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À LA LOUPE

Jean-Pierre Xiradakis

AUTHENTIQUEMENT SUD-OUEST ! 

La défense et la sauvegarde des traditions gastronomiques du Sud-Ouest, Jean-Pierre Xiradakis en a fait son cheval de bataille. Après le succès de La Tupina, créé il y a 33 ans, celui qui fait chanter le terroir veut faire danser sa rue. Il s'est mis en tête de ressusciter les commerces traditionnels du quartier. Bar-Cave, épicerie, boulangerie, rue Porte de la Monnaie à Bordeaux, la dynamique est enclenchée.

Créée en 1968, et qui plus est en mai, par un jeune homme de 23 ans, inconscient mais déterminé qui avait acheté au numéro 8 un vieux bistrot à l'abandon pour 107 e. 26 ans plus tard, La Tupina était consacrée par le Herald Tribune 2e Meilleur bistrot du Monde. Référencé par tous les tours-opérateurs, présent sur tous les guides, La Tupina est devenue au fil des ans l'étape incontournable pour qui souhaite manger authentiquement Sud-Ouest, dans un cadre non moins authentiquement restitué. Dès l'entrée, dans la grande cheminée, la garbure mijote dans son énorme chaudron (d'ailleurs Tupina signifie chaudron dans le pays basque). Les ancêtres sur papier glacé couleur sépias veillent au grain. Les odeurs aiguisent vos papilles. Tout ici signe une époque révolue, mais remise au goût du jour avant la mode par Jean-Pierre Xiradakis.
L'échange, le plaisir partagé sont des mots qui reviennent souvent à la bouche de cet épicurien insatiable. Alors rien de plus surprenant qu'après la sauvegarde des traditions gastronomiques du Sud-Ouest, il en soit arrivé à la sauvegarde de la vie de quartier.

Dès qu'un commerce ferme dans la rue, il achète
"Lorsque je me suis installé ici, la rue était animée par 18 commerces. Malheureusement l'environnement a vieilli, la population a déserté ou ne s'est pas renouvelée, et les commerces ont fermé les uns après les autres." Entre être spectateur de ce naufrage annoncé et être acteur de sa renaissance, Xiradakis a choisi. Dès qu'un commerce ferme, il achète.
C'est ainsi qu'au 34, rue Porte de la Monnaie, ce qui faillit être un bar de nuit est devenu un bar de quartier sous le nom de Bar-Cave. Ouvert tous les jours (excepté le dimanche), ce lieu anime la rue, et renoue avec des habitudes oubliées comme l'achat de vin à la tireuse ou en bouteille. A l'heure de l'apéritif, on prend un verre de Blanc limé, mélange de vin blanc et de limonade mis au point par Xiradakis et Jean-Paul Lafragette, et dont le nom a été déposé à l'INPI.
Quelques mois plus tard, en face ou presque de La Tupina, au numéro 3, l'épicerie du couple Freudon qui, durant 70 ans, tenait ce commerce de quartier et dormait dans l'arrière-boutique, est devenue Au Comestible. Rien n'a changé sur les étals ou presque. On y trouve tout le nécessaire, du dentifrice à la lessive en passant par quelques légumes et fruits et des conserves. Mais les us et coutumes changeants, on y trouve aussi les grandes spécialités du Sud-Ouest : fromage de brebis d'Itxassou, grenier Médocain et à la saison, les asperges de Blaye, les tomates de Marmande, la truffe du Périgord, les radis de Bègles... Côté décor, comme à La Tupina, les détails sont soignés : balance Agostini Berkel et ses poids en cuivre, plaques publicitaires en fer blanc, paniers en osier... Dans l'arrière-boutique, près de la cheminée, une table d'hôte, de douze couverts maximums, invite à des repas familiaux autour de plats comme la poule au pot.
L'ouverture, toujours dans la même rue au numéro 22, d'une boulangerie est une question de mois. Ici encore, il s'agira d'une boulangerie de quartier traditionnelle avec son petit plus puisqu'il sera possible de s'y restaurer. Et Xira de remarquer : "Aujourd'hui les habitants du quartier, dont beaucoup de jeunes, ont un autre regard sur la Tupina. Avant, on me croisait avec le nez dans ses godasses. Maintenant, on me serre la main, on me tutoie, on sent un véritable changement. Et puis j'ai une grande satisfaction. Du Bar-Cave les gens passent à La Tupina". Bref, la glace s'est brisée.
B. Ducasse

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L'Hôtellerie n° 2787 Hebdo 19 Septembre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE