Rares sont les modifications du Code des débits de boissons, désormais intégré au Code de la santé publique. Le tout récent amendement Mariani-Diard montre pourtant que les choses peuvent parfois bouger. Peut-on, aujourd'hui, imaginer un nettoyage en profondeur du code ? Où en sont les relations avec la police, la gendarmerie ? Questions à Jean-Louis Clauss, président de la Fédération nationale des cafés, brasseries et discothèques (FNCBD), au sein de l'Umih.
Propos recueillis par S. Soubes
Jean-Louis Clauss.
L'Hôtellerie : Que pensez-vous du récent
amendement Mariani-Diard ? Jusqu'où peut-il être un rempart aux excès administratifs ?
L'Umih estime qu'il "concilie sécurité et présomption d'innocence".
Pouvez-vous revenir sur cette notion ?
Jean-Louis Clauss : Cet amendement clarifie le droit
applicable aux fermetures administratives des débits de boissons. Pour la première fois,
l'épée de Damoclès qui pèse sur les établissements, bien qu'elle existe toujours, est
remise en cause. Cela ne va pas résoudre tous les problèmes, mais la présomption
d'innocence à laquelle tout citoyen a droit commence à être reconnue aux exploitants de
débits de boissons. Ne pas être condamné avant d'être jugé est un droit qui est aussi
celui des professionnels. Une fermeture trop longue entraîne souvent la faillite et la
perte d'exploitation avec des licenciements. Le préjudice est immense pour les salariés
et pour l'activité économique et sociale du quartier ou de la zone rurale. La mesure de
fermeture justifiée par des motifs de police administrative est désormais limitée à 2
mois et non plus à 6 mois. C'est un pas en avant. Bien entendu, lorsque la sécurité est
menacée, c'est-à-dire quand l'atteinte à l'ordre public prend la forme d'actes
criminels et délictueux de droit commun, le préfet a toujours le droit de procéder à
la fermeture d'un établissement pour 6 mois. La sécurité est donc sauvegardée. Et
c'est ce que nous voulons pour l'intérêt des professionnels et de leurs clients.
L'Hôtellerie : Comment, selon vous, cet
amendement a-t-il pu aboutir ? Y a-t-il beaucoup d'autres députés capables d'aller si
loin ? Quels sont les autres articles qu'il vous paraît urgent de modifier ? Comment
comptez-vous y parvenir ?
Jean-Louis Clauss : Cet amendement a pu aboutir grâce
à un travail de concertation fructueux entre l'Umih, le ministre de l'Intérieur et son
cabinet, et les parlementaires sensibilisés qui ont signé et défendu l'amendement. Ils
sont 34 conduits par Thierry Mariani. Le ministre est très conscient des problèmes de
notre secteur, et la mise en uvre du travail avec ses collaborateurs est précise,
rapide et efficace. Nicolas Sarkozy est animé par la culture du résultat. La profession
est d'accord pour un toilettage de certaines dispositions du code. Nous souhaiterions
notamment l'abrogation de l'article (L.49-I) concernant les zones super protégées,
l'assouplissement de l'article portant sur les transferts touristiques (L-39),
l'instauration d'une procédure dérogatoire (L-28) pour la création de licence, la
suppression du L-41 qui interdit de transférer la dernière licence d'une commune... Un
groupe de travail constitué au sein de la FNCBD travaille à ses propositions en
collaboration avec la Direction du tourisme. Nous pensons qu'une réforme par 'touche'
peut faire évoluer le dossier.
L'Hôtellerie : Vous évoquiez, lors du dernier
congrès de l'Umih, un éventuel partenariat avec la police, se traduisant par un stage de
formation des agents de police au Code des débits de boissons, dans la perspective,
avez-vous précisé, d'établir une véritable coopération entre les officiers de police,
la gendarmerie et les organisations professionnelles. Qu'entendez-vous par stage ?
Jean-Louis Clauss : L'Umih participe à la demande du
Centre national d'études et de formation dépendant de la police nationale à des modules
de formation, et souhaite voir s'étendre dans l'Hexagone les stages faisant intervenir
concomitamment la police, la gendarmerie et nos organisations professionnelles
départementales. Par stage, nous entendons un échange et une collaboration avec la
police afin d'initier sur le terrain les démarches de sensibilisation et de coopération
entre notre profession et les services de police. A cet effet, il a été question d'une
prochaine collaboration entre les autorités de police, de gendarmerie, et notre union au
sein d'une commission en vue d'une politique de prévention appropriée.
A l'exemple de la ville de Nantes, en Loire-Atlantique, il serait bon de mettre dans
chaque département des commissions de débits de boissons composées de services de
police, des organisations professionnelles, de la Sacem, de la Commission de sécurité,
d'élus... Cette action, qui serait élargie sur tout le territoire national, mettrait en
évidence le partenariat avec les organisations professionnelles, et conduirait à une
meilleure gestion des problèmes de proximité grâce à une concertation et un plus grand
dialogue. De même, une commission nationale, composée du directeur de la sécurité, de
la gendarmerie et de notre organisation nationale, pourrait alors se mettre en place et
faire la synthèse des remontées départementales et impulser de nouvelles actions ou
donner des pistes d'amélioration.
L'Hôtellerie : 21 établissements de
Seine-et-Marne participent à la nouvelle opération du Conducteur désigné ("Celui
qui conduit, c'est celui qui ne boit pas"). 21, c'est à la fois beaucoup et
très peu. Quel est, selon vous, le 'juste' rôle des exploitants et des syndicats en
matière de prévention contre les abus d'alcool ?
Jean-Louis Clauss : 21 établissements pour un
département-test, c'est 21 établissements (responsables et personnels) qui participent
à une formation et à l'information de la clientèle, des jeunes... Le rôle de chacun
étant de participer au mieux en informant sur les produits, les dangers, mais l'on ne
peut se substituer à tout un chacun. Parallèlement à ces actions, les exploitants
continuent à travailler pour assurer au maximum la sécurité des personnes, notamment en
poursuivant des initiatives pour éviter la consommation d'alcool avant la fermeture des
établissements, en pérennisant les opérations jeunes conducteurs, Conducteur désigné,
en s'associant aux campagnes de lutte contre les stupéfiants dans les établissements
recevant du public. Quant aux organisations départementales, leur rôle est tout aussi
important puisque, par leur partenariat, leur rôle est d'impulser une politique de
prévention. zzz66b
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L'Hôtellerie Restauration n° 2812 Hebdo 13 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE