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FORMATION

"Former une intelligence"
THIERRY MORISSET, professeur stagiaire au lycée professionnel de Mazamet.

"Que doit-on enseigner dans les écoles hôtelières est en effet une réflexion que mes collègues et moi menons avec passion. Plusieurs axes conduisent aujourd'hui à modérer les ardeurs destructrices de mon honorable interlocuteur. En premier lieu, il y a l'existence, dans toutes les formations de ce que j'appelle 'les actions prétextes'.
Ce sont ces morceaux de culture, de connaissances, qui ne sont pas directement liés à l'apprentissage d'un métier, mais qui permettent par leur biais de former une intelligence, une réflexion sur son futur métier et ce que l'on veut en faire. A quoi sert aux élèves de bac littéraire de savoir résoudre une équation à 2 inconnues ?  

Acquérir des gestes fins
Savoir découper une orange ou un carré de veau est un prétexte également. Cela permet d'acquérir des gestes fins, une certaine élégance qui fait qu'un de nos élèves a ce petit plus qu'apprécient les clients de restaurant.
Cela complique également l'exécution d'un service en salle. Ainsi, les élèves doivent en permanence mener une réflexion qu'ils peuvent ensuite transférer dans le milieu professionnel. Mon objectif, en tant que professeur de restaurant, est de faire du personnel de salle actif et logique et non de simples exécutants robotisés.
Enfin, concernant les activités en salle, il s'agit aussi de transmettre une culture, un savoir, acquis au cours des siècles de ce métier. Jetons aux orties tout ce pan de notre métier, et nous pourrons ainsi fermer les sections en salle de nos écoles hôtelières et les professionnels pourront embaucher des BEP, bac pro ou BTS force de vente et le problème sera résolu.
Je crois que mon honorable interlocuteur se trompe quand il dit que la formation actuelle est cause de la désertion des jeunes pour les sections service en salle.
Plusieurs changements sociologiques sont apparus ces 10 dernières années dans notre société. Peut-être que la tour d'ivoire de l'université ne permet pas de les 'sentir'. Les générations actuelles sont élevées dans un monde où l'adulte doit disparaître le plus tôt possible de leur existence. (radios et télés spécialisées, repas de famille évités, repas individuels, autonomie précoce...). 'L'étranger' faisant peur, nos jeunes craignent la rencontre avec l'adulte. Or, rester 10 minutes devant une table pour exécuter un découpage oblige à un contact. Voilà un autre prétexte !

Ascenseur social
Nos écoles hôtelières s'ouvrent de plus en plus aux milieux les plus populaires dans leur recrutement et c'est tant mieux. Si nous ne leur montrons pas ce qui fait 'les autres mondes', ne sommes-nous pas coupables alors de mettre en panne l'ascenseur social qui fait les vertus de notre école républicaine et laïque ?
Je reste d'accord avec M. Cinotti en ce qui concerne les critères d'évaluation de nos diplômes. Refuser un examen à un élève parce que les suprêmes d'orange n'ont pas la forme standard est une aberration. Mais pourquoi les supprimer.
D'accord également pour les techniques qu'il propose d'approfondir. Mais qui niera la qualité d'un serveur qui sait accueillir un client japonais en sachant de plus exécuter des rognons à la Baugé ?
La cuisine en salle appartient au passé ! Mais alors, pourquoi nos plus grands chefs accueillent-ils leurs clients privilégiés dans leurs offices plutôt qu'en salle, pourquoi les cuisines sont-elles ouvertes sur la salle de restaurant ?" zzz68v

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L'Hôtellerie Restauration n° 2804 Hebdo 16 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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