Chapel cuisinier
Il avoue volontiers que, gamin, il ne rêvait pas d'exercer un autre métier que celui de cuisinier. Comme son père Alain, trop tôt disparu et dont il ne garde pas de souvenir précis, Romain Chapel s'est donc installé au piano.
La voix est
assurée. "J'ai tout à apprendre", lâche-t-il tout de go. A Mionnay,
dans le petit salon qui jouxte la cuisine, Romain Chapel se raconte, évoque sa vocation,
ce désir d'exercer le même métier que son père si peu connu. "Tout petit, je
n'envisageais pas autre chose. C'est venu tout seul", dit-il.
Hasard des trajectoires. Si son frère David a lui aussi fréquenté les cuisines, il n'a
pas souhaité y passer sa vie. Etudiant en 2e année à l'Idrac, il se prépare à une
carrière commerciale. Romain, lui, a toujours baigné dans cet univers qui fut, sa vie
durant, celui de son père. "Lorsque j'allais en vacances à Evian aux Prés
Fleuris, Roger Frossard m'apprenait à faire de la pâtisserie et je me débrouillais pas
trop mal."
Un peu plus tard, il est entré au lycée Jehanne de France à Lyon et s'est offert
quelques stages chez des chefs amis du paternel. Le père justement, disparu brutalement
alors qu'il avait tout juste 7 ans. "Ça fait longtemps maintenant, mais j'y pense
souvent. J'en ai beaucoup entendu parler autour de moi. Pour tout ce qui remonte avant
1990 et hormis quelques petits flashs mémoriels, je n'ai pas de souvenirs précis. Si mon
père était encore là, je ne sais pas si j'aurais choisi la cuisine... mais je crois que
ça ne m'aurait pas empêché de continuer dans cette voie."
A Mionnay, autour de Suzanne Chapel, Philippe Jousse, Christophe Equilles et Hervé
Duronzier maintiennent l'esprit de la maison. Celui dans lequel Romain a grandi avec - il
n'en ignore rien - un patronyme difficile à porter. "Je sens que certains
m'attendent au tournant et qu'ils ne laisseront rien passer. Je ne sais pas si porter le
nom de Chapel est un avantage, mais il a déjà suscité certaines jalousies. En cuisine,
j'appréhende parfois un peu, car peut-être qu'avec mon nom, on attend plus de moi. Ce
n'est pas plus facile que pour un autre, et quand je suis né, je n'ai pas eu une
cuillère en argent. Même avec un nom, il faut se pousser pour arriver quelque part. Dans
le milieu, certains connaissent Chapel, d'autres pas. Et tous mes copains sont étrangers
à la cuisine."
Des petites jalousies, quelques mesquineries aussi : Romain ne s'y arrête pas. Il sent
autour de lui, avec le culte du meilleur cuisinier de sa génération, une sorte de cercle
familial qui se réjouit du chemin qu'il a choisi de suivre. Et s'il ne garde aucun
souvenir de son père, celui-ci est présent à travers les anecdotes que l'un ou l'autre
ne manque jamais de lui raconter.
Cuisinier donc Romain qui, plus petit, était plutôt porté vers la pâtisserie. A l'âge
où, comme tous les gosses de son âge, il a joué au foot... sans pousser trop loin la
spécialisation. "J'aimais bien mais sans plus. Je n'ai jamais été un grand
sportif", glisse le jeune homme, volontiers taciturne, mais qui ne craint pas de
faire la fête et aime "bien me marrer...". Cuisinier alors. "C'est
venu tout naturellement. La cuisine fait aujourd'hui partie de mon univers et quand je
suis devant les fourneaux, je ne pense qu'à ça." Il a déjà fait un bout de
chemin. Des stages chez Troisgros à Roanne et chez Frossard à Annecy dont il s'est
plutôt bien tiré. Puis il a choisi la Bretagne par envie de mieux connaître les
produits de la mer. Le voilà pour une année au moins à Pont-Aven, chez Guy Guilloux à
La Taupinière. "Ensuite, je voudrais bien essayer d'aller chez Olivier
Rllinger à Cancale."
La cuisine c'est beaucoup plus que des recettes
Après ? Il n'a pas d'idée précise et sait qu'il lui faut prendre "le temps
d'apprendre", sans vouloir bousculer les choses. "Parfois à Mionnay, je
me mets dans un coin pour me plonger dans les livres de cuisine, les recettes et les
papiers que papa a laissés. J'ai parcouru son livre La cuisine c'est beaucoup plus
que des recettes mais c'est encore un peu tôt. Je ne suis pas encore totalement
enfermé là-dedans." Ensuite ? Mionnay peut-être. Mais pas certain du tout.
"Nous en avons souvent parlé avec ma mère. Le lieu importe peu, c'est surtout le
nom. Ce n'est pas Mionnay qui a fait le restaurant, et si nous choisissons d'aller
ailleurs, il y aura toujours l'âme. Je ne pense pas travailler pour quelqu'un d'autre
toute ma vie. J'ai envie d'avoir un jour ma maison, mais ce ne sera pas forcément à
Mionnay. Plus tard, je voudrais aussi voyager pour apprendre les nouvelles techniques. La
cuisine qui me plaît est novatrice sur des bases classiques."
Romain a tout dit ou presque. Il aime son métier et s'applique à l'apprendre, attentif
aux conseils qu'on lui donne ici ou là. "J'ai le souci de bien faire, de bien
connaître les produits, d'acquérir le geste juste. Si je veux suivre les traces de mon
père, je dois en savoir autant que lui. C'est le plus dur, mais la cuisine, c'est mon
choix. Je ne l'ai pas fait pour faire plaisir à quelqu'un et ma mère ne m'a pas forcé.
J'ai envie d'être cuisinier, et même si je m'appelle Chapel, je ne me sens pas investi
d'une mission particulière", dit-il encore.
J.-F. Mesplède zzz18p
En dates Juin 1983 Naissance de Romain Chapel à Lyon 1990 Décès d'Alain Chapel à Avignon 1999 Entrée au lycée Jehanne de France à Lyon 2000 Stage chez Troisgros à Roanne 2001 CAP et BEP cuisine Commis chez Guy Guilloux à Pont-Aven |
Automne 2001, Romain dans le jardin
de Mionnay
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L'Hôtellerie n° 2750 Hebdo 3 Janvier 2002