Un bon concept, de l'énergie, de la rigueur et le pari est réussi : le Café de l'Epée, bistrot chic qui s'éteignait à petit feu, redevient la brasserie bouillonnante qu'elle était au siècle dernier. Tout en faisant partie des Cafés historiques et patrimoniaux d'Europe.
Alain de Sigoyer
Michèle et Gérard Texier.
Cette brasserie quimpéroise revient de loin car elle somnolait sur les quais de l'Odet, en face de la préfecture, fière de son passé prestigieux et de son statut de Monument historique, sorte de café Procope quimpérois où il était de bon ton d'aller boire un thé (ou une bière) l'après-midi. Ancien relais de poste créé en 1792, l'hôtel n'a pas résisté aux nouvelles normes de confort et de sécurité. Les chambres sont devenues des studios locatifs, le restaurant et sa superbe coupole, une galerie marchande. Seul le café, avec ses vitraux d'une autre époque, a survécu. Aujourd'hui, en l'an II du nouveau siècle - le 4e pour elle -, c'est l'une des plus anciennes brasseries de France. Ses actuels propriétaires, Michèle et Gérard Texier, n'hésitent pas à l'affirmer, eux qui ont redonné à cette vieille et noble maison tout le dynamisme d'un établissement moderne. Une belle réussite, et ce, en moins de 4 ans. Pour ne pas dire résurrection, car à Quimper, le Café de l'Epée domine la concurrence. Celle du Café de Bretagne, tout proche, qui est à nouveau à vendre, ou de la toute récente Taverne de Maître Kanter, dont on dit que l'activité n'est pas celle qu'espéraient ses propriétaires qui songent à passer la main.
Une clientèle de
proximité Restaurant de centre-ville dans le quartier d'affaires, hors saison, L'Epée travaille le midi essentiellement avec les commerçants, les employés, les fonctionnaires, une clientèle de proximité qui se situe dans la vie active, mais avec très peu de jeunes ou d'étudiants. Une clientèle fidèle qui apprécie le rapport qualité/prix des prestations proposées et l'ambiance feutrée. Le soir, en revanche, les convives sont des gens de passage, à commencer par les voyageurs de commerce, puis les habitants de la région quimpéroise, de Fouesnant à Concarneau, en passant par Douarnenez et Pont-L'Abbé, sans oublier Châteaulin et son pays glazick. Pour les accueillir dans de bonnes conditions, y compris après les spectacles (cinéma, des deux théâtres et des cafés-cabaret), le restaurant sert jusqu'à 23 h 30. En saison, le chiffre d'affaires est assuré quasiment à 100 % midi et soir par les touristes. "Si on disposait d'un peu plus de place, on pourrait servir au moins une cinquantaine de couverts supplémentaires chaque jour", constate Gérard Texier, mais comme il n'est pas possible de pousser les vieux murs...
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Un coup de foudre
Quand en 1997, Michèle et Gérard Texier tombent sur ce Café de l'Epée, c'est le coup
de foudre. Brestois, ils cherchaient une affaire dans le Sud-Finistère depuis quelque
temps. Coup de chance, le Café de l'Epée était à vendre par des propriétaires, les
Moalic, décidés à prendre une retraite bien méritée. Dans ce métier, ce n'est pas un
vain mot. L'idée de Gérard Texier est de développer à Quimper ce créneau qui avait si
bien réussi à Brest, à savoir la restauration axée essentiellement sur le poisson.
Gérard Texier aura été le premier à se lancer dans ce créneau bizarrement inexploité
dans la région, et ce, au port de commerce de Brest. Son restaurant, à l'enseigne La
Maison du Poisson, ne proposait que des plats de poisson et de fruits de mer. Le premier
restaurant thématique du genre ! Il est vrai que le port du Ponant compte plus de marins,
de guerre ou du commerce, que de pêcheurs. Une maison qui subsiste puisqu'elle a été
cédée à un autre restaurateur brestois, M. Favier.
Cuir émeraude, laiton et acajou Quand il a repris cet établissement des bords de l'Odet, Gérard Texier
n'a pas seulement investi dans les cuisines. Il a également consacré beaucoup d'argent -
il ne précise pas combien - à la rénovation des deux salles de son restaurant. Des
banquettes de cuir vert émeraude, du laiton et de l'acajou pour recréer cette ambiance
brasserie Belle Epoque qui plaît tant à la clientèle pour son côté cossu et
chaleureux, tout en gardant son âme à cette maison deux fois centenaire. En forme de
clin d'il, sur les murs, des reproductions des célèbres peintures murales de
Jean-Julien Lemordant dont les fresques originales sont aujourd'hui exposées dans une
salle particulière du musée des Beaux-Arts de Quimper. A l'entrée de la brasserie, deux
petites fresques très originales, en relief et en trompe-l'il, qui datent de 1901,
et devant lesquelles se sont extasiées nombre de célébrités, à commencer par Hervé
Bazin, Claude Chabrol, venu y tourner quelques scènes du Fantôme du chapelier, |
Rapport qualité/prix
Voilà donc à Quimper Gérard Texier dans une maison historique où la restauration avait
été abandonnée à l'époque du démantèlement de l'hôtel, trop vieillot. Plus de
cuisine ! Il en fait construire une nouvelle, et dans la foulée, rénove les deux salles
que sépare un bar traditionnel. Pari risqué ? Pas vraiment si l'on en croit l'étude de
marché qu'il avait pris soin de commander. L'intuition du commerce, c'est bien, mais
l'étude scientifique aussi. En juin 1998, l'ouverture est un succès qui se confirme de
mois en mois. Très vite, on arrive à 180 couverts par jour hors saison et à 300
l'été. Pas de recette miracle, juste une stratégie qui a fait ses preuves partout : le
meilleur rapport qualité/prix. Une formule classique à 12,20 e avec plat du jour -
toujours au choix viande ou poisson au même prix. Le patron surveille la cuisine de près
et fait les achats lui-même auprès de fournisseurs locaux selon une règle intangible :
qualité = fidélité. Pendant ce temps, son épouse ne se contente pas de tenir la caisse
; elle assure aussi toute la comptabilité. A noter que son mari n'est pas en reste pour
ce qui est de se multiplier, puisqu'il gère en même temps un second restaurant sur le
port de Bénodet, à l'enseigne de La Croisette, avec vue panoramique, ouvert midi et
soir, 7 jours sur 7 ! A un quart d'heure de voiture. De toute façon, les 35 heures,
pardon ! Les 41 heures, ce n'est pas pour les patrons. Air connu... n zzz24
18 salariés en
été, 14 l'hiver Cette brasserie doit être gérée avec beaucoup de professionnalisme. Elle tourne hors saison avec un effectif de 14 salariés et 18 collaborateurs en été. Une équipe motivée, à la tenue classique pantalon noir et chemise blanche-cravate en hiver, polo noir l'été, que le patron s'efforce de "bien payer", tout en appliquant les horaires réglementaires, à savoir 41 heures maintenant au lieu de 43 heures, et des salaires moyens, en salle comme en cuisine, autour de 1 525 e nets. "Ah, ce qui nous aiderait bien à recruter davantage et à payer de meilleurs salaires, ce serait la baisse de la TVA à 5,5 %." Comme ses confrères, Gérard Texier rencontre bien des difficultés de recrutement. Il n'est pas tendre envers l'ANPE. Pour trouver du personnel qualifié, il préfère compter sur les offres d'emploi des journaux régionaux ou professionnels comme L'Hôtellerie dont il apprécie tout particulièrement le site Internet. Pourquoi ne pas le dire ? |
Produit : le
poisson du chef Le Café de l'Epée est avant tout, malgré son nom, un restaurant. Avec ce que cela implique sinon de calme, du moins de tranquillité. Le patron a dû déployer des trésors de diplomatie pour éviter, à l'heure de l'apéro, l'essaim un peu trop bourdonnant des consommateurs agglutinés au bar. Priorité aux convives des deux salles de restaurant qui, précisément, encadrent ce bar. Sur le plan pratique, une technique qui a fait ses preuves : on enlève les tabourets ! Et quand arrive un groupe un peu bruyant, on s'excuse très poliment de "ne pouvoir servir au bar à cette heure du déjeuner, mais après...". L'après-midi, en revanche, le barman est tout sourire. Ici, le produit maison, c'est le poisson que mitonne Pierre Quinion, ancien de la Rose de France place Dauphine à Paris, un chef qui avait envie de venir respirer l'air pur et vivifiant de la pointe de la Bretagne. |
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L'Hôtellerie n° 2764 Supplément Licence IV 11 Avril 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE