Hôtellerie-restauration à Pékin
Dans un Pékin en pleine ébullition, l'hôtellerie et la restauration évoluent rapidement. Les grands groupes, Accor en tête, prennent leur marque. Quant à la grande restauration française, elle ne semble pas avoir le vent en poupe.
Tristan
Beau de Lomenie a connu la Chine de la fin des années 80 où il a présidé à
l'ouverture du premier Novotel chinois à Shanghai. Il y est revenu en 1999 pour prendre
la direction du Novotel Peace Beijing, l'un des plus importants d'Asie avec 344 chambres.
"En 10 ans, tout a changé. Le pouvoir d'achat de certains Chinois - et ils sont
de plus en plus nombreux - fait qu'ils sont devenus des clients à part entière pour les
hôtels internationaux comme le nôtre. Aujourd'hui, ils consomment, louent des chambres,
il existe une vraie clientèle locale. C'est sur cet état de fait que le groupe Accor
fonde son développement en Chine." L'évolution qu'il a constatée est à la
hauteur des enjeux du marché, estime-t-il. L'aspect des grandes villes comme Pékin et
Shanghai a considérablement changé. Devenues des villes modernes où l'on trouve de
tout, notamment dans les produits pour la restauration. "En 1990, on pouvait
acheter sur place du chou, du riz, quelques carottes. Aujourd'hui, le marché local est
capable de fournir la quasi-totalité de ce qu'il faut pour faire tourner l'hôtel et ses
restaurants." A Pékin, où le parc hôtelier récent a en moyenne une quinzaine
d'années, les projets se succèdent, portés par les grands groupes internationaux. De
son côté, Accor gère déjà 2 hôtels à Pékin : le Novotel Peace Beijing depuis avril
2000 et le Novotel Xingiao depuis août dernier. Le groupe français vient également de
signer un accord avec une société chinoise, le Beijing Tourism Group (BTG), qui prévoit
qu'une vingtaine d'hôtels passeront sous l'enseigne Mercure dans les 3 prochaines années
en commençant par 3 établissements à Pékin. D'ici l'organisation des Jeux olympiques
de 2008, plusieurs dizaines d'établissements devraient suivre le même chemin. Cependant,
certains problèmes structurels subsistent. Même si les taux d'occupation sont importants
- 75 % pour le Novotel Peace Beijing - le prix moyen des chambres est assez bas, en
moyenne 65 USD pour un 4 étoiles.
Pour Tristan Beau de Lomenie, "il existe une vrai clientèle locale".
Main-d'uvre locale et barrière linguistique
Deuxième problème récurrent, selon le directeur du Novotel, la grande difficulté à
trouver du personnel compétent : "Dans le domaine du service, les Chinois sont
très en retard et nous avons beaucoup de mal à recruter. On le fait de façon classique
par le biais d'annonces dans les journaux. Cela demeure un problème complexe dans le sens
où l'on ne peut pas transférer du personnel du groupe en Chine car on doit s'adresser à
de la main-d'uvre locale. Nous essayons de travailler de plus en plus en partenariat
avec les écoles hôtelières."
Quand Tristan Beau de Loménie est arrivé à Pékin en 2000, il a eu à cur, outre
la restructuration de l'hôtel, de développer une brasserie française dans
l'établissement. "Nous avions deux restaurants, chinois et coréen, j'ai fait
venir un chef français en octobre 2000 pour ouvrir un restaurant brasserie française
digne de ce nom." Arrivé du Viêtnam, Alain Denis a rapidement organisé sa
cuisine même "s'il a de graves problèmes de communication avec les salariés
dont pas un seul ne parle l'anglais ni le français. J'ai un interprète de 8 heures du
matin à 22 heures. Mais c'est un littéraire qui ne connaît rien à la cuisine".
Il fallait d'abord pour le chef répondre à la demande croissante des clients français
de l'hôtel, passés de 2 000 en 1999 à 13 000 fin 2000, mais aussi mettre en place la
carte du room service, la carte du bar et le petit-déjeuner agrémenté de croissanterie
et de pain français. "Nous sommes certes les ambassadeurs de la bonne chère
nationale, estime le chef, mais je crois plus aux plats traditionnels qu'à la
grande cuisine en Chine." Avec une rotation de buffet tous les 15 jours, Alain
Denis propose une cuisine à 50 % asiatique et à 50 % internationale avec une touche
française. Il mise ainsi sur les tripes, la tête de veau, le cassoulet, la blanquette ou
le pot-au-feu "avec un plat différent chaque jour". Quant aux produits
typiques plus 'nobles' comme le foie gras poêlé, les huîtres en provenance de Bretagne
et autres fromages du cru, le chef les propose au sein d'un brunch qu'il considère avec
fierté "comme le meilleur de Pékin".
Alain Denis : "je crois plus aux plats traditionnels qu'à la grande
cuisine en Chine".
La gastronomie française en brèche ?
Mais la grande cuisine française est-elle vraiment à l'honneur à Pékin ? Il n'est pas
facile de s'en convaincre si l'on juge le journal Pékin, ce mois-ci, diffusé en
anglais, sorte de Pariscope de la capitale chinoise. On y trouve bien, dans une
publicité de seconde page, la présence du restaurant français de Pékin le plus connu,
le Justine's, mais dans les pages branchées (What's hot), point de Français. Le journal
célèbre les 2 chefs allemands du Palace Hôtel, le nouveau chef australien de l'Holiday
Inn ou encore les chefs norvégiens du Plaza... Rude concurrence ! Dans laquelle les
restaurants français ont finalement bien du mal à exister en tant que tels, mises à
part les institutions reconnues. La première est celle de Pierrick Celibert, chef du
Justine's situé dans le Jianguo Hotel. Tour de France gastronomique avec des prix
élevés réservés à une clientèle chinoise très aisée. C'est la référence. Du
côté de chez Maxim's Pékin, il reste un cadre extraordinaire - art déco - et service
grande classe à la française, mais le succès n'est plus vraiment au rendez-vous. Un
seul petit dernier tire vraiment son épingle du jeu : le Flo Rainbow Plazza, ouvert en
septembre 1999. Devenu la 'cantine' des expatriés, réussissant quand même à attirer
près de 50 % de clientèle chinoise, le premier-né du groupe en Chine marche bien et la
formule brasserie semble être appréciée par la clientèle pékinoise. Mais pour les
autres Français qui tentent leur chance, le turn-over est important. Plusieurs
restaurants ont ainsi disparu en quelques mois, comme Le Gavroche ou La Terrasse. Ouverts
par des chefs français avec des capitaux chinois, ces établissements connaissent souvent
des débuts prometteurs... vite compromis par la volonté des investisseurs de remplacer
le chef français jugé trop cher par un homologue chinois qui n'a pas la 'french touch'.
Les clients ne s'y trompent pas et le restaurant périclite. Ainsi, dans cette ambiance de
concurrence très ouverte, et selon les dires des critiques chinois, les canons français
de grande cuisine ne correspondent plus vraiment à la mode actuelle, portée sur la
cuisine fusion - entre australienne et chinoise par exemple - et allant résolument vers
une cuisine... 'nouvelle'. Malgré tout, les Chinois restent attachés à leur cuisine
traditionnelle. Une donnée que les chefs de tous horizons, y compris Français, doivent
désormais prendre en compte avant de tenter l'aventure à Pékin. zzz99
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L'Hôtellerie n° 2756 Hebdo 14 Février 2002 Copyright ©