Trente ans déjà qu'avec 2 étoiles chez Léon de Lyon et ses Bistrots de Cuisiniers essaimés en ville, le Petit Léon - comme l'avaient affectueusement baptisé les copains du paternel - joue un rôle important à Lyon.
Propos recueillis par J.-F. Mesplède
Au printemps dernier, Jean-Paul Lacombe a fait ses comptes : il a désormais passé plus de temps que son père Paul - brutalement décédé en avril 1972 - dans cet établissement acquis par ses parents en 1949 où il est né et a grandi !
1972 : Le retour
"En février 1972, j'étais commis chez Lasserre lorsque mon père, fatigué et
marqué par un très long contrôle fiscal, m'a demandé de revenir à ses côtés. En
septembre, je devais prendre une place chez Maxim's, mais je suis rentré à la maison,
étoilée au Michelin depuis 1955." Paul Lacombe meurt brutalement le 29
avril 1972. Gisèle son épouse, Jean-Paul et Michèle ses enfants acceptent alors "sous
réserve d'inventaire" une lourde succession, et prennent les rênes d'une maison
un peu désertée par la clientèle et mise en vente. Fidèles amis de Paul Lacombe, Paul
Bocuse, Christian Bourillot et Gérard Nandron se disent prêts à un éventuel rachat, et
soutiennent sans réserve un jeune chef turbulent de 23 ans. "Passer d'une
situation où j'avais le Smic et un Solex à celle d'un chef de cuisine et d'entreprise
d'une quinzaine de salariés n'était pas évident. Un véritable esprit de famille nous a
permis de sauver Léon de Lyon."
1974 : Le Bistrot de Lyon
Deux ans après son retour à la maison, Jean-Paul Lacombe ouvre le Bistrot de Lyon. Pour
faire la fête avec ses copains et oublier la pression du restaurant étoilé, il
s'associe à Jean-Claude Caro et investit la rue Mercière, très proche de la rue
Pléney, mais peu fréquentable à l'époque.
Précurseur et visionnaire ? "Il est flatteur d'être considéré comme le
premier, mais l'influence de Jacques Lacombe, installé à Cologny près de Genève, a dû
jouer. Sur la volonté de sa commune, ce grand ami de mon père avait ouvert un bistrot de
village à côté de son restaurant gastronomique. Dans mon nouvel habit, je me sentais
dans un carcan, et j'avais besoin de rigoler, et j'ai simplement cherché une
échappatoire. Cela ne s'est jamais fait au détriment de la maison mère où je
m'imposais d'être là tous les jours. A Lyon, j'étais le premier à ouvrir un bistrot de
chef étoilé. J'ai été aussi, quelques années plus tard, le premier à associer
certains de mes collaborateurs à mes affaires."
1978 : 2 étoiles
Six ans après son retour, le Guide Michelin offre une deuxième étoile à un
jeune chef de 29 ans. C'est bon aussi pour Lyon où Léon de Lyon est le seul à ce niveau
parmi une quinzaine d'établissements. "Je n'en avais pas fait un objectif.
J'avais fait une carte en 3 volets : tradition lyonnaise avec les produits régionaux,
retour du marché et desserts de saison."
Et Lyon ? "Un passage difficile. On n'échappait pas à un vent de nouvelle
cuisine qui soufflait très fort. C'était alors très bien vu d'accrocher son nom sur la
façade : nous avons toujours conservé Léon de Lyon." zz
1992 : Rose et Gris
Acquisition du Bistrot du Palais avec Olivier Belval, associé, mais perte de la deuxième
étoile pour Léon de Lyon. Jean-Paul Lacombe prend des mesures : il retourne aux
fourneaux, remplace 25 de ses 30 salariés, mais maintient les importants travaux
programmés pour le restaurant. "Nous n'aurions jamais pu progresser sans prendre
le local contigu au restaurant où nous avions installé la cuisine en 1978. Là encore,
il nous fallait grandir, et malgré la sanction à laquelle je ne m'attendais pas du tout,
nous avons maintenu nos projets. L'incidence de la perte d'une étoile n'a pas été celle
que l'on indique parfois."
Et Lyon ? "Difficile. Bocuse toujours au sommet, mais Orsi et Lacombe passent de 2
à 1 étoile. Les maisons étoilées se comptant sur les doigts des deux mains, il fallait
se remettre en question."
1994 : Le retour II
Deux ans après sa disgrâce, Léon de Lyon retrouve ses étoiles. Désormais le mieux
noté en ville, le restaurant reste le seul à ce niveau jusqu'à l'avènement de
l'Auberge de l'Ile de Jean-Christophe Ansanay-Alex en mars 2002.
"J'ai ressenti une légitime fierté. Il n'y avait à mes yeux qu'une seule
responsabilité : la cuisine, où l'on s'était peut-être endormi. Entre 1978 et 1994,
c'était le jour et la nuit : si nous avions toujours une maison de province sentant bon
la cire, le niveau des prestations offertes et demandées a considérablement
évolué."
2003 : L'extension
Avec l'appui efficace de Fabienne, épouse et collaboratrice depuis 15 ans, Jean-Paul
Lacombe veut aller plus loin. Ses Bistrots de Cuisiniers vont partir à la conquête de
nouveaux territoires.
"Nous ne voulons pas brûler les étapes. Chaque fois nous sommes allés lentement
en prenant possession, en agrandissant pour répondre à la demande et en basant notre
action sur 3 valeurs sûres : sérieux, rigueur et professionnalisme."
Et Lyon ? "Il nous manque encore la clientèle internationale, mais ce qui se
passe aujourd'hui est énorme avec des ouvertures à foison. C'est un vrai bouillonnement
avec une offre très complète. Il y a de la place pour tout le monde, mais la clientèle
n'est pas extensible et justifie notre envie d'aller voir ailleurs." zzz22vz
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
Rechercher un article : Cliquez ici
L'Hôtellerie Restauration n° 2805 Hebdo 23 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE