A la veille du prochain congrès national, André Daguin, président de l'Umih, revient sur les principaux dossiers en cours, dont la RTT. La centrale syndicale souhaite aujourd'hui que la profession entre dans le droit commun général. Entretien.
Propos recueillis par P. Carbillet et S. Soubes
"Il faut trouver un nouvel accord autour d'un nouveau texte qui conduirait
à réduire le temps de travail et à augmenter les salaires."
L'Hôtellerie :
Vous venez de rencontrer Monsieur Boulanger, le conciliateur nommé par Elisabeth
Guigou sur le dossier de la RTT dans les CHR. Pouvez-vous nous donner des détails sur cet
entretien ?
André Daguin :
Le projet que nous avions présenté initialement a été refusé. On a essayé de lui
expliquer que l'opposition à notre texte était plus dogmatique qu'une réelle défense
des salariés. On propose donc un autre texte aux partenaires sociaux.
L'Hôtellerie :
Pensez-vous que les partenaires sociaux soient prêts à renégocier un nouveau texte ?
André Daguin :
Le discours de Lionel Jospin a fait son effet. Il a dit que l'application de la loi Aubry
pouvait poser des difficultés dans certains secteurs et qu'il fallait que les discussions
reprennent. Il faut mettre sur le tapis un nouveau texte qui apporte des éléments
intéressants aux salariés et non pas un texte qui se contente de subordonner une RTT à
un calendrier, sans précision ni modalité sur les aides. Au lieu de mettre une condition
suspensive, on devrait d'un commun accord entre les partenaires sociaux déterminer et
évaluer les mesures que le gouvernement devrait prendre pour entraîner les
professionnels dans cette réduction du temps de travail. Mesures qui se traduiraient
directement par une réduction immédiate du temps de travail d'un quart d'heure, d'une
demi-heure ou d'une heure selon la mesure adoptée. Pour vous donner un exemple, si on
obtenait la baisse de TVA à 5,5 %, on estime que cela peut valoir 1 heure de réduction
du temps de travail par an pendant 4 ans. Il n'y aurait pas de calendrier déterminé à
l'avance. Ce serait le gouvernement qui fixerait les mesures et le rythme de la RTT. Cela
pourrait même aller très vite.
L'Hôtellerie :
Mais il existe déjà un texte signé par 4 syndicats.
André Daguin :
Il faut trouver un nouvel accord autour d'un nouveau texte qui conduirait à réduire le
temps de travail et à augmenter les salaires. On doit mettre en place une réduction du
temps de travail si on veut moderniser ce métier. Il faut aller à 39 heures le plus vite
possible, ensuite discuter pour aller au-delà. Il n'y a rien dans le texte actuel pour
les salariés en dehors d'un calendrier de réduction du temps de travail. Le bureau
fédéral m'a donné pour mission d'aller au droit commun tant sur le plan fiscal que sur
le plan social. Nous voulons rentrer dans le droit commun général.
L'Hôtellerie :
Où en est le dossier sur la TVA ? Vos déclarations récentes sont plutôt optimistes.
Sur quoi vous basez-vous ?
André Daguin :
En France, toutes les formes de restauration sont à 5,5 % de TVA, sauf la restauration
qui accueille les touristes, c'est-à-dire la restauration traditionnelle qui est à un
taux de 19,6 %. Il faut mettre un terme à cette injustice fiscale. On n'arrêtera jamais
ce combat. Pourquoi suis-je optimiste dans ce dossier ? Parce qu'il ne s'agit plus d'un
combat politique mais d'un combat juridique. Regardez, la France était le seul pays à ne
pas permettre de récupérer les frais de restauration. Or, Bruxelles l'a obligée à
s'aligner sur les autres pays européens et de manière rétroactive. Concernant la
distorsion de TVA, nous allons nous appuyer sur la 6e directive européenne qui prévoit
un taux pour une activité. Jean Blat, ancien président de la FNIH, s'est battu pour
obtenir la liberté des prix alors que tout le monde estimait que le combat était perdu
d'avance. Il a fini par gagner. Si on gagne ce combat fiscal, ce n'est pas pour augmenter
nos marges, il faudra réinvestir dans nos établissements et surtout dans nos salariés
en les payant mieux.
L'Hôtellerie :
Nous sommes à deux semaines du congrès national de l'Umih, qui aura lieu à La
Rochelle. Quel thème allez-vous aborder cette année ?
André Daguin :
Le thème du congrès sera 'Comment entrer dans la modernité ?'. Tous les présidents de
branche partagent cette préoccupation. Si vous prenez le cas des discothèques, les
exploitants sont conscients qu'ils doivent changer d'image. Il n'est pas logique que les
discothèques soient systématiquement montrées du doigt dès qu'il y a un accident de la
route en pleine nuit. Quant à l'hôtellerie familiale, nous réfléchissons à de
nouvelles structures économiques. Nous voulons faire en sorte que des établissements
dont les exploitants sont en fin de carrière puissent être repris par des jeunes, qui
n'auraient pour souci qu'à s'occuper de la clientèle. Un organisme extérieur
s'occuperait de la gestion et des contingents matériels, selon des modalités qui restent
bien sûr à définir. Concernant la restauration et plus particulièrement les problèmes
de personnel, nous devons d'abord informer les jeunes des impératifs de ce métier avant
de les former. Il faut qu'on les prévienne, qu'on leur explique que, dans nos métiers,
on travaille quand les autres s'amusent. Quelle que soit l'amélioration dans les grilles
horaires, il y aura toujours dans notre secteur des heures 'mal commodes'. Ces heures 'mal
commodes' doivent être mieux payées.
L'Hôtellerie :
Les charges sociales sont un frein incontestable au développement des entreprises de
service. Quelles solutions envisagez-vous ?
André Daguin :
La société évolue. On ne va pas pouvoir continuer à asseoir les cotisations sociales
uniquement sur les salaires. Je pense qu'il faut songer à d'autres solutions, comme
asseoir les cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. Je pense que c'est le
moyen de changer les donnes, chez nous comme dans tous les métiers de main-d'uvre.
L'Hôtellerie :
La sécurité sera un enjeu électoral important en 2002. Pensez-vous qu'ils soit
normal que les hôteliers soient tenus responsables des vols commis sur leur parking alors
que le principe ne s'applique pas aux grandes surfaces, par exemple ?
André Daguin :
Il est effectivement injuste qu'on tienne les hôteliers responsables, mais je voudrais
vous rappeler qu'ils bénéficient d'une assurance spécifique. Gardons notre sang froid,
c'est déjà ça. Les problèmes de sécurité touchent actuellement davantage les cafés.
Il y a de plus en plus d'agressions. Certaines sont liées aux machines à sous illicites.
Des machines à sous qui ont fait 55 morts sur les 18 derniers mois... Il faut là aussi
trouver des solutions au problème. Personnellement, je suis sûr que des machines à sous
à petits gains sont défendables et devraient permettre d'assainir la situation. Nous
devons travailler dans ce sens.
RTT : l'Umih demande l'ouverture de négociations |
Alors que les professionnels ne savent toujours pas à quelle sauce
ils vont être cuisinés en matière de réduction du temps de travail à partir du 1er
janvier 2002, Elisabeth Guigou n'a toujours pas fait connaître sa décision sur
l'extension de l'accord RTT signé par deux organisations patronales, le SFH et le SNRLH,
et deux syndicats salariés, la CFDT et la CGT. Quant à André Daguin, président de
l'Umih, il vient de demander officiellement à la ministre la réouverture des
négociations. "Monsieur Boulanger devant prochainement remettre son rapport de mission, nous souhaiterions connaître la suite qu'il est envisagé de lui donner, dans la mesure où l'objectif habituel d'un conciliateur est de rapprocher les positions des parties à la négociation. Dans cet esprit, nous demandons la tenue d'une commission mixte paritaire dans les meilleurs délais. Outre, le fait qu'elle permettrait de prendre connaissance des enseignements de la mission de Monsieur Jean-Marc Boulanger, elle serait l'occasion pour l'Umih de présenter de nouvelles propositions en vue d'obtenir le consensus indispensable à la conclusion d'un authentique accord national de branche. Nous pourrions ainsi aboutir enfin à une solution satisfaisante 'pour tous' comme l'a souhaité Monsieur le Premier ministre en conclusion des récentes Assises nationales du tourisme le 17 octobre dernier." Quelle sera la position d'Elisabeth Guigou ? Comment réagiront les autres partenaires sociaux ? Ce qui est sûr pour Jacques Mathivat, président du SNRLH, la réouverture des négociations lui semble peu probable et ceci pour plusieurs raisons. "D'une part rouvrir des négociations prendra forcément du temps alors que nous sommes proches de l'échéance du 2 janvier 2002 qui mettra à 35 heures toutes les entreprises y compris les petites entreprises. D'autre part, pour renégocier, il faut proposer d'autres avancées sociales, et je ne vois pas l'Umih aller plus loin que nous et proposer plus que ce qui a été négocié dans le projet déjà signé. Quant aux deux syndicats salariés signataires, la CFDT et la CGT, ils ne vont pas remettre en cause leur accord pour revenir en arrière. Ce qui veut dire que les seuls syndicats susceptibles de renégocier un accord sont les non-signataires d'aujourd'hui. On ne voit pas comment ils pourront parvenir à un accord alors que les syndicats salariés non-signataires trouvent que le texte que nous avons signé n'est pas suffisamment protecteur des droits des salariés et que les organisations patronales non-signataires pensent le contraire." Affaire à suivre... zzz60t |
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L'Hôtellerie n° 2746 Hebdo 29 Novembre 2001