En marge d'un rassemblement international visant à dénoncer de multiples aspects de la politique de l'Union européenne, des manifestants s'en sont pris à 5 hôtels strasbourgeois du groupe Accor. Ils voulaient ainsi affirmer leur solidarité avec des femmes de chambre en conflit dans la région parisienne avec Arcade, entreprise sous-traitante du groupe.
Des petits groupes d'individus
cagoulés ont fait irruption dans les halls de 3 hôtels Ibis et de 2 Mercure à
Strasbourg. En quelques minutes, ils ont couvert les murs d'inscriptions, cassé divers
objets et lancé des tracts dénonçant les conditions de vie et de travail des femmes de
ménage émigrées employées en région parisienne par Arcade, entreprise sous-traitante
du groupe.
Ces incidents se sont produits lundi 22 juillet, en marge d'un rassemblement international
baptisé 'No Border' (sans frontières) qui, durant une semaine, a multiplié
manifestations et colloques contre les politiques de l'Union européenne en matière
d'émigration et de police. La chaîne hôtelière n'a pas constitué la seule cible d'une
partie des manifestants qui s'en sont aussi pris à des édifices publics et à des
banques. "Nous ne sommes pas des syndicalistes limités à des préoccupations
corporatistes, mais des 'mondialistes'. Nous dénonçons une mondialisation construite sur
le dos des plus pauvres. Le groupe Accor, comme les banques, profitent directement ou
indirectement de travailleuses émigrées en situation difficile pour les faire travailler
dans des conditions précaires", proclame un militant de No Border.
Rendez-vous au ministère de l'Intérieur"Il ne faudrait pas que la profession soit prise entre deux feux, à la fois
cible des contestataires et des voyous, et considérée comme un bouc émissaire par les
autorités pour les problèmes d'alcoolisme et de drogue", affirme Jean-Louis
Clauss. |
Des avis partagés
De son côté, le groupe Accor qui a porté plainte, rétorque : "Nous sommes
victimes de la réputation de notre groupe international. Nos établissements
strasbourgeois ont été visés à tort, car il n'y a aucun conflit social. Nos agresseurs
faisaient allusion à un problème qui, en région parisienne, oppose l'un de nos
sous-traitants, Arcade, et quelques-uns de ses salariés." Le campement de No
Border est implanté au pont du Rhin et regroupe environ 2 000 personnes venues
principalement d'Allemagne, de Hollande, de Suisse, d'Italie et d'Espagne. Les
interlocuteurs de L'Hôtellerie invoquent des principes éthiques. "Strasbourg,
avec ses institutions européennes et la présence de groupes symboles du capitalisme,
nous permet de mettre le doigt sur les problèmes de la société que nous contestons",
affirme un militant. Il présente un campement rigoureusement organisé et calme en dépit
de l'absence de toute hiérarchie apparente. Les manifestations ne constituent qu'une
petite partie des multiples activités de cette étrange université d'été. La vaste
palette des courants de pensée, allant de l'écologie à l'anarchisme en passant par le
féminisme et la défense des minorités, empêche de cataloguer ce mouvement qui échappe
à toutes les règles de la politique traditionnelle. Le mouvement compte en son sein des
représentants de toutes les catégories sociales - étudiants, médecins, ouvriers et
artisans - qui ne reconnaissent comme référence commune que le terme vague
'd'anticapitalistes'. En dépit des violences unanimement fustigées, cafetiers et
hôteliers travaillant à proximité du campement expriment des avis nuancés. "Ce
sont des jeunes polis, gentils, serviables qui réfléchissent aux problèmes de la
société. Je ne suis pas d'accord avec les méthodes des plus extrémistes, mais s'ils
avaient été mieux accueillis par les autorités, peut-être y aurait-il eu moins de
problèmes", constate le gérant de la brasserie Le Pavillon d'Accueil. Avec 26
cambriolages en 15 ans, le cafetier subit régulièrement une autre forme de délinquance
qui le choque plus que les actions perpétrées par les plus radicaux de ses voisins. La
municipalité de Strasbourg qui, dès le premier jour a condamné le rassemblement, a
demandé le renforcement des effectifs de CRS et demandé au préfet de prendre des
arrêtés interdisant les manifestations.
O. Berthelin zzz16
Condamnations et inquiétude des responsables professionnels |
Jean-Louis Clauss, président départemental du groupement professionnel des hôteliers, restaurateurs et débitants de boissons, qui sera reçu à l'automne par le ministère de l'Intérieur pour faire le point sur les problèmes d'insécurité, condamne fermement les incidents du 22 juillet : "Quelle que soit l'obédience de ceux qui les ont commis, ces actes de violence à l'égard d'hôtels sont inadmissibles et augmentent le sentiment d'insécurité des professionnels qui, pour la plupart, ne sont pas des représentants du grand capital dénoncé par les activistes." Bien que les hôteliers strasbourgeois n'aient pas enregistré de conséquences directes du rassemblement No Border sur la fréquentation de leurs établissements, ils craignent de devenir les cibles de conflits idéologiques. "La profession vit dans la crainte d'être prise pour cible sous prétexte que nous symbolisons le luxe. Nous ne pouvons admettre que l'on s'attaque à nos outils de travail et nos collaborateurs. Ce type d'actions peut avoir des conséquences négatives sur l'emploi si les clients se mettent à craindre de fréquenter nos établissements. Des agressions ne sont certes pas la manière la plus efficace de soutenir des femmes de ménage. Les conditions de travail et de rémunération chez Accor ne comptent pas parmi les plus mauvaises", remarque Jean-Louis Clauss. Le responsable hôtelier précise que depuis 1977, les salariés alsaciens sont les seuls en France à bénéficier d'un régime complémentaire maladie, et que le dialogue social ne connaît pas de conflits majeurs dans la région. "Les salariés de l'industrie hôtelière en Alsace se révèlent particulièrement souples. Notre syndicat a pu négocier sans grandes difficultés de nombreux accords de réduction du temps de travail. Seul le secteur des chaînes de la restauration rapide connaît des conflits importants", constate Philippe Louis, secrétaire général de la CFTC. "Depuis 15 ans, les conditions de travail se sont considérablement améliorées. A présent, si nous voulons fidéliser nos collaborateurs, il nous faut donner un coup de pouce significatif aux salaires", annonce Jean-Louis Clauss. Le président des professionnels alsaciens insiste sur le fait que de bonnes conditions sociales peuvent améliorer l'image de la profession, et susciter parmi les jeunes des vocations qui permettront de résoudre le problème crucial du recrutement de personnel qualifié. zzz16 |
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L'Hôtellerie n° 2780 Hebdo 1er Août 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE