du 8 avril 2004 |
CONJONCTURE |
Un grand groupe hôtelier international peut difficilement satisfaire ses ambitions en termes de développement en restant seul. Toutefois, les spécificités du secteur et la dimension affective que revêt parfois l'investissement hôtelier nécessitent d'être patient dans la recherche de nouveaux partenaires. Sur de nouveaux marchés, en particulier, la renommée du groupe Accor ne le dispense pas de faire ses preuves pour convaincre des investisseurs.
PKF : De nos jours, est-il
envisageable pour un groupe hôtelier d'être propriétaire de tous ses murs ?
Accor : A l'origine, nous voulions conserver le
contrôle de notre parc immobilier, mais nous avons réalisé que maintenir notre objectif
de développement de 30 000 nouvelles chambres chaque année nécessitait de rechercher de
nouveaux modes d'expansion - par le biais de contrats de gestion, de baux, de contrats de
franchise ou encore de participations dans des groupes hôteliers locaux. L'hôtellerie en
propriété est une industrie fortement 'capital intensive' et nous ne disposons pas d'un
volume de capitaux propres suffisant pour nous développer aussi rapidement que nous le
souhaiterions en étant toujours propriétaires ; nous n'avons pas encore trouvé
d'équivalent européen du REIT américain prêt à suivre ce rythme.
Les temps ont changé : dans les années 70 et jusqu'au milieu des années 80, il
était plus facile d'investir dans l'immobilier hôtelier, l'inflation était à 2
chiffres et les taux d'intérêt souvent inférieurs à l'inflation ; la hausse des prix
de l'hôtellerie plus rapide que l'inflation réduisait l'endettement très rapidement.
Aujourd'hui, avec 2 % d'inflation et des taux d'intérêt de l'ordre de 5 % à 6 %, le
modèle économique a fondamentalement changé et ne permet plus aux opérateurs
hôteliers de maîtriser totalement leur immobilier. Les investissements immobiliers
génèrent un retour, hors impact plus-value sur capital investi (ROCE) de 6 à 10 % dans
l'hôtellerie milieu et haut de gamme alors que nos actionnaires attendent plus, notre
objectif étant un ROCE de l'ordre de 15 %. Seule l'hôtellerie économique permet, pour
les bons projets et avec des marques fortes, d'atteindre ces niveaux (en propriété).
PKF : Les groupes hôteliers
étrangers opèrent-ils de la même façon ?
Accor : Nous pouvons comparer cette stratégie
avec ce qui se passait auparavant au Royaume-Uni : jusqu'à très récemment, des groupes
tels que Hilton, Stakis et Forte préféraient être propriétaires à 100 % mais, depuis
peu, ils ont adopté des stratégies plus en ligne avec la nôtre. Cette tendance est
visible dans l'augmentation des sale and lease backs ; les groupes hôteliers ont
ainsi pris conscience qu'il n'était pas nécessaire de posséder les murs pour exploiter
efficacement un hôtel. Le fait que les actifs hôteliers connaissent (ou connaissaient)
très peu de mouvements au Royaume-Uni explique probablement pourquoi les groupes
hôteliers sont traditionnellement sous-évalués en Bourse par rapport à leur valeur
d'actif supposée.
De l'autre côté de l'Atlantique, la situation est radicalement différente : aux
Etats-Unis, les métiers de gestionnaire, de franchiseur et d'investisseur sont
complètement indépendants, ce qui n'est pas le cas en France, où une entreprise peut
occuper les 3 fonctions. Cela signifie aussi que bien plus de transferts de marque s'y
déroulent qu'en France.
Parmi les participants au débat, on notera la
présence (à gauche) de Richard Nottage, directeur Ifabanque, aux côtés de Gérard
Ezavin, directeur du développement du Groupe Concorde, André Lacire, p.-d.g. d'Imagine
et Philippe Gauguier, directeur de PKF Hotelexperts.
PKF : Comment abordez-vous le
développement du réseau Accor dans des pays où vous n'êtes pas fermement implantés ?
Accor : Le développement hôtelier d'Accor se
veut véritablement mondial. L'Europe occupe bien évidemment une place prioritaire,
compte tenu de la taille de ce marché (50 % du marché mondial). Accor y est de très
loin le leader avec plus de 250 000 chambres dont une petite moitié seulement en France.
Nous concentrons bien évidemment nos efforts sur les grands pays où nous sommes encore
challenger, tels que le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie. Nous y développons toutes nos
marques et utilisons tous les modes d'intervention en privilégiant les locations, mais il
nous arrive fréquemment de démarrer des projets de qualité en propriété. La franchise
reste un objectif, mais il faut bien le reconnaître : les résultats restent décevants
en Europe.
Accor a déjà des positions très fortes en Europe orientale, Pologne, Hongrie,
Tchéquie, Roumanie, et la cible dans cette zone demeure la Russie, où Accor exploite
déjà 2 Novotel (700 chambres) en management et s'apprête à développer Ibis en
propriété. Dans le reste du monde, et notamment les pays émergents où notre présence
demeure modeste, nous privilégions les pays à gros potentiels tels que la Chine, le
Mexique, peut-être l'Inde, où nous sommes amenés à investir pour démarrer un réseau
ou une nouvelle marque telle qu'Ibis en Chine : un premier Ibis a récemment ouvert à
Tianjin et 3 autres projets sont en construction ; ce sont des propriétés Accor à 100
%. Notre développement Ibis dans ce pays pourra ultérieurement se faire en partenariat.
D'une façon générale, Accor souhaite réaliser son développement pour un tiers en
propriété ou location, et pour deux tiers en gestion et franchise.
PKF : Les investisseurs
sont-il toujours hésitants quand il s'agit d'investir dans l'hôtellerie ?
Accor : Aucun équivalent des REIT n'existe en
France et aucun investisseur institutionnel n'a fait l'effort de s'intéresser durablement
à l'hôtellerie, en particulier à l'hôtellerie de type 2 ou 3 étoiles, qui offre des
rendements et propose des risques très différents de l'hôtellerie haut de gamme. Les
investisseurs institutionnels recherchent en général à investir dans des produits
phares haut de gamme : nous avons des difficultés à les convaincre de privilégier la
diversification des marques, des emplacements, et la notion de réseau. Certains
investisseurs ont tendance à orienter leur décision en fonction d'une composante
affective (dans quel hôtel préféreraient-ils séjourner à titre personnel ?) et dès
lors, il est plus attrayant d'investir dans un seul Sofitel que dans plusieurs hôtels
Etap Hotel ou Ibis ! Il faut le répéter : les hôtels dits économiques (1 étoile), les
2 et les 3 étoiles offrent des rendements plus élevés que l'hôtellerie de luxe et
donnent, pour un montant d'investissement identique, une capacité de diversification en
termes de marque et en terme géographique très sécurisante ; l'hésitation des
investisseurs vient en général d'un manque de connaissance de notre secteur d'activité
et de la nécessité, pour acquérir cette compétence, d'intervenir de façon durable et
sur des actifs diversifiés ; nous entretenons d'excellentes relations avec nos
partenaires habituels et nous souhaitons convaincre de nouveaux partenaires de participer
avec nous au développement du secteur hôtelier, en Europe notamment.
PKF : Et d'un point de vue
positif ?
Accor : Un hôtel peut s'avérer être un
excellent investissement en comparaison aux autres catégories d'immobilier. L'immobilier
résidentiel génère des rendements bas (3 à 4 % maximum) et l'immobilier de bureaux est
sujet à des taux de vacance élevés, pour citer 2 exemples. Dans le cas d'un
investissement hôtelier, l'opérateur s'engage sur des durées longues (20-25 ans) et
assume la responsabilité de la maintenance et de la remise à niveau de l'immeuble, tout
en communiquant régulièrement les performances d'exploitation au propriétaire.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2867 Hebdo 8 avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE