du 8 avril 2004 |
CONJONCTURE |
La patience est la qualité première du promoteur immobilier : patience pour négocier un montant de charge foncière ne pénalisant pas la faisabilité du projet, patience dans la recherche d'investisseurs qui, trop souvent, méconnaissent le potentiel des investissements hôteliers.
PKF : Quelles sont les
grandes évolutions du développement hôtelier ces dernières années ?
A. L. & J. B. : Aujourd'hui, les groupes
hôteliers internationaux investissent peu car cela alourdit leur bilan et dégrade leur
ratio dettes/fonds propres. De plus, pour leurs actionnaires, le métier des chaînes
hôtelières relève avant tout de la prestation de services : en dehors d'implantations
prestigieuses ou stratégiques (sur des destinations émergentes tels les pays de l'Est,
par exemple), le développement se fait donc davantage par le biais de contrats de gestion
et de baux dont la durée de garantie est de plus en plus courte. Cette dernière tendance
est d'ailleurs parfois en contradiction avec les attentes des investisseurs, qui
préfèrent des engagements locatifs sur une longue période car un hôtel est un produit
très spécifique et monovalent dans sa destination. Disposer d'une enseigne forte (groupe
international) reste toutefois un atout indéniable pour un investisseur, car une chaîne
permet de maximiser le chiffre d'affaires.
Quant aux investisseurs, ils recherchent évidemment de bons rendements, ce qui est
rarement garanti par les opérateurs dans les contrats de gestion types. Seuls des sites
à caractère stratégique permettent d'obtenir des concessions de la part des chaînes.
Une autre problématique réside dans les conditions de sortie et la durée du contrat :
si l'investisseur a tout intérêt à limiter les contraintes en matière de sortie de
contrat (dans la perspective d'une cession libre d'enseigne), ceci ne favorise pas la
négociation de garantie par les opérateurs. Enfin, pour certains investisseurs (beaucoup
plus rares), les retours sur investissement ne constituent pas une priorité lorsque le
produit est un bijou. Le patrimoine est alors un investissement de prestige et ne répond
pas à une logique de rentabilité.
PKF : Comment passe-t-on du
projet à sa concrétisation ?
A. L. & J. B. : Généralement, la réflexion
sur un projet démarre lorsqu'un opérateur hôtelier manifeste son intérêt pour un
site. Une étude de marché indépendante est alors nécessaire, non seulement pour
étudier la faisabilité du projet, mais aussi pour disposer d'une présentation
détaillée lors de la recherche d'investisseurs.
Tout cela semble assez simple, et pourtant je ne conseille à personne le métier de
promoteur immobilier spécialisé dans l'hôtellerie ! En effet, il faut souvent plusieurs
années (parfois 10 ans) avant de poser la première pierre d'un hôtel... Les
développements hôteliers, compte tenu de leurs spécificités, nécessitent souvent une
modification des règlements d'urbanisme, qu'il faut négocier auprès des collectivités
locales. En outre, bon nombre de projets se heurtent à une charge foncière trop élevée
; c'est pourquoi la plupart des sites potentiels identifiés appartiennent à des
partenaires publics ou, s'il s'agit de terrains privés, ont une destination exclusivement
hôtelière au Plan local d'urbanisme. Lorsqu'il a le choix, un propriétaire privé
obtient en effet des propositions plus avantageuses pour d'autres types de projets
(programmes de bureaux, par exemple). Avec les collectivités locales, il est en revanche
possible de négocier des niveaux de charge foncière acceptables pour un hôtel, lorsque
celui-ci s'intègre dans une stratégie de développement économique et/ou touristique.
Par exemple, une ville qui souhaite accroître l'activité de son palais des congrès doit
nécessairement se doter d'établissements 3 ou 4 étoiles de capacité relativement
importante. Or, les investisseurs sont frileux sur ces marchés encore vierges. Pour les
attirer, et au regard des retombées que génère directement ou indirectement un hôtel,
il peut dès lors être judicieux pour la municipalité de faciliter le montage d'un
projet en limitant la charge foncière. Le rôle du promoteur est alors de démontrer aux
acteurs locaux l'intérêt du projet dans leur politique de développement. Cette
démarche prend du temps car le soutien public à des projets hôteliers, a fortiori haut
de gamme, n'est pas spontané.
PKF : Vous allez décourager
les investisseurs !
A. L. & J.B. : Non, car les investisseurs qui
connaissent l'industrie hôtelière savent que c'est un secteur qui peut s'avérer très
rentable. D'abord, contrairement à un immeuble de bureaux, un hôtel n'est jamais
totalement inoccupé. De plus, certains contrats de gestion permettent d'optimiser
considérablement la rentabilité. Il est important de préciser, au passage, que la
rentabilité affichée par un projet est nette, puisqu'en hôtellerie, les rénovations
hors gros uvre sont assurées par le locataire grâce aux provisions pour
renouvellement (FF&E). Enfin, l'achat d'un produit neuf permet à un investisseur,
après quelques années, de revendre non seulement des murs mais aussi un fonds de
commerce.
A ce sujet, nous constatons d'ailleurs que les étrangers (notamment les
Anglo-Saxons) ignorent de moins en moins la notion de fonds de commerce et la valeur de
celui-ci, même s'ils comprennent parfois difficilement pourquoi les murs et le fonds de
commerce sont des éléments distincts en France.
PKF : En tant que promoteur,
vous ne réalisez jamais de projets avant d'avoir trouvé un opérateur ?
A. L. & J. B. : Ce type de développement est
très limité, d'abord parce qu'il demande des fonds propres considérables, ensuite et
surtout en raison de la spécificité du produit : l'hôtel est un outil qui doit convenir
à l'utilisateur final, lequel a généralement des exigences très précises. C'est en
particulier le cas des chaînes internationales, dont les produits sont standardisés de
façon plus ou moins précise. Le développement 'en blanc' est donc risqué car il peut
ralentir considérablement la recherche d'opérateur, et surtout générer des surcoûts
liés à des travaux supplémentaires et à des frais de portage de projet ; il est
limité à des sites très stratégiques sur lesquels de nombreux opérateurs recherchent
des opportunités.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2867 Hebdo 8 avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE