du 8 avril 2004 |
CONJONCTURE |
Les banques sont en première ligne pour comprendre les attentes des investisseurs privés et leurs critères de sélection dans le secteur hôtelier. Quelles sont les tendances actuelles dans ce domaine ? Accompagnez-vous facilement vos clients dans l'hôtellerie, et à quelles conditions ?
PKF : Qui investit dans les
murs d'hôtels et pour quelles raisons ?
Richard Nottage : Parmi nos clients, ceux qui
s'intéressent à l'hôtellerie possèdent généralement déjà un portefeuille
d'investissement important et sont à la recherche d'un placement immobilier à long
terme, paisible et sans contraintes d'entretien. Les hôtels attirent les investisseurs
car ils représentent un actif plus intéressant et plus 'vivant' qu'un immeuble de
bureaux. Dans le cas de l'hôtellerie haut de gamme, la dimension 'prestige' est
également très présente. Enfin, un hôtel, sous réserve qu'il bénéficie d'un bon
emplacement, constitue souvent un bon placement à moyen ou long terme. Les rendements
obtenus au départ sont assez modestes, voire quasiment nuls dans l'hôtellerie de luxe,
mais, d'année en année, l'hôtel prend de la valeur tandis que la dette diminue. Etant
donné que l'actif génère peu ou pas de retours sur investissement au cours des
premières années, la partie d'un patrimoine allouée à l'hôtellerie doit rester
limitée. C'est pour cela que les investisseurs individuels sont des personnes fortunées.
Cependant, plus tard - généralement sur le long terme -, les plus-values peuvent être
substantielles. Même si nous constatons qu'un grand nombre d'investisseurs préfèrent,
au final, refinancer l'actif et poursuivre l'activité plutôt que céder leur patrimoine.
PKF : Quels sont, selon vos
clients, les principaux critères de sélection pour un investissement immobilier dans
l'hôtellerie ?
R. N : Le premier des critères est la qualité
du site. Pour obtenir de plus sûrs retours sur investissement, nos clients préfèrent
souvent les hôtels de centre-ville. Pour les mêmes raisons, ils s'orientent
instinctivement vers l'hôtellerie haut de gamme, même si des établissements de qualité
moyenne/supérieure peuvent parfois retenir aussi leur attention. La capacité est aussi
un élément important, car les investisseurs savent qu'un minimum de chambres est
nécessaire pour attirer des segments de clientèles complémentaires. Enfin, bien
entendu, la qualité du gestionnaire est primordiale.
PKF : De quelle façon les
propriétaires sont-ils impliqués dans l'exploitation de leur hôtel ?
R. N. : L'implication de l'investisseur privé se
limite parfois à une touche personnelle dans la décoration ou dans l'agencement du
mobilier, si tout va bien. D'autres propriétaires sont plus attentifs au fonctionnement
de leur hôtel. Mais plus généralement, l'investisseur fait confiance au
professionnalisme du gestionnaire, et parfois à celui d'un gestionnaire d'actifs. Dans
cette relation, la cohésion est importante et les propriétaires doivent être
considérés comme de véritables partenaires, en particulier quand les temps sont durs.
PKF : Les investisseurs
étrangers peuvent-il s'intéresser à des fonds de commerce seuls ?
R. N. : C'est imaginable. Cela s'est déjà
produit. Il faut toutefois avouer que cette démarche reste rare car les étrangers ont du
mal à appréhender la notion de fonds de commerce, spécificité française qui pourrait
évoluer avec l'harmonisation européenne. Dans la plupart des pays étrangers, à la fin
d'un bail, le locataire négocie le renouvellement de son contrat ou s'en va. Cela peut
d'ailleurs avoir un inconvénient car, à l'approche du terme du bail et dans l'attente de
sa renégociation, le locataire gèle parfois les travaux de rénovation. Généralement,
les étrangers investissent soit dans les murs seuls (auquel cas le rendement est limité
en raison d'un rythme de progression modéré du loyer) soit en murs et fonds, pour
bénéficier de la valeur commerciale du bien, qui peut parfois atteindre un niveau plus
élevé que la valeur immobilière. En définitive, il est souvent difficile de séparer
la valeur immobilière d'un hôtel de sa valeur commerciale.
PKF : L'hôtellerie est-elle
facile à financer ?
R. N. : Contrairement à des baux commerciaux à
long terme, l'hôtellerie n'offre pas de garantie de rendement. Pourtant, les banques
françaises aiment accompagner les investisseurs dans cette industrie, notamment via des
crédits à long terme ou des crédits-baux. Elles sont favorables à des prêts à long
terme (en Grande-Bretagne, les banques sont réticentes à accorder des prêts au-delà de
10 à 12 ans) et elles ont fait preuve de compréhension dans des périodes de crise
telles que celle du début des années 90 ou celle que l'hôtellerie traverse à l'heure
actuelle.
En comparaison à celles observées dans d'autres pays, au Canada ou en Suisse par
exemple, la part qu'acceptent de financer les banques et les marges pratiquées en France
sont correctes, les banques françaises exigeant habituellement un minimum de fonds
propres de 35 %.
PKF : Les nouvelles normes
IFRS (International Financing Reporting Standards) vont-elles avoir des incidences sur
l'investissement hôtelier ?
R. N. : Les clients avec lesquels nous
travaillons sont des investisseurs privés, donc non concernés par les IFRS. Cependant,
ces nouvelles normes généreront sans doute une augmentation du lobbying des chaînes,
celles-ci préférant s'adosser à des investisseurs pour développer leur activité. Dans
le futur, il est possible que nous voyions se développer des partenariats informels à
travers lesquels des investisseurs privés porteront un hôtel durant sa montée en
puissance, pour une chaîne qui rachètera le bien lorsque le rythme de croisière sera
atteint.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2867 Hebdo 8 avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE