"Que doit-on enseigner
dans les écoles hôtelières est en effet une réflexion que mes collègues et moi menons
avec passion. Plusieurs axes conduisent aujourd'hui à modérer les ardeurs destructrices
de mon honorable interlocuteur. En premier lieu, il y a l'existence, dans toutes les
formations de ce que j'appelle 'les actions prétextes'.
Ce sont ces morceaux de culture, de connaissances, qui ne sont pas directement liés à
l'apprentissage d'un métier, mais qui permettent par leur biais de former une
intelligence, une réflexion sur son futur métier et ce que l'on veut en faire. A quoi
sert aux élèves de bac littéraire de savoir résoudre une équation à 2 inconnues ?
Acquérir des gestes fins
Savoir découper une orange ou un carré de veau est un prétexte également. Cela permet
d'acquérir des gestes fins, une certaine élégance qui fait qu'un de nos élèves a ce
petit plus qu'apprécient les clients de restaurant.
Cela complique également l'exécution d'un service en salle. Ainsi, les élèves doivent
en permanence mener une réflexion qu'ils peuvent ensuite transférer dans le milieu
professionnel. Mon objectif, en tant que professeur de restaurant, est de faire du
personnel de salle actif et logique et non de simples exécutants robotisés.
Enfin, concernant les activités en salle, il s'agit aussi de transmettre une culture, un
savoir, acquis au cours des siècles de ce métier. Jetons aux orties tout ce pan de notre
métier, et nous pourrons ainsi fermer les sections en salle de nos écoles hôtelières
et les professionnels pourront embaucher des BEP, bac pro ou BTS force de vente et le
problème sera résolu.
Je crois que mon honorable interlocuteur se trompe quand il dit que la formation actuelle
est cause de la désertion des jeunes pour les sections service en salle.
Plusieurs changements sociologiques sont apparus ces 10 dernières années dans notre
société. Peut-être que la tour d'ivoire de l'université ne permet pas de les 'sentir'.
Les générations actuelles sont élevées dans un monde où l'adulte doit disparaître le
plus tôt possible de leur existence. (radios et télés spécialisées, repas de famille
évités, repas individuels, autonomie précoce...). 'L'étranger' faisant peur, nos
jeunes craignent la rencontre avec l'adulte. Or, rester 10 minutes devant une table pour
exécuter un découpage oblige à un contact. Voilà un autre prétexte !
Ascenseur social
Nos écoles hôtelières s'ouvrent de plus en plus aux milieux les plus populaires dans
leur recrutement et c'est tant mieux. Si nous ne leur montrons pas ce qui fait 'les autres
mondes', ne sommes-nous pas coupables alors de mettre en panne l'ascenseur social qui fait
les vertus de notre école républicaine et laïque ?
Je reste d'accord avec M. Cinotti en ce qui concerne les critères d'évaluation de nos
diplômes. Refuser un examen à un élève parce que les suprêmes d'orange n'ont pas la
forme standard est une aberration. Mais pourquoi les supprimer.
D'accord également pour les techniques qu'il propose d'approfondir. Mais qui niera la
qualité d'un serveur qui sait accueillir un client japonais en sachant de plus exécuter
des rognons à la Baugé ?
La cuisine en salle appartient au passé ! Mais alors, pourquoi nos plus grands chefs
accueillent-ils leurs clients privilégiés dans leurs offices plutôt qu'en salle,
pourquoi les cuisines sont-elles ouvertes sur la salle de restaurant ?" zzz68v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2804 Hebdo 16 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE