"Une fois encore, les
propos de Monsieur Cinotti publiés dans votre numéro 2799 du 12 décembre dernier, ne
peuvent pas laisser indifférent. En premier lieu, Monsieur Cinotti fustige tout à la
fois programmes d'enseignement et sujets d'examens. Sait-il que les programmes, inscrits
dans les référentiels qui préparent aux différents niveaux de la formation, sont des
textes officiels - arrêtés et décrets - rédigés par les membres de commissions
spécialisées, composées à parité de représentants de la profession, de conseillers
de l'enseignement technologique et d'enseignants ?
Les contenus des sujets d'examens sont critiquables, soit ; ils sont rédigés, eux aussi,
en commissions composées d'enseignants et, habituellement, de représentants de la
profession, sous le contrôle du corps d'inspection avec le souci d'appliquer les
règlements. C'est le principe même de l'égalité des chances.
Lorsqu'on est soi-même fonctionnaire, ce sont des constantes élémentaires qu'il
convient normalement de connaître et de respecter.
Motivation et passion
Pour avoir eu personnellement, l'an dernier, le bonheur d'être choisi par
l'administration pour participer à un des premiers séminaires, organisé conjointement
par Alain Ducasse Formation et le ministère de l'Education nationale, sous l'égide de
l'Inspection générale et du Cerpet, j'ai retenu les points suivants : pour inciter les
jeunes à se tourner vers une activité, il faut que leur choix soit motivé ;
l'excellence est un des moteurs de la motivation, il contribue à faire naître la
passion.
Chacun sait bien que 5 % à peine de nos élèves feront carrière dans l'hôtellerie et
la restauration de luxe. Les pilotes de Formule 1, les grands footballeurs professionnels,
les as du patinage artistique... sont peu nombreux et pourtant ! C'est l'image de leur
passion et de leur réussite qui fait naître des vocations. Leur réussite, ne la
doivent-ils pas, chacun dans sa spécialité, à la connaissance technique, au plus haut
niveau et au travail permanent et acharné pour en maîtriser toutes les particularités ?
S'il est vrai qu'aujourd'hui une des priorités est donnée à l'accueil et aux
techniques de communication, ce n'est pas l'apanage des seuls métiers de la restauration.
Ces exigences existent partout, par exemple dans les métiers de la banque où l'on
demande aux employés des guichets de sérieuses qualités relationnelles, mais on exige
d'eux qu'ils sachent aussi gérer des comptes ; imaginons également le cas d'un garagiste
capable de discourir aimablement avec ses clients et qui ne saurait pas regarder sous le
capot des voitures !
Le discours de Monsieur Cinotti était peut-être de mise au siècle dernier. A l'époque,
nous attendions la venue des pilules et autres succédanés censés remplacer notre
nourriture traditionnelle. A l'époque, un grand groupe hôtelier international a
tellement fait savoir que l'avenir du métier était dans les mains de nos élèves qui
sauraient devenir des gestionnaires, que les programmes de formation se sont étoffés -
ce qui n'est pas un mal en soi - avec l'enseignement renforcé des techniques de gestion.
En même temps, les horaires hebdomadaires n'étant pas extensibles, ce sont les
enseignements des gestes professionnels qui ont été repensés.
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les dirigeants de ce même groupe parcourent la France et
nos écoles hôtelières pour demander le renforcement des enseignements des techniques
professionnelles, la création de formations de niveau V (CAP - BEP) et même des
formations spécifiques de 'veilleurs de nuit' ; ils se font flatteurs - ou menaçants -
pour que nous y affections nos élèves en stages.
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les restaurateurs se liguent pour que les pouvoirs publics
leur reconnaissent des statuts d'artisans, fiers qu'ils sont de prouver qu'ils savent,
toujours et encore, maîtriser les techniques professionnelles qui font la différence
entre un restaurateur et un 'épicier' marchand de repas industriels.
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les candidats aux concours professionnels, de tous niveaux,
organisés aussi bien dans les écoles que dans la profession, ont toujours la même soif
de briller lors des épreuves techniques, dans toutes les spécialités de notre métier.
C'est peut-être là que réside l'ambiguïté du message que Monsieur Cinotti essaye de
faire passer : sujets d'examens ou sujets de concours ? Sait-il que pour l'obtention des
diplômes de niveau V, dans la validation des savoir-être et des savoir-faire, il n'est
plus question d'examen, pas plus que de sujet ?
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les candidats sont évalués selon des critères précis
validés par les professionnels, au cours de séances normales de travaux pratiques,
réalisées pour une part à l'école, pour l'autre dans l'entreprise.
Pour le baccalauréat technologique, les épreuves professionnelles sont tellement
raccourcies qu'elles prennent le style d'une réalisation et d'un service 'brasserie',
mais le temps est utilisé pour créer d'autres épreuves : communication orale ou
écrite, argumentation, commentaires, comptes rendus d'activités professionnelles... sont
les nouveaux thèmes donnant lieu à notation.
Les techniques traitées lors des épreuves du baccalauréat professionnel sont plus
ardues, c'est vrai, mais elles correspondent au niveau des exigences fixées par la
profession ; c'est plus vers la méthode d'organisation du travail et sur la conduite des
commis que sont fixés les critères de notation.
Quant au BTS qui sanctionne parfois jusqu'à 6 années de formation dans nos écoles
hôtelières (même d'avantage), si les évaluations des candidats de l'option A
(mercatique et gestion hôtelière), pour la partie pratique, font la part belle aux
prestations orales, les sujets conçus pour les candidats de l'option B (arts culinaires,
arts de la table et du service) sont quand même en rapport avec le niveau de la
formation.
Dextérité enviée
Enfin, s'il est vrai que le débarrassage 'académique' de 6 assiettes à potage est
aujourd'hui professionnellement suranné, il n'y a aucun mal à inculquer quelques
principes fondamentaux de dextérité aux jeunes que nous avons en formation.
Actuellement, notre ministre de l'Education nationale, Monsieur Luc Ferry, entreprend un
grand chantier. Avec ses collaborateurs, il souhaite redynamiser l'enseignement profes-
sionnel. C'est une de ses priorités. Nul doute que nos formations, avec leurs gestes
techniques recopiés dans le monde entier - ah ! Les crêpes Suzette à Ho Chi Minh, la
côte de buf tranchée sur l'os à Mexico, la sole meunière filetée dans les
règles à Djerba, et le service en gants blancs... - ont encore un bel avenir.
En conclusion, je citerai un de nos anciens élèves, Pascal Muller (promotion 1983),
directeur des opérations des hôtels IFA (pour l'Europe) : "Alors, pour tous les
futurs diplômés qui sortiront de l'école hôtelière, je voudrais rappeler ceci : plus
important que l'aspect théorique, plus dur encore que l'aspect pratique, nous avons à
chaque instant le client qui juge la relation qualité/prix de notre prestation. Il
possède le pouvoir d'assurer ou non la pérennité de l'entreprise. A nous de nous
remettre quotidiennement en cause afin de satisfaire ses exigences". zzz68v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2804 Hebdo 16 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE