LES MIRAGES DE LA TÉLÉ
Dans l'océan de médiocrité qui caractérise la production télévisuelle actuelle,
certaines uvres conservent une réputation de qualité, dont le rendez-vous de
France 2 intitulé Des racines et des ailes, généralement instructif et bien
construit.
La déception est donc d'autant plus grande après la programmation d'une édition
consacrée à la haute cuisine qui donne une image idyllique d'un métier où tout semble
facile. Alors que chacun sait qu'à tous les niveaux, y compris celui de Paul Bocuse ou
d'Alain Ducasse, rien n'est jamais acquis.
Que retiendra le téléspectateur non averti ? Qu'un chef en vogue passe son temps dans
les avions entre les deux rives de l'Atlantique, y compris en Concorde, que la couleur des
nappes et le pli des rideaux importent autant que la précision d'une cuisson, qu'un
critique gastronomique est apte à faire et défaire la réputation d'un établissement
sur des critères pour le moins subjectifs, qu'on prend la Jaguar pour aller chercher ses
rascasses sur le Vieux Port ! Pas un mot sur l'exercice quotidien d'un métier
entièrement tourné vers la satisfaction d'un client d'autant plus exigeant qu'il se fait
plaisir au prix fort, pas une allusion aux difficultés de recrutement liées aux
contraintes et à l'image négative de la profession réputée pénible et peu
rémunératrice. Et bien sûr, pas un mot sur la rentabilité et la pérennité des
entreprises.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes de la gastronomie. Sur le petit
écran, bien sûr...
L.H. zzz80 |