Au Crocodile à Strasbourg
Initiative sans précédent : plusieurs dizaines de grands chefs de l'Est sont venues témoigner leur sympathie à Emile Jung, trois jours après que le Crocodile ait perdu son 3e macaron au Guide Rouge. Le patron du célèbre restaurant strasbourgeois en a retrouvé sa combativité.
Antoine Westermann, Marc Haeberlin, Patrick Fulgraff, les Klein, frère et sur, et plusieurs dizaines d'autres : les grands chefs de l'est de la France n'ont pas manqué à l'appel pour témoigner leur solidarité et leur reconnaissance à Emile Jung. A la surprise totale de l'intéressé, ils ont fait irruption vendredi dernier dans la salle du Crocodile pour rendre hommage au chef rétrogradé. Une nouvelle émotion a traversé la salle, chacun manifestant à Emile Jung combien il ressentait un peu dans sa propre chair la perte de la 3e étoile. Du coup, le chef et son épouse Monique ont puisé dans ce geste exceptionnel les forces pour une combativité nouvelle. Car deux jours plus tôt, ce sont des larmes de peine qui ont coulé sur leurs joues. Monique et Emile avaient organisé une conférence de presse ultracourte au cours de laquelle le chef s'est contenté de lire un communiqué (lire encadré ci-dessous) avant de retourner à ses fourneaux, "stupéfait et meurtri" ; le jugement du Guide Rouge s'est fait d'autant plus douloureux que le Crocodile résonnait encore des festivités de son trentième anniversaire. En effet, à l'orée de ses 30 ans, le Crocodile s'est refait une nouvelle jeunesse sur le thème de l'Egypte. Un Orient de rêve a pris racine pour une année au cur du vieux Strasbourg entre la cathédrale et la place Kléber. Par la magie du décor et la saveur des plats, le gourmet plonge dans l'univers de l'Egypte antique revisité par la sensibilité de la famille Jung. Chacun des 7 plats du menu harmonise les ingrédients de l'Orient et de l'Occident.
Pour Emile et Monique, ce menu du trentenaire constitue l'aboutissement d'une longue carrière. Le couple Jung partage le travail et les lauriers de cette réussite.
Passion commune
Monique, diplômée de l'école hôtelière de Strasbourg et formée au restaurant, 2
étoiles au Michelin, Le Club à Cavalière dans le Var, est, elle aussi,
considérée comme une grande professionnelle. "Chez les Jung, j'ai appris le
travail en équipe. Chacun est à sa place et cherche la perfection dans son domaine.
Madame s'occupe de la salle, Monsieur dirige la brigade de cuisine", témoigne
Roland Schuster, ancien apprenti Au Crocodile, qui se souvient avec émotion de
l'atmosphère très particulière que font régner les propriétaires du lieu. "Au
cours de cet apprentissage, j'ai appris plus qu'un métier, le goût du travail bien fait
et le respect des êtres humains. Cette école de la vie me guide encore aujourd'hui",
se souvient-il.
O. Berthelin zzz22v zzz18p
Antoine Westermann soutient Emile Jung
Dès l'annonce de la nouvelle, Antoine Westermann a spontanément exprimé sa
solidarité à Emile Jung : "Les étoilés d'Alsace forment une équipe soudée
qui se réjouit dans le bonheur et se serre les coudes quand l'adversité touche l'un des
nôtres", confie le chef. Avant même que 80 à 100 chefs alsaciens et lorrains
ne se rassemblent autour d'Emile Jung, il avait contacté son ami. Néanmoins, la
dimension collective de cet élan de solidarité transparaît dans les propos qu'il
accorde à L'Hôtellerie. "Nous sommes tous tributaires des juges qui font
les guides. Pour nous, c'est quelque chose de très important. L'obtention ou la perte
d'une étoile constitue un temps très fort dans nos vies. Emile est un ami et nous tenons
à l'accompagner dans cette épreuve. Elle n'enlève rien à sa carrière, à la qualité
de son travail, et à l'image importante qu'il laissera dans la gastronomie",
explique |
La réaction officielle
Le crocodile a 30 ans. Depuis 1989, 3 étoiles - au Guide Rouge - brillent à son fronton. Aujourd'hui, l'une d'elles s'éteint. Personne ne peut mesurer la stupéfaction qui frappe mon épouse et moi-même, et toute mon équipe. Aucun mot ne peut apaiser la douleur qui mord nos curs et qui meurtrit nos esprits. Depuis 30 ans, chaque jour, le Crocodile a donné l'excellence de la table. Un travail permanent, une implication constante par petites touches, par créativité sans cesse remise sur le 'fourneau' ont conduit notre établissement sur cette route magnifique, mais terriblement exigeante, de la reconnaissance absolue. Chacun savait, moi le premier, que le sommet aussi difficile à atteindre qu'il soit n'est pas une conquête. Qu'il n'est que le début d'un nouveau défi sans cesse renouvelé. Dans ce que beaucoup pourraient appeler une épreuve, nous savons que nous n'avons jamais failli à la magnificence de la gastronomie, ni trahi l'honnêteté de notre cuisine. Dès maintenant, tout comme hier et demain, toute l'équipe du Crocodile, que j'ai l'honneur et le bonheur de conduire, continuera avec le même professionnalisme, la même exigence et le même enthousiasme, à célébrer la cuisine qui fait sa réputation, et qui, depuis 30 ans, apporte à tous ceux qui l'ont partagée, de délicieuses et savoureuses émotions. Le Crocodile, même à 30 ans, a toutes ses dents. Il continue à mordre dans la passion de la gastronomie, la tête toujours dans les étoiles. |
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L'Hôtellerie n° 2757 Hebdo 21 Février 2002 Copyright ©