Saisine à l'encontre de Accor-SNCF sur le dossier Train + Hôtel
Si la demande de mesures conservatoires a été rejetée, la saisine déposée par l'Umih Rhône à l'encontre de la SNCF et du groupe Accor, dans le cadre du partenariat Train + Hôtel, a bien été jugée recevable par le Conseil de la concurrence.
La situation évolue en faveur de l'Umih Rhône dans ce qui, à l'origine, pouvait apparaître comme une nouvelle version du combat de David contre Goliath. Afin de préserver les intérêts des hôteliers indépendants, Roland Bernard, hôtelier à Lyon et président départemental mandaté par son conseil d'administration, avait choisi de dénoncer des "atteintes à l'ordre concurrentiel" sur le marché de l'hôtellerie à travers le monopole d'Accor sur l'offre Train + Hôtel de la SNCF (1). En 10 mois, et depuis le début de 'l'affaire', la situation a singulièrement évolué avec, en premier lieu, cette décision du Conseil de la concurrence à propos de la saisine déposée par André Vianès, avocat de l'Umih Rhône. "Le 23 novembre 2001, nous demandions une décision au fond à propos d'une éventuelle pratique anticoncurrentielle à travers un abus de position dominante. Et pour accélérer l'instruction, des mesures conservatoires pour mettre fin au désordre sur le marché", précise-t-il. Le 19 mars 2002, en présence de Roland Bernard et de Laurent Duc, André Vianès a donc plaidé la cause de son client devant le Conseil de la concurrence. Comme ont pu le faire les cabinets Bredin-Prat et Latham-Wilkins défendant, respectivement, les intérêts de la SNCF et d'Accor, dont la demande de confidentialité des documents a été refusée par le conseil.
Une position dominante
"Arguant qu'il n'y avait pas de désordre causé, tous deux ont plaidé
l'irrecevabilité", dit encore André Vianès, qui, le 17 avril, a reçu la
décision n° 02-MC-05 du conseil : si la demande de mesures conservatoires (l'arrêt pur
et simple du partenariat par exemple) a été refusée (2), la saisine a bel et bien été
jugée recevable. Résumant la situation, le document est clair. A propos des marchés
concernés et la position des opérateurs, il précise par exemple que "la SNCF,
établissement public à caractère industriel et commercial, ayant pour objet d'exploiter
les services de transport ferroviaire sur le réseau ferré national, bénéficie à cet
égard d'un monopole de fait du transport des voyageurs (...). Que la SNCF se trouve en
conséquence en position dominante sur le marché du transport de personnes par voie
ferroviaire". Ou encore que "le groupe Accor, qui possède des chaînes
d'hôtels sur l'ensemble du territoire français, se présente comme le premier groupe
français de chaînes hôtelières (...)", et enfin que, "du fait du
monopole de la SNCF rappelé ainsi que de l'exclusivité accordée au groupe Accor sur la
formule Train + Hôtel, il n'est pas non plus exclu que la SNCF et le groupe Accor
disposent, sur un tel marché, d'une position dominante commune".
Puis, sur les pratiques dénoncées, et considérant que si "une entreprise en
position dominante peut légitimement défendre ses parts de marché, et même agir de
façon à les accroître, la notion d'abus vise les comportements d'une entreprise en
position dominante qui sont de nature à influencer la structure du marché", le
conseil analyse dans le détail la situation (l'interconnexion des réseaux informatiques
de la SNCF et Accor qui aurait coûté, pour 3 ans, 8 MF à la SNCF et 10 MF à Accor,
rend plus difficile l'entrée d'un concurrent potentiel) ainsi créée par l'accord du 26
mai 1999, liant les deux partenaires pour conclure qu'il "n'est pas exclu, et sous
réserve d'une instruction au fond, que la pratique dénoncée soit susceptible de
constituer une pratique prohibée par les dispositions du titre II du livre IV du Code de
commerce".Voilà qui ne manque pas d'intérêt en regard de l'action entamée et
qui relance le débat. Que peut-il désormais se passer ? Sans pouvoir fixer un calendrier
précis, l'instruction en cours va se poursuivre et peut très bien durer plusieurs mois.
C'est dire qu'en l'état actuel et parce qu'il est "difficile d'évaluer l'ampleur
du désordre sur le marché", le partenariat Train + Hôtel n'est pas remis en
cause. Mais André Vianès, considérant que "les pratiques anticoncurrentielles
ayant été mises en lumière", estime qu'il n'est "pas impossible que
l'action aboutisse à une issue favorable".
J.-F. Mesplède zzz36v
(1) On lira les articles consacrés à cette longue affaire et publiés dans L'Hôtellerie : Roland Bernard dénonce le monopole d'Accor (n° 2722 du 14 juin 2001) ; L'Umih du Rhône demande l'annulation du partenariat Accor-SNCF (n° 2727 du 19 juillet 2001) ; Annonce de saisine du Conseil de la concurrence par l'Umih Rhône (n° 2737 du 27 septembre 2001) ; Gérard Pélisson invite les indépendants au partenariat Train + Hôtel (n° 2749 du 20 décembre 2001). Tous ces articles sont consultables sur www.lhotellerie-restauration.fr
(2) Le document aboutissant au rejet de la demande de mesures conservatoires précise que, selon les éléments produits par la SNCF, le partenariat Train + Hôtel a permis pour 2001 la réservation de 97 465 nuitées en France et à l'étranger ; que, selon le groupe Accor, 80 000 à 90 000 nuitées ont été ainsi réservées en France, soit, compte tenu du taux moyen de défection, de 69 700 à 76 500 nuitées réellement consommées. Il en résulte donc que, sur les 120 740 908 nuitées vendues en France cette même année, le taux de réservations obtenu par l'intermédiaire de la formule Train + Hôtel est de 0,03 à 0,07 %, et représente de 0,35 à 0,40 % des nuitées vendues en France par les enseignes du groupe Accor. "Aucun élément produit au dossier ne permet de penser que, du fait de cette formule, le marché de l'hôtellerie ou le marché de l'offre groupée d'un trajet en train et d'une chambre d'hôtel, s'il existe, connaîtrait des difficultés pouvant être qualifiées de graves et immédiates."
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L'Hôtellerie n° 2768 Hebdo 9 Mai 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE