du 9 octobre 2003 |
FOCUS |
Petite ville de cure dans les Alpes-de-Haute-Provence, Gréoux-les-Bains a eu beaucoup de mal à surmonter le séisme économique provoqué par une épidémie de légionellose survenue en 1987. De nombreux professionnels ont réagi et ont su trouver de nouvelles voies pour le développement de leur activité.
Les thermes de
Gréoux-les-Bains.
Le village de Gréoux-les-Bains a beau ne compter que 1 945 âmes, son budget - presque 11 Me - est celui d'une petite ville de 7 000 habitants. Raison essentielle de cette richesse : le thermalisme, qui, après une décennie de turbulences dues à quelques accidents malheureux (dont le pire fut une épidémie de légionellose en 1987), s'est remis à flot depuis 4 ans : les thermes réalisent un CA annuel de 15 Me, et représentent 230 emplois directs en équivalent temps plein (hébergement compris) et environ 1 500 emplois induits dans les environs.
L'an
dernier, la réouverture d'un casino avec 30 machines à sous (Groupe Partouche) a permis
à la commune de bénéficier d'une structure de loisirs complémentaire, en particulier
pour les loisirs nocturnes qui lui faisaient jusque-là défaut.
Des millions pour retrouver la confiance des curistes
Du coup, l'économie locale, durement touchée, retrouve elle aussi le sourire. En 1987,
le nombre annuel de curistes était brutalement passé de 36 000 à... 18 000, une
situation qui a perduré peu ou prou pendant plus d'une décennie. Depuis 1998, cette
fréquentation a progressivement remonté pour atteindre cette année 32 000 curistes,
auxquels s'ajoute la moitié d'accompagnants. Gréoux, dont les thermes sont ouverts 10
mois sur 12, est ainsi devenue la 4e station thermale de France, devançant
Amélie-les-Bains (66).
Raison de cette embellie : de 1993 à 1998, la Chaîne Thermale du Soleil a investi dans
la station environ 4 Me par an, notamment pour mettre en service un nouveau forage, et
fournir ainsi une eau thermale d'une qualité plus stable, mais aussi pour moderniser ses
installations et son hébergement. En 2003, elle a budgété 3 Me pour réaliser un forage
supplémentaire et rénover son secteur voies respiratoires qui touche une clientèle
beaucoup plus jeune que le secteur rhumatologie, mais qui ne représente pour l'instant
que 30 % de la clientèle et pourrait être développé. Ces deux projets devraient
démarrer d'ici la fin de l'année. Parallèlement, ce redémarrage du thermalisme a été
renforcé par une politique de diversification touristique très volontaire menée depuis
2 mandats par la nouvelle équipe municipale. "Le thermalisme est à l'origine du
développement de la commune, et lui procure aujourd'hui - tous modes d'hébergement
confondus - 900 000 nuitées", estime le maire sans étiquette, Vincent La Rocca.
Sur l'impulsion de Vincent La Rocca, maire de la ville,
Gréoux-les-Bains a déjà budgété la réalisation d'équipements s'adressant aux
familles.
Diversifier le tourisme et rajeunir les touristes
"Mais, poursuit-il, une commune ne peut pas se permettre aujourd'hui de
vivre sur une mono économie. Or, la diversification de Gréoux ne peut passer que par le
tourisme ; et celui-ci doit à la fois être en adéquation avec l'image de marque du
thermalisme et casser l'image troisième âge que celui-ci véhicule." Depuis
1995, la station joue donc la carte du tourisme nature et de santé et du tourisme de
famille : parcours VTT référencés, cyclotourisme, randonnées pédestres, produits
pêche, circuits patrimoine... Déjà classée station thermale, station climatique et
station touristique, Gréoux-les-Bains vient d'être classée station verte. La commune
mise également sur sa situation géographique, à cheval entre le Verdon et le Luberon,
où se trouvent deux parcs naturels, et a adhéré au Pays de Haute-Provence, constitué
autour de Manosque et Forcalquier, afin de bénéficier de l'image Provence, jugée plus
forte que celle du Verdon.
