du 12 juin 2003 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
n POUR ÊTRE VALABLE
Quand un employeur trouve une perle rare, il lui est difficile d'imaginer un jour devoir s'en séparer. Il lui est encore plus insupportable de penser qu'il pourrait voir ce salarié partir à la concurrence. Dès lors, au moment de l'embauche, une solution semble s'imposer : insérer dans le contrat de travail du salarié une clause de non-concurrence.
La clause de non-concurrence a, en effet, pour
objet d'interdire à un salarié, dont le contrat de travail est rompu, l'exercice d'une
nouvelle activité professionnelle concurrente pour son propre compte, ou chez un autre
employeur, pouvant porter atteinte aux intérêts de son ancien employeur.
Attention toutefois, l'utilisation de cette clause est d'un exercice délicat compte tenu
des nombreuses conditions de validité de cette dernière et de ses conditions de mise en
uvre.
La clause de non-concurrence doit, pour être valable, respecter des conditions de forme
et de fond.
Les conditions de forme
La clause de non-concurrence doit obligatoirement être rédigée par écrit, afin,
notamment, que ses conditions d'application soient déterminées de façon incontestable
entre les parties.
Cet écrit est le plus souvent inclus dans le contrat de travail. Toutefois, rien
n'interdit à l'employeur de l'instituer ultérieurement, même après plusieurs années
de travail du salarié. Dans ce cas-là, l'employeur proposera un avenant au contrat de
travail à son salarié. Mais ce dernier n'a nullement l'obligation d'accepter et de
signer cet avenant.
En effet, la jurisprudence, dans un arrêt de la Cour de cassation (Cass. Soc. 16/12/1998
- bulletin civil V n° 557), a précisé ce principe en jugeant que "le salarié
qui a été embauché sans clause de non-concurrence n'est pas tenu de souscrire à une
telle clause en cours d'activité. L'ajout aux relations contractuelles d'une clause de
non-concurrence constitue en effet une modification du contrat de travail que le salarié
est en droit de refuser". L'employeur aura donc tout intérêt à prévoir la
clause de non-concurrence dès l'embauche du salarié, c'est-à-dire l'inclure dans le
contrat de travail.
Les conditions de fond
La clause de non-concurrence doit, pour être valable, respecter 3 grands principes :
w 1er principe :
justifié dans l'intérêt de l'entreprise
La clause de non-concurrence doit, pour être licite, être justifiée dans l'intérêt de
l'entreprise. Il est normal que l'obligation de non-concurrence ne soit imposée qu'à des
salariés dont les connaissances techniques ou commerciales risqueraient de causer à
l'employeur un préjudice important si elles étaient apportées à une entreprise
concurrente. Il est donc utile de préciser l'enjeu qui justifie cette clause dans sa
rédaction.
w 2e principe : ne pas
faire échec à la liberté du travail
La clause ne doit pas faire échec à la liberté du travail. Autrement dit, la clause ne
doit pas avoir une portée générale et absolue, qui aboutirait à ne pas permettre au
salarié l'exercice d'une activité conforme à sa formation et à son expérience.
Pour cela, l'employeur doit :
l limiter la validité de la clause dans le temps, la
durée de l'interdiction de concurrence faite au salarié étant le plus souvent limitée
de 1 à 3 ans.
l limiter la validité de la clause dans l'espace,
l'interdiction de non-concurrence devant être restreinte au secteur géographique dans
lequel l'exercice d'une activité professionnelle par le salarié serait de nature à
faire concurrence au précédent employeur.
La clause pourra ainsi être limitée à certains arrondissements de la ville, à la ville
elle-même, à un bassin d'emplois, une région, et même à titre exceptionnel, à
l'ensemble du territoire national.
l limiter la validité de la clause quant à la
nature des activités visées, la clause de non-concurrence devant être cantonnée à un
secteur d'activité bien défini, et laisser au salarié la possibilité d'exercer une
activité professionnelle conforme à ses compétences.
A titre d'exemple, un restaurant à spécialités de poissons et de fruits de mer pourrait
prévoir, pour son chef de cuisine, une clause de non-concurrence visant à lui interdire
d'entrer par la suite au service d'un autre employeur ou de créer un restaurant avec une
spécialité identique.
w 3e principe : une
contrepartie financière
La clause de non-concurrence doit prévoir une contrepartie financière. Il appartient à
l'employeur et au salarié d'en négocier le montant. Cette contrepartie pécuniaire de la
clause de non-concurrence n'a pas le caractère de dommages et intérêts. Il s'agit d'un
véritable élément de rémunération destiné à compléter forfaitairement le salaire
nouveau réduit en raison de la restriction imposée par la clause de non-concurrence à
l'activité professionnelle de l'intéressé pendant un certain temps.
La clause de non-concurrence devra obligatoirement respecter ces 3 grands principes. A
défaut, le salarié pourrait la contester devant le conseil de prud'hommes, qui la
jugerait nulle et donc inopposable à celui-ci.
En revanche, la clause de non-concurrence parfaitement rédigée devra être respectée
par le salarié, sauf pour lui, à s'exposer à des dommages et intérêts.
La mise en uvre de la clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence a vocation à s'imposer au salarié dès la fin de son
contrat de travail.
La clause de non-concurrence s'appliquera dans tous les cas de rupture du contrat de
travail :
- démission ;
- licenciement pour motif économique ;
- licenciement pour faute ;
- départ ou mise à la retraite ;
- et même rupture abusive du contrat de travail aux torts de l'employeur.
La clause de non-concurrence est même applicable en cas de rupture au titre de la
période d'essai.
En raison de cette clause, le salarié se verra interdire tout acte de concurrence à
l'égard de son ancien employeur.
A titre d'exemple, le salarié ne pourra pas, sauf à violer sa clause de non-concurrence,
être embauché par une entreprise concurrente dans les activités visées par la clause.
Un salarié qui ne respecte pas l'interdiction découlant de la clause de
non-concurrence s'expose à :
- la perte du droit à la contrepartie financière,
- une condamnation à des dommages et intérêts envers son ancien employeur, lesquels
peuvent d'ailleurs être fixés à l'avance dans la clause de non-concurrence (c'est ce
que l'on appelle une clause pénale),
- une condamnation à cesser son activité concurrente.
Cette action de l'ancien employeur à l'égard du salarié non respectueux de sa clause de
non-concurrence doit être portée devant le conseil de prud'hommes. Celui-ci peut même
statuer en référé, dès lors que la violation d'une clause de non-concurrence peut
constituer un trouble manifestement illicite.
Responsabilité du nouvel employeur
En cas de violation par le salarié de sa clause de non-concurrence, le nouvel employeur,
auprès duquel celui-ci s'est engagé, peut voir sa responsabilité engagée dès lors
qu'il emploie sciemment le salarié.
2 hypothèses doivent alors être envisagées :
l Si le nouvel employeur sait, quand il recrute le
salarié, que celui-ci est lié par une clause de non-concurrence, il commet une faute
délictuelle à l'égard de l'ancien employeur. A ce titre, il peut être poursuivi pour
concurrence déloyale devant le tribunal de commerce.
l Si le nouvel employeur ignore l'existence de la
clause de non-concurrence, laquelle a été dissimulée par le salarié, 2 possibilités
se présentent :
- ou le nouvel employeur informé de la clause de non-concurrence met immédiatement fin
au contrat de travail en procédant au licenciement du salarié : sa responsabilité ne
sera pas alors engagée pour les actes de concurrence commis par le salarié, à son insu
;
- ou le nouvel employeur informé de l'existence de la clause de non-concurrence continue
néanmoins à employer le salarié : il engage alors sa responsabilité à l'égard de
l'employeur précédent et s'expose à des dommages et intérêts pour concurrence
déloyale.
Cette obligation est valable pendant la durée du contrat
Pendant toute la durée du contrat de travail, le salarié est tenu par une obligation de
non-concurrence, lui interdisant d'exercer pour son propre compte ou pour le compte d'une
autre entreprise, une activité concurrente de celle de son employeur.
Cette obligation est souvent appelée "obligation de fidélité" ou "obligation
de loyauté". Cette obligation est inhérente au contrat de travail. Elle
s'impose même en l'absence d'écrit.
A titre d'exemple, constitue un acte de concurrence déloyale pendant l'exécution du
contrat de travail, le fait pour un salarié de détourner de la clientèle au profit
d'une entreprise concurrente.
Les tribunaux considèrent habituellement que ces actes de concurrence exercés par un
salarié constituent au minimum un motif réel et sérieux de licenciement, et dans
certains cas, une faute grave privative du préavis et de l'indemnité de licenciement.
F. Trouet (Synhorcat) zzz60c
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L'Hôtellerie Restauration n° 2825 Hebdo 12 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE