Michel Blanchet, président des Maîtres cuisiniers de France, Henri Charvet, président d'Euro-Toques France, Jean-Jacques Daumy, président des Jeunes restaurateurs d'Europe, Raoul Gaiga, président de la Mutuelle et de l'Association des cuisiniers de France, Fernand Mischler, président de l'Upac et Jacques Pourcel, président de la CSHCF.
"La disparition brutale
de notre ami Bernard Loiseau a été durement ressentie par nos confrères cuisiniers de
toutes catégories, nombreux à souligner la possible responsabilité de certains
critiques gastronomiques qui font et défont les réputations selon des critères dénués
aussi bien d'objectivité que de transparence. Certains d'entre nous ont eu des mots très
durs, dictés par la colère, l'émotion, l'incompréhension, la tristesse, le refus d'un
fait divers atroce : ils s'identifiaient à leur confrère disparu. Il ne s'agit pas de
mettre dans un même sac toute la critique gastronomique - car les chefs seraient bien
ingrats de ne pas reconnaître ce que les médias ont apporté au développement de leur
métier et de leur entreprise - mais de dénoncer une fois pour toutes les excès de
certains journalistes qui n'hésitent pas un instant à faire abstraction de la plus
élémentaire déontologie professionnelle.
Si la critique ne faisait que louanger et les guides ajouter des étoiles ou des points
sans discernement, ni les uns ni les autres n'auraient plus de raison d'être. Il ne
s'agit pas davantage que les chefs mettent les journalistes à leur botte, à grand
renfort de complaisance, voire de copinage. Gagner 3 étoiles, être noté 19 et même 20
sur 20 est une reconnaissance extraordinaire, mais c'est aussi chaque année la
douloureuse attente du verdict et la crainte terrible de perdre d'un seul coup ce qui a
été laborieusement gagné. Le chef qui entre dans ce jeu doit en accepter les règles ;
il ne s'en inquiète guère au moment où il accède à la notoriété et reçoit la
légitime récompense de son travail. Mais quand son étoile pâlit, il crie à
l'injustice et s'inquiète soudain des raisons qui l'ont fait déchoir, alors qu'il
pensait être irréprochable.
En revanche, quand la critique dérape, lorsqu'elle déclasse un établissement pour
reconquérir un lectorat défaillant, lorsqu'elle attaque les individus plutôt que de
juger leur cuisine, lorsqu'elle peut mettre en péril une entreprise par des commentaires
approximatifs ou erronés, lorsqu'elle lance des rumeurs, la profession doit pouvoir le
dénoncer et réagir. On peut imaginer quel effet cela peut avoir sur un homme déprimé,
qui n'a jamais cessé de repousser ses limites, et qu'on encourageait de louanges
dithyrambiques jusqu'alors.
Voilà la critique que nous dénonçons, celle qui est dangereuse, insidieuse et perverse,
démolissant sans scrupule l'entreprise mais aussi l'homme, la famille et les
collaborateurs qui l'ont créée. Nous souhaitons aujourd'hui que toute la profession
s'unisse pour surmonter les difficultés et que cesse toute polémique. Il faut que
s'instaure un nouveau dialogue, construire quelque chose de sérieux, envisager une table
ronde pour mieux nous connaître.
Nous devons bien cela à Bernard Loiseau." zzz22v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2812 Hebdo 13 Mars 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE