Depuis 35 ans aux cuisines du Hilton Brussels
Le 17 décembre 2001, SE M. Rummelhardt, ambassadeur de France auprès du roi des Belges, a fait du chef français Michel Theurel, chevalier des Arts et des Lettres.
Michel Theurel reçoit la médaille de chevalier des Arts et des Lettres des mains
de SE M. Rummelhardt, ambassadeur de France auprès du roi des Belges.
Il regarde la médaille à
son revers de veston d'un air légèrement inquiet, voire incrédule, reçoit l'accolade
comme si elle était donnée à quelqu'un d'autre, et monte sur le podium répondre aux
discours de louanges prononcé un instant auparavant par l'ambassadeur de France. Là, ce
gaillard plutôt solide et impavide craque très vite en évoquant sa famille, qu'un deuil
trop récent et insupportable a frappée. Puis il parle de son métier et reprend vite du
poil de la bête. En pleine forme. Jamais on ne dirait que le chef Theurel quitte
définitivement cette maison sur laquelle il règne sans partage depuis des dizaines
d'années. Après des débuts dans la région lyonnaise, Michel a en effet posé son sac
(qu'il s'est d'ailleurs fait voler aussitôt ce jour-là), voici 35 ans au Hilton du
boulevard de Waterloo. Il quitte une restauration d'hôtel en plein boom. 50 personnes
dans la brigade, quelque 1 500 repas servis chaque jour entre les espaces banquet, la
Maison du Buf et son inamovible macaron Michelin, un chiffre d'affaires de
l'ordre de 5,5 millions d'euros par mois, et surtout, un chef qui, jusqu'à présent,
n'est pas discuté par la direction de l'hôtel. Theurel l'innovateur a ouvert la porte
des restaurants de grands hôtels à la clientèle de ville. Or, affirme-t-il, "la
clientèle belge est la meilleure du monde". A sa suite, une bonne demi-douzaine
d'autres hôtels bruxellois ont donné leur chance à leur chef. Les étoiles sont là,
deux au Radisson SAS par exemple, ou toutes proches.
"J'ai vu passer beaucoup de general managers, j'ai toujours fait ce que je voulais",
assène-t-il. Il a quand même fallu que l'un d'entre eux lui mette le pied à l'étrier.
Tout décolle vraiment quand William Sprokkreef, GM il y a une grande décennie et demi,
lui fait confiance et persuade la chaîne d'investir dans un outil, des locaux, une
équipe, et de hausser le niveau du restaurant. Invraisemblable dans une chaîne
anglo-saxonne ?
Un lieu accessible
"Non, personne ne vous critique si le résultat est bénéficiaire au bout du
compte, répond-il. Il est difficile de juger notre rentabilité exacte car les frais de
structure et d'investissements sont partagés par toute l'entreprise. Mais nos ratios de
food cost (29,30 % du CA) et de personnel (42 %) sont excellents. Or, la qualité du
restaurant gastronomique est le porte-drapeau de l'hôtel." Bien des clients
viennent loger ici à cause de la renommée du restaurant. Ce n'est pas un établissement
confidentiel et inaccessible, mais un lieu chaud et assez grand, accessible au premier
étage en traversant le lobby par un escalier qui montre clairement qu'on y est le
bienvenu. Les premiers prix sont très abordables, et le nombre de tables allié à la
force de la brigade permet de réaliser près de 80 couverts par service. Ensuite, la
qualité des équipes permet de réaliser du très bon banquet à des prix très
compétitifs ou du banquet de grand luxe. Et le Café d'Egmont sert de bons repas à prix
de brasserie, mais toujours avec la même qualité de brigade aux fourneaux. C'est
l'ensemble qui est rentable et valorise l'hébergement.
Appel aux jeunes
Le vrai secret de Michel Theurel, outre sa compétence, sa créativité et sa rigueur de
chef de cuisine, ce sont ses talents de manager de grandes équipes et de grands volumes
alliés à la qualité. C'est pouvoir obtenir les meilleurs produits en grande quantité
à bon prix. C'est gérer la complexité de pareille machinerie.
Michel Theurel a formé de très nombreux jeunes qui sont aujourd'hui chefs dans le monde
entier. Il conseille fortement cette carrière aux jeunes. C'était sa principale
préoccupation de fondateur de l'Executive chefs club, les chefs étant toujours à la
recherche de talents. "On apprend tout, on fait tout avec de grands moyens dans
une cuisine d'hôtel international, depuis le terroir du lieu jusqu'à la cuisine de
l'autre bout de la terre, en passant par la vénérable tradition française et la
diététique. On apprend forcément la gestion, les achats, l'équipe." Le
successeur de Michel Theurel est français aussi. Il se nomme Jacky Chartier, et a vécu
aux côtés du maître pendant 20 ans. Même en Belgique, pays d'écoles hôtelières de
premier plan, le cuisinier français se vend encore bien.
A. Simoneau zzz22v zzz36i
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L'Hôtellerie n° 2773 Hebdo13 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE