EURO : J -39
Au Phare Breton à Mondelange (57)
Dans l'optique du passage à l'euro, une crêperie de Mondelange incite ses clients à payer en euros. Le restaurateur leur fournit des spécimens de pièces et de billets, et ceux-ci effectuent par jeu un double règlement. Dans le même état d'esprit, il sensibilise aussi ses employés avec des réunions mensuelles.
Dès qu'il parle de la monnaie européenne, Eric Elandoussie aborde un sujet qu'il a longuement étudié. "Les clients sont très réceptifs et se prêtent volontiers au jeu. Mais j'ai d'ores et déjà constaté que les eurocents posent quelques problèmes d'acclimatation." Ce restaurateur mosellan, qui tient la crêperie Le Phare Breton à Mondelange, est d'ailleurs devenu un pédagogue reconnu. Depuis peu conseiller municipal et membre de la chambre de commerce et d'industrie de Moselle, il est reconnu comme un expert du thème. Il a été ainsi conduit à mettre en place ses propres outils. Dans un premier temps, il lui a fallu demander à la Banque de France l'autorisation d'imprimer des spécimens sur une face, afin de pouvoir les présenter à ses clients. Ceux-ci trouvent, quand ils s'installent à leur table, une enveloppe contenant les fac-similés de l'ensemble des pièces et des billets en euros. Eric Elandoussie prend le temps de passer à chaque table pour expliquer. "Comme les gens ont un aperçu visuel, je montre les différentes couleurs qui permettront aux malvoyants, par exemple, de se repérer plus facilement. Je parle de la qualité, du touché - car les billets sont en fibre de coton -, des montants, des pièces qui seront différentes selon les pays sur une des faces. Et surtout, j'insiste pour que les futurs utilisateurs cessent de convertir des francs en euros. Il faut dès maintenant savoir raisonner en euros." Le restaurateur se dit agréablement surpris par l'accueil de ses clients qui repartent bien souvent avec les spécimens d'euros en poche. "Les gens appréhendent le moment de passer à l'euro, mieux vaut les préparer le plus vite possible."
Les risques de janvier 2002
Eric Elandoussie ne comprend pas pourquoi ses confrères ne font pas de même. Il invite
d'ailleurs tous ceux que sa démarche intéresse à le contacter et se dit prêt à leur
faire une démonstration. Membre d'une association de commerçants qui regroupe plusieurs
communes limitrophes, l'Elan de l'Orme, le restaurateur n'arrive pourtant pas à être
prophète dans son propre pays. "Je suis consterné quand je vois le peu
d'intérêt que suscite la future monnaie auprès de l'ensemble des commerçants. Si tout
le monde raisonne ainsi, on va à la catastrophe pour le début de l'année 2002."
Selon les estimations du restaurateur, les commerces en tout genre risquent de perdre 30
à 40 % de leur chiffre d'affaires habituel durant la période de transition d'une monnaie
à l'autre. En tout cas, au Phare Breton, les risques seront minimes. Pour être encore
plus dans le coup, le restaurateur forme également son personnel à raison d'une séance
par mois. "Ils doivent savoir rendre la monnaie correctement et jongler dans leur
tête avec les euros. Je les prépare à fond."
Eric Elandoussie : "Les gens appréhendent le moment de passer à l'euro,
mieux vaut les préparer le plus vite possible."
Le souci de la perfection
D'un Breton, Eric Elandoussie n'a rien. D'origine espagnole, il est né dans les Vosges et
a toujours travaillé dans la région. Mais il a découvert par hasard la Bretagne il y a
plus de 20 ans et s'y rend désormais par plaisir le plus régulièrement possible. Après
avoir longtemps travaillé comme serveur au restaurant gastronomique Sofitel du Parlement
européen, il passe par le casino de Montdorf au Luxembourg. En octobre 1999, avec son
beau-frère qui est crêpier depuis 10 ans, il décide d'ouvrir Le Phare Breton. Le
restaurateur, perfectionniste, n'a rien laissé au hasard dans la décoration : un bar en
forme de bateau de pêche, un décor blanc et bleu, rehaussé de filets et de boules, un
phare à l'intérieur et un à l'extérieur pour guider les clients. Deux cabines de plage
sont campées pour la caisse et pour une desserte à vaisselle. Un druide accueille les
clients et les fait patienter les vendredis et samedis soir. Du côté des plats
proposés, outre les traditionnelles galettes et crêpes bretonnes, Eric Elandoussie a eu
l'idée de mélanger les terroirs : on peut ainsi déguster des galettes au munster, à
l'andouille, au boudin noir ou à la ratatouille maison. Du côté des prix - en euros
bien sûr -, la moyenne se situe autour de 7 euros, les tarifs oscillant entre 6,10 et
10,7 euros pour une galette aux noix de Saint-Jacques. La crêpe au beurre et au sucre
coûte 1,83 euro. Le restaurateur a également le souci de proposer une cave variée, avec
trois cidres fermiers, deux de pommes et un de poire, de l'hydromel, du Pommeau, de la
fine et même du whisky de Bretagne. Les affaires marchent bien. Avec un chiffre
d'affaires de 183 000 euros en 2000 et 1 200 clients par mois, Eric Elandoussie a
embauché 2 personnes supplémentaires, et les samedis soir, il effectue 2 services.
"Je pense être un commerçant avisé, explique-t-il, et faire ce qu'il
faut pour que les clients se sentent bien dans mon établissement. L'apprentissage de
l'euro fait partie de cette stratégie." zzz67e
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L'Hôtellerie n° 2745 Hebdo 22 Novembre 2001