A l'heure où les professionnels rencontrent de plus en plus de difficultés à attirer les jeunes vers les métiers de la restauration et
à les fidéliser dans les entreprises, il est toujours déstabilisant de constater que notre système de formation puisse laisser passer des comportements à la limite de l'entendement de la part de certains formateurs. Même si, heureusement, ces situations sont exceptionnelles, elles se doivent être dénoncées pour amener les professionnels à mieux prendre leurs responsabilités. L'histoire qui suit mérite réflexion...
Responsable d'un
hôtel-restaurant à Montbrison, et maître d'apprentissage, M. X a été condamné en
décembre 2001 à 6 mois de prison avec sursis et à des dommages-intérêts pour
violences volontaires et insultes infligées à son apprentie cuisinière.
C'est lorsque, le 10 juin 2001, il lui mit la tête dans une sauce qu'elle préparait, la
shampouina à l'eau froide, et lui adressa une série de coups à l'épaule et au dos, que
la jeune fille décida de porter plainte. Ce jour-là, la victime, en deuxième année
d'apprentissage, sort alors de son silence, et avoue également avoir subi régulièrement
les insultes de son employeur. Cette affaire n'aurait sans doute pas fait grand bruit si
la victime n'avait pas raconté que, courant 2000, son employeur l'avait placée dans un
sèche-linge et fait tourner le tambour !
Lorsqu'on entend cette histoire, on a du mal à y croire, et l'on se dit que ce n'est pas
vrai, qu'il s'agit en fait d'une de ces rumeurs que l'on répand sans y croire vraiment.
Mais non ! Cela est malheureusement véridique : le ministère public et la victime ont
réellement poursuivi le restaurateur pour avoir, entre autres, commis volontairement des
violences sur son apprentie "en faisant usage d'une arme ou sous la menace d'une
arme par destination, en l'espèce l'introduire dans un sèche-linge, et faire tourner le
tambour".
L'auteur du délit, condamné par jugement rendu le 13 décembre 2001 par le tribunal de
Montbrison, ne le nie pas d'ailleurs.
C'est en consacrant du temps aux jeunes, en étant attentif à leurs attentes, que
l'on peut les attirer, les motiver et les fidéliser aux métiers de la restauration.
Sur le ton de la plaisanterie...
Pour lui, ces faits "se sont déroulés sur le ton de la plaisanterie",
comme lorsqu'il "rigolait à l'école avec ses camarades". Il explique
son attitude par son jeune âge (27 ans) et le peu de différence d'âge qui le séparait
de ses apprentis, ce qui lui a fait oublier ses responsabilités professionnelles. Il
admet sa culpabilité, et précise que cette leçon l'aura fait grandir. Désormais, "j'ai
conscience que je devrais être plus professionnel dans mes relations avec mes
apprentis". Il faut effectivement l'espérer pour les apprentis qui succéderont
à Mlle Y mais aussi pour toute la profession ! En effet, comment imaginer que de jeunes
élèves peuvent avoir envie de persévérer dans la profession si leur maître
d'apprentissage, pourtant censé leur transmettre la passion du métier, leur inflige de
tels traitements. Saluons d'ailleurs Mlle Y, qui, malgré ce qu'elle a enduré, n'a pas
abandonné le métier. Celle-ci, aujourd'hui soulagée d'avoir quitté son ancien maître
d'apprentissage, poursuit aujourd'hui sa formation chez un nouvel employeur, et se
déclare très heureuse.
Absence de normes et de contrôles...
Ce cas est bien sûr exceptionnel, fort heureusement, mais ce qu'il met en évidence,
c'est l'absence de contrôle en matière de qualité d'accueil des jeunes au sein des
entreprises, et c'est aussi la banalisation de la violence dans certains milieux. Des
comportements que l'on reproduit de génération en génération, sans jamais se poser de
question. "Apprenti, j'avais été abusé et je croyais que c'était la norme,
alors moi aussi, quand je suis devenu chef, j'ai reproduit les mêmes comportements",
avouait un chef renommé expliquant comment il avait pris conscience qu'il se devait de
changer de comportement envers les jeunes pour les motiver. C'est lui qui reconnaît
aujourd'hui "pourquoi se priver de la passion des jeunes ? C'est en les écoutant
que l'on peut les comprendre et les motiver en leur donnant envie d'aller plus loin,
toujours plus loin". De plus en plus de professionnels se mobilisent aujourd'hui
pour que justement les comportements changent et que soient marginalisés les employeurs
qui ne respectent pas leurs apprentis. Gilles Grandjean, directeur du Procope à Paris,
mais aussi président de l'Union nationale des anciens élèves des écoles hôtelières,
s'est immédiatement insurgé à l'annonce de cette affaire.
"Retournez-lui sa cotisation syndicale"
"Ma colère ne fait qu'enfler depuis que journal télévisé, presse et émission
en prime time se sont fait l'écho des actes de barbarie d'un membre de la profession. Qui
osera dire dans les syndicats patronaux que, refusant de tels actes, l'organisation
patronale où il est peut-être adhérent retourne sa cotisation à ce bourreau ? Qui
osera le rayer de tous les centres de formation en alternance et de ceux organisant des
stages ? Qui osera se porter partie civile contre lui pour le mal qu'il fait à l'ensemble
de la profession ?
Pour ma part, je suis prêt à prendre cet engagement. Il faut porter plainte au nom de
la profession et demander une amende qui sera versée à un organisme de formation. Depuis
plusieurs années, à chacune des réunions sur la formation, sur le recrutement, sur la
défection des élèves à leur sortie des écoles, Education nationale, proviseurs,
enseignants, syndicats patronaux et ouvriers, et Unaeeh, disent en chur qu'il faut
changer, améliorer, reconstruire l'image de nos métiers. Quand nous sommes ainsi
détruits, n'hésitons pas, dénonçons, et exigeons réparation. Nous réclamons une fois
de plus le retour d'un agrément national pour les formateurs tant en qualité de
salarié, que pour les entreprises. Avec son fichier national, il permettrait une
surveillance et une amélioration de l'accueil et de la vie des jeunes dans nos
entreprises."
T. Beausseron zzz22v zzz68p
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L'Hôtellerie n° 2756 Hebdo 14 Février 2002 Copyright ©