A plus long terme, la commune souhaite passer la vitesse supérieure en se positionnant
sur le créneau du tourisme culturel et du tourisme de moyen congrès, via l'aménagement
de son château. Elle aimerait aussi développer le tourisme de remise en forme. Ces
efforts portent déjà leurs fruits : selon l'adjoint au tourisme, Gérard Zagar, "désormais,
notre clientèle touristique compte 60 % de curistes et 40 % de touristes, alors
qu'auparavant la proportion était de 80 contre 20. Notre objectif est d'arriver à 50-50.
Nous sommes d'autant plus optimistes qu'aujourd'hui les hôteliers ont fait d'énormes
efforts de rénovation".
Les hôteliers de la commune confirment cette évolution et s'en réjouissent, même si
tous ne se sont pas encore résignés à devoir se battre bien plus qu'au temps de l'âge
d'or du thermalisme.
De plus en plus de lits |
Gréoux-les-Bains compte 8 000 lits, dont la moitié au moins en
meublés. L'autre moitié est répartie dans les 18 hôtels (450 chambres) ou résidences
hôtels (60 chambres) et dans les 6 campings (710 emplacements) et un village de vacances
(Vacances Bleues). A eux seuls, les thermes gèrent presque 500 logements dans 4 résidences et 115 chambres dans 2 hôtels. Ils ont investi environ 609 797 e depuis 4 ans dans ces 2 établissements, qui réalisent 230 000 nuitées. Dans un proche avenir, la Chaîne Thermale du Soleil va transformer un vieux moulin en une vingtaine d'appartements de grand standing. |
D'énormes investissements dans le parc hôtelier indépendant
"Nous nous étions endormis sur nos lauriers et notre outil avait vieilli. Nous
avons tous dû le rénover", reconnaît Alain Vidal, patron du Grand Jardin, un 2
étoiles 'plus' de la commune, hôtelier depuis 42 ans à Gréoux dont il fut le maire
pendant les années fastes.
Egalement trésorier du Syndicat de l'hôtellerie des Alpes-de-Haute-Provence, Alain Vidal
ajoute : "Nous avons investi 300 000 e dès 1989 pour créer une piscine,
un court de tennis, un restaurant extérieur et nous orienter vers une clientèle de
touristes classiques, notamment par le biais d'un TO anglais qui nous a amené des groupes
pendant 4 ans alors que la crise battait son plein. Notre taux de remplissage moyen à
cette époque était tombé à 46 %."
Depuis 1998, le Grand Jardin a encore investi 762 245 e pour rénover ses 85 chambres et
créer une salle de restaurant gastronomique.
"Nous venons enfin de récupérer notre chiffre d'affaires d'avant la crise, soit
environ 1,5 Me. Nous continuons à travailler avec des TO, mais uniquement en
clientèle individuelle, car nous n'avons plus besoin des groupes pour tourner. Notre
affiliation, il y a 3 ans, à Inter Hôtel a été également très positive. Aujourd'hui,
nous avons un taux d'occupation moyen de 72 % (98 % en été). Les curistes représentent
toujours 90 % en mars-avril, mais seulement la moitié de juin à septembre."
Cette santé florissante, ainsi que la proximité géographique avec les thermes, a
d'ailleurs intéressé la Chaîne Thermale du Soleil, déjà propriétaire de 2 hôtels,
Le Verdon (64 chambres, 2 étoiles) et La Crémaillère (51 chambres, 3 étoiles). La
transaction a échoué de peu. Du coup, Alain Vidal, secondé par son fils Philippe,
caresse des projets d'agrandissement, notamment autour d'un concept de remise en forme en
résidence hôtelière...
Le tourisme de passage et les courts séjours se développent
Jean-Claude Redolfi, président du CHR 04 et patron du 3 étoiles Villa Borghèse (66
chambres et un restaurant de 144 places), qu'il a créé il y a 32 ans, est un peu moins
optimiste : "Les thermes nous servent à tous de locomotive. Mais aujourd'hui, les
hôteliers indépendants n'ont que les miettes de la clientèle thermale. Le niveau de vie
des curistes a baissé et ne correspond pas à un 3 étoiles. Je travaille désormais à
80 % avec la clientèle de passage et les courts séjours, que je développe hors saison
en organisant des stages, de bridge par exemple. Nos clients restent en moyenne 3,5
jours." Autre créneau : 22 % de la clientèle de la Villa Borghèse est
constituée de Belges et de Hollandais, via les tour-opérateurs. Jean- Claude Redolfi,
qui investit environ 110 000 e par an dans son établissement, annonce un taux
d'occupation moyen de 73 % sur la saison.
Le Grand
Hôtel des Colonnes.
La clientèle de curistes reste une assurance
< Le Grand hôtel des
Colonnes
32 chambres, 2 étoiles, un restaurant traditionnel avec terrasse de 120 couverts, tenu de
père en fils par la famille Angelini depuis 1958. Elle a investi environ 450 000 e depuis
1998. Sa clientèle favorite reste à 90 % la clientèle de curistes. "Nous
privilégions ce segment, car avec des séjours de 3 semaines et une fidélité à toute
épreuve, c'est une assurance, estiment Loïc et Brigitte Angelini. Mais nous
sentons malgré tout que le tourisme évolue. C'est pourquoi nous avons adhéré aux Logis
de France. Nous commençons à bien travailler avec des Anglais, des Canadiens, des
Allemands, des Belges, des Italiens, même si les Français constituent toujours
l'essentiel de notre chiffre d'affaires..." Mais, souligne le couple, "le
pain blanc, nos pères l'ont mangé. Avant, on ouvrait complet, on fermait complet, on
refusait les personnes seules... Aujourd'hui, on n'est complet qu'en juillet et août, et
notre période d'ouverture est passée de 9 à 7 mois".
Brigitte et
Loïc Angelini.
Une nouvelle génération d'hôteliers
< L'Hôtel des Alpes
L'un des 3 plus vieux établissements de la commune, était quasiment à l'agonie (30 % de
TO) quand Vincent Dupré, un Parisien, et son épouse Nicole, une fille du pays, l'ont
repris en 1993. Ils achètent les murs et le fonds pour 480 000 e. "En 10 ans,
nous avons investi autant pour nous mettre aux normes d'hygiène et de sécurité,
transformer 42 chambres minuscules en 30 chambres dignes de ce nom, faire une piscine,
aménager un jardin, créer un parking clientèle... L'an prochain, nous referons
entièrement la cuisine et la salle de restauration", explique le couple. Ces
aménagements vont de pair avec un rajeunissement de la clientèle de curistes, au départ
très âgée, et qui continue de représenter 70 % du chiffre d'affaires. "On
aimerait se diversifier davantage, mais on ne sait pas comment faire car on ne souhaite
pas travailler avec les autocaristes ou les agents de voyages. En effet, j'ai envie de
garder une ambiance familiale...", confie Vincent Dupré. Bien que son chiffre
d'affaires soit passé de 200 000 e à l'ouverture à 350 000 e aujourd'hui et qu'il
affiche complet pendant 4 mois, de juin à septembre, Vincent Dupré est prêt à vendre. "Dans
5 ans, nous aurons fini de payer nos emprunts. Mais vu la difficulté à trouver du
personnel qualifié, faire tourner à la fois un hôtel et un restaurant est trop lourd à
porter. J'aimerais ne plus faire que l'un ou l'autre."
Vincent
Dupré : "On aimerait se diversifier davantage."
Un cas à part
< Hostellerie Lou San Peyre
Après un parcours dans l'hôtellerie parisienne haut de gamme et aux Etats-Unis, Gilles
Gaucher, 38 ans, a racheté il y a 15 ans Lou San Peyre, un 3 étoiles de 38 chambres
actuellement, qui, à l'époque, affichait complet de mars à novembre grâce aux
curistes. L'investissement, murs et fonds, est alors de 1,5 Me. Il y a 6 ans, il est prêt
à vendre lorsqu'il rencontre sa future épouse qui le persuade de tenter un nouveau deal,
en tablant sur la clientèle touristique. En 6 ans, à raison de 150 000 e par an, le
couple rénove entièrement son établissement, diminue le nombre de chambres pour les
agrandir, prévoit une salle de séminaire de 90 m2. Gilles et Emmanuelle Gaucher lient
une relation de confiance avec un tour-opérateur belge (Jet Air). Ils s'orientent d'abord
vers l'accueil de groupes, histoire de remplir l'établissement. Cette première
collaboration leur permet de séduire ensuite d'autres TO étrangers (Thomas Cook en
Belgique, TUI et Dertour en Allemagne, Frantour en Suisse, FDM au Danemark...), et de se
recentrer peu à peu sur l'accueil d'individuels, en majorité des couples et des petites
familles. Aujourd'hui, Lou San Peyre atteint un chiffre d'affaires de 800 000 e au lieu de
228 000 e en 1998, réalisé à 90 % par les touristes majoritairement étrangers (7 cas
sur 10), et est passé de 5 salariés en saison à 13. "Nous vendons avant tout la
situation géographique de Gréoux, entre Provence et Méditerranée, près des gorges du
Verdon et du Luberon, à 80 km de la côte", explique Emmanuelle Gaucher, qui
ajoute : "J'exige de mes deux réceptionnistes trilingues d'être au courant, tous
les jours à 10 heures du matin, de tout ce qui se passe alentour pour le proposer à nos
clients. Je suis confiante, car Gréoux a un potentiel important et les TO sont
demandeurs."
Emmanuelle
et Gilles Gaucher de l'Hostellerie Lou San Peyre : "Nous allons prochainement
tenter de séduire les Anglais, restés dans le Luberon."
Manque de rentabilité
Cependant, malgré ce renouveau du thermalisme et du tourisme, l'hôtellerie n'est pas
encore sortie d'affaire. Les hôteliers et autres hébergeurs indépendants (gîtes,
résidences, meublés) reprochent notamment aux thermes de réserver aux curistes logeant
dans leur propre hôtel et résidence de meilleurs horaires de soins que s'ils logent
ailleurs. Une attitude que ne dément pas catégoriquement Jean-Pierre Montoya,
secrétaire général des thermes.
"Nous faisons beaucoup pour la commune, notamment en collaborant au niveau de la
communication, mais il est logique qu'une entreprise privilégie ses propres clients
plutôt que ceux des autres", plaide-t-il. De fait, le TO moyen annuel des 2
hôtels de la Chaîne Thermale du Soleil atteint 82 %. Au minimum 10 points de plus que
les autres. "L'hôtellerie indépendante de Gréoux manque encore de rentabilité
et ne dégage pas assez de trésorerie, analyse Jean-Claude Redolfi. Elle est
archipleine en été ; mais hors saison, ce sont les meublés qui se remplissent d'abord.
Ils ne nous font pas pour autant concurrence, ce n'est pas la même clientèle. Mais le
fait est là : par manque de clients potentiels, aucun d'entre nous n'est ouvert toute
l'année. Cela explique qu'actuellement les investissements se fassent dans l'immobilier,
avec le développement des résidences de tourisme défiscalisées, mais pas dans
l'hôtellerie où aucune chaîne n'est prête à investir. A l'exception, peut-être, de
la Chaîne Thermale du Soleil, qui possède à Gréoux 400 ha de terrain et de nombreuses
propriétés."
L. Casagrande zzz37
Jean-Pierre Montoya, secrétaire général des
thermes de Gréoux-les-Bains.
Quelques prix
Prix de base d'une chambre pour 2 personnes en haute saison | ||
---|---|---|
Le Grand Jardin | 2 étoiles + | De 50 à 70 e |
Hôtel des Colonnes | 2 étoiles | De 51 à 57 e |
Hôtel des Alpes | 2 étoiles | De 58 à 65 e |
Villa Borghèse | 3 étoiles | De 84 à 118 e |
Hostellerie Lou San Peyre | 3 étoiles | 88 e |
Gréoux-les-Bains booste
son office de tourisme Laurent Dufour, 38 ans, est le nouveau directeur de l'office de
tourisme. Il gère un budget de presque 900 000 e (dont 500 000 e financés
par la taxe de séjour). Les hôteliers placent beaucoup d'espoir dans son arrivée. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2842 Hebdo 9 octobre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE