ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
LES CHOIX DE JACQUES CHIRAC POUR LES CHRDans quelques semaines, les hôteliers, cafetiers, restaurateurs, comme tous les autres citoyens français, devront élire le président de la République. Pour éclairer leur choix, LHôtellerie a demandé un entretien avec les deux candidats qui, daprès les sondages, seront présents au second tour. Malgré de nombreux rappels, nous navons toujours pas obtenu de réponse de Lionel Jospin, aussi publions nous dès maintenant, les seules réponses de Jacques Chirac.
© Eric Lefeuvre
LHôtellerie :
Alors que le secteur touristique est essentiel pour léconomie
française (le solde de la balance touristique était de 15, 2 milliards
duros en 2000 et les créations demplois entre 1998 et 2000 ont été au
nombre de 53 000), on constate que politiquement, le secteur nintéresse personne.
Aussi, dans le cadre de la constitution du prochain gouvernement, vous
engagez-vous à créer un véritable Ministère du Tourisme et à lui donner les
moyens tant financiers quhumains et politiques pour développer
léconomie du secteur ? Vous engagez-vous aussi à nommer à ce poste un homme
ou une femme reconnu et respecté pour son poids politique
Jacques Chirac :
Jai pleinement conscience de lenjeu économique et social très
important que représente le tourisme. Il constitue pour la France un formidable et
indéniable atout. Par ailleurs la concurrence internationale est vive. Je suis donc
évidemment favorable à ce quun membre du gouvernement soit investi de la
responsabilité du développement de ce secteur, à lexclusion de toute autre
mission. Il assurera une action interministérielle transversale en lien avec les
collectivités locales. Nous le savons tous, les crédits consacrés au tourisme sont
aujourdhui dispersés dans beaucoup dautres ministères.
LHôtellerie :
Ces cinq dernières années, le Secrétariat dEtat au Tourisme
a concentré ses actions sur le tourisme social. Un secteur qui demande sur le plan
financier, une forte contribution de lEtat, mais qui, du point de vue économique,
reste peu intéressant. Les entreprises ne pouvant pas y assurer de marges suffisantes
pour assurer leur pérennité : comptez-vous, dans les mois qui viennent, impliquer
davantage votre gouvernement en matière de développement de lactivité touristique
marchande et définir une politique touristique qui permette un développement des
entreprises ? Si oui, quelles devraient en être les grandes lignes
conductrices ?
Jacques Chirac :
Notre idée nest pas dopposer le tourisme associatif
aux autres formes de tourisme ! Mais je suis cependant frappé de constater que le
taux de départ en vacances des Français na pas augmenté ces cinq dernières
années. Il faut donc développer toutes les initiatives qui soutiennent le tourisme
associatif dans une parfaite transparence fiscale par rapport au secteur concurrentiel. Il
est capital que le nouveau gouvernement prenne en considération les difficultés du
secteur privé, notamment dans lhôtellerie. Quant au chèque-vacances, pour ne
citer que lui, je constate quil a fallu une législature entière pour modifier le
plafond de ressources
LHôtellerie :
La pression ne cesse de monter chez les restaurateurs qui, depuis
bientôt 7 années, demandent une basse de la TVA sur la restauration. Alors que les deux
gouvernements du septennat ont toujours répondu négativement à cette demande, mettant
en avant le coût de la mesure et limpossibilité technique, du fait de la
réglementation européenne, on voit aujourdhui tous les partis politiques
sengager sur une baisse de cette TVA . Une fois élu, allez-vous intervenir
pour que le gouvernement français demande à la Commission de Bruxelles
linscription du secteur de la restauration et de lhôtellerie sur la liste des
biens et services autorisés à appliquer le taux réduit ?
Jacques Chirac :
Cest mon objectif, mais la réalisation de cet engagement ne dépend
pas uniquement de la volonté de la France. Cependant, jestime que limportance
de la profession des restaurateurs pour notre économie et pour la vitalité de nos
territoires justifie que la France sengage à négocier avec détermination un
accord avec nos partenaires européens. Je souhaite également que des engagements précis
puissent être pris par la profession en ce qui concerne les répercussions dune
baisse de ce taux sur les prix.
LHôtellerie :
Etes vous favorable à une harmonisation européenne des taux de TVA
par secteur dactivité ?
Jacques Chirac :
Lharmonisation globale est souhaitable, maintenant que
leuro est notre monnaie quotidienne, mais elle suppose une remise à plat de la
fiscalité globale dans chaque pays de lUnion européenne. Comme cette démarche
risque de prendre du temps, il y a encore plus intérêt à obtenir rapidement le taux
réduit pour la restauration.
LHôtellerie :
Le secteur de lhôtellerie restauration est constitué de PME
mais surtout de TPME. Des entreprises réparties sur tout le territoire et qui ont, dans
de nombreux villages, un rôle important sur le plan de lanimation et de la
cohésion sociale. Le renforcement de la réglementation tant fiscale que sanitaire et
sociale est tel quun grand nombre de ces entreprises est appelé à disparaître
dans les dix prochaines années. Le prochain gouvernement aura-t-il comme mission de
trouver des solutions à ce problème à travers des financements spécifiques ou des
allègements fiscaux afin de permettre aux entreprises dont la rentabilité est très
fragile, de survivre ?
Jacques Chirac :
Cest une évidence : lhôtellerie et la
restauration contribuent grandement à laménagement du territoire et à
lanimation en zone rurale. Dans le cadre des dispositions fiscales en faveur des
zones de revitalisation rurales créées par le gouvernement dEdouard Balladur, nous
pouvons envisager un système élargi dallégements fiscaux, comme par exemple
laide pour les mises aux normes ou encore les allégements fiscaux sur les emplois.
LHôtellerie :
PME et TPME ont de plus en plus de difficultés à transmettre leurs
entreprises à leurs enfants qui pourtant souvent travaillent à leurs côtés, du fait
des droits de succession trop élevés. Ce sujet sera-t-il au programme des problèmes
quaura à résoudre votre gouvernement ?
Jacques Chirac :
Dans lhôtellerie comme dans dautres secteurs dactivité,
de nombreux chefs dentreprise ont aujourdhui 55 ans et plus. Dans les 10
années à venir, de nombreuses entreprises devront être transmises. Si rien
nest fait, ces transmissions conduiront à des cessations dactivités dans la
mesure où les héritiers nauront pas les moyens de payer les droits, à moins de
vendre lentreprise. Cest pourquoi je veux favoriser la transmission
dentreprises pour les PME et les entreprises familiales, en allégeant les droits et
en étendant, de manière adaptée, aux transmissions dentreprises les dispositifs
de soutien à la création dentreprise.
LHôtellerie :
Le secteur de lhôtellerie restauration rencontre des
difficultés de recrutement très importantes. Alors que de plus en plus de jeunes sont
formés dans les écoles hôtelières dans de bonnes conditions, et quils trouvent
facilement un premier emploi, ils sont de plus en plus nombreux à quitter le territoire
français pour sexpatrier dans des régions du monde où ils sont mieux reconnus et
mieux payés mais ils sont aussi de plus en plus nombreux à changer de métier, du fait
de lincompatibilité de leur vie personnelle et professionnelle et du niveau de
rémunération trop bas. Les chefs dentreprises sinquiètent de cette
situation quils attribuent au niveau de charges salariales trop élevé,
particulièrement discriminant pour toutes les industries de service qui emploient
beaucoup de main duvre. Des charges qui ne leur permettent pas de payer
convenablement leur personnel. Votre gouvernement cherchera-t-il à trouver des solutions
spécifiques aux industries de services pour que les charges salariales soient
proportionnellement moins lourdes ?
Jacques Chirac :
La baisse des charges est le moyen avéré de créer des emplois
stables. Une récente étude de lINSEE a démontré que ce sont 460.000 emplois qui
ont ainsi été créés grâce aux baisses des charges décidées entre 1993 et 1997.
Quand on baisse les charges réellement, et pas seulement pour compenser des contraintes
supplémentaires imposées aux entrepreneurs, les emplois créés sont de vrais emplois.
La baisse des charges en faveur des salariés à revenus moyens et modestes sera
lune des grandes priorités de la politique de lemploi pour les 5 ans qui
viennent. Nous devons y affecter une part essentielle de l'effort que nous consacrerons à
la baisse des prélèvements obligatoires. Les jeunes de moins de 22 ans et nayant
pas poursuivi au-delà du niveau " bac+2 " bénéficieront de contrats
sans charge, reconnaissance de leffort de formation consenti naturellement par les
entreprises auprès de ces jeunes.
LHôtellerie :
Les entreprises saisonnières ne peuvent plus répondre à
lobligation quelles ont de loger leur personnel du fait de laugmentation
du coût du foncier dans les régions touristiques qui ne leur permet plus dacheter
ou de louer des appartements. Si ce problème nest pas résolu, des régions
entières vont voir leur activité économique reculer, les entreprises saisonnières
devant limiter leur recrutement au seul marché du travail local afin de ne plus avoir à
loger le personnel. Des répercussions sur lemploi mais aussi sur la qualité des
prestations fournies sont prévisibles. Peut-on imaginer un plan national pour que
certains avantages fiscaux favorisent des initiatives de constructions de résidences de
saisonniers dans les zones touristiques, en accord avec la région, le département et les
professionnels concernés ?
Jacques Chirac :
Il savère que les crédits budgétés par lEtat en
matière de logement social ne sont aujourdhui pas consommés puisque le financement
de lEtat ne prend pas en compte le prix du foncier dans certaines régions
touristiques et le surcoût lié à la construction en montagne. Les règles devront être
revues pour permettre aux saisonniers dêtre logés décemment.
LHôtellerie :
Lextension de laccord de branche pour lapplication
de la RTT dans les hôtels, cafés et restaurants, a été définie par un décret qui ne
fixe que les conditions dapplication pour lannée 2002. De nouvelles
négociations doivent permettre de réduire le temps de travail en 2003 mais à ce jour,
aucune date nest déterminée. Aussi, la durée légale du travail dans les
entreprises de moins de 20 salariés est actuellement pour la plupart de 41 heures, elle
est de 37 heures pour les autres. Quelle sera la ligne de conduite que vous donnerez à
votre gouvernement sur la manière de continuer à mettre en place la RTT dans les hôtels
cafés et restaurants de manière à arriver, ou à ne pas arriver, à 35 Heures, comme
dans les autres secteurs.
Jacques Chirac :
Pour la réduction du temps de travail à 35 heures, jai
fait un certain nombre de propositions dassouplissement qui sadressent en
particulier au secteur du tourisme. Les conditions de la réduction du temps de travail
doivent correspondre aux réalités économiques et sociales, notamment à celles des PME.
Elles ne doivent plus, comme on a pu le constater, conduire à un surcroît de tension au
travail pour les salariés et à des surcoûts pour les entreprises, ce qui sest
traduit par un freinage de la progression du pouvoir dachat sans précédent en
période de forte croissance. Cest pourquoi je suis favorable à un assouplissement
des 35 heures dans des conditions définies par le dialogue social. Ce sont en effet les
partenaires sociaux qui sont les mieux à même de trouver les bons équilibres, au plus
près du terrain, pour que tout le monde y trouve avantage. Les conditions de la
réduction du temps de travail doivent répondre aux réalités de lemploi et des
entreprises, surtout des plus petites, et tenir compte des différences de situations
entre les secteurs et entre les entreprises. Chacun doit pouvoir, sil le souhaite,
travailler plus et gagner plus.
Les amis de Jacques Chirac 10 propositions pour le tourisme
è Pour soutenir la demande
intérieure 2
Egaliser les conditions de concurrence entre secteur social, associatif et commercial :
è Pour soutenir la demande
extérieure è Pour développer une
politique de l'offre touristique 5 Dégager une enveloppe de 200 Me par an pour appuyer avec d'autres financeurs les projets les plus rentables touristiquement et économiquement de mise en valeur des richesses culturelles ou naturelles et les projets d'amélioration de la mise en commercialisation (sites Internet, centrales de réservations...). 6 A l'aide de dispositifs fiscaux en faveur de l'immobilier, lancer un plan de rénovation de l'immobilier touristique là où le risque de friches apparaît avant l'obsolescence du parc : stations de montagne, stations littorales (Languedoc, Vendée...), stations thermales... è Pour renforcer les PME du
secteur 8
Régler quelques points précis d'irritation légitimes des professionnels : 9 Geler au niveau actuel la réduction du temps de travail dans l'hôtellerie et la restauration. 10 Remettre en cause au niveau européen la directive TVA, et proposer au niveau européen, en le faisant éventuellement seul, de mettre fin au régime de la TVA des forfaits touristiques : le voyage est considéré à tort comme une exportation. Une entreprise organise un séminaire à Zanzibar, elle paie 0 % de TVA ; elle l'organise à Biarritz, elle paie 19,6 %. Un taux commun de 5 % (acceptable pour les pays du nord de l'Europe qui partent plus à l'étranger que les Français) doit s'appliquer à toutes les prestations de voyage. zzz16 |
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L'Hôtellerie n° 2764 Hebdo 11 Avril 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE