dans une autre décision en date du 18 mai 1999, le même tribunal refuse d'appliquer le même mode de calcul. Dans cette seconde affaire, il s'agissait d'un hôtel 4 étoiles indépendant comportant 115 chambres.
Le jugement considère dans sa motivation que :
"La méthode de calcul selon le revenu moyen par chambre disponible (RevPar) n'est
pas celle majoritairement en usage en l'état actuel du marché et de la jurisprudence,
cette méthode d'origine anglo-saxonne repose sur des données statistiques encore
incertaines et aléatoires...
Que surtout, ce mode d'estimation s'adresse principalement aux hôtels de chaîne, et rend
mal compte des hôtels indépendants et des hôtels intégrés volontairement dans des
chaînes. Qu'en conséquence, la méthode dite hôtelière, qui correspond aux usages
dominants, est plus adaptée au bien en cause et sera suivie..."
(TGI de Paris du 18 mai 1999)
E. Duroux
(Avocat au barreau de Paris)
Des loyers selon la méthode hôtelière 9. TGI Paris du 19 octobre 2000 10. TGI Paris du 20 novembre 2000 11. TGI Paris du 5 décembre 2000 12. TGI Paris du 28 septembre 2000 13. TGI Paris du 16 novembre 2000 14. TGI de Paris du 2 février 2001 15. TGI Paris du 8 février 2001 16. TGI de Paris du 31 janvier 2001 |
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L'Hôtellerie n° 2744 Hebdo 15 Novembre 2001