du 8 avril 2004 |
CONJONCTURE |
Le métier de directeur du développement consiste aujourd'hui autant à rechercher des opportunités qu'à négocier les conditions de concrétisation de celles-ci avec des investisseurs exigeants.
PKF : Comment l'immobilier
est-il considéré dans le développement d'un groupe hôtelier ?
Gérard Ezavin : Durant la première moitié du
XXe siècle, la plupart des grands groupes hôteliers ont entamé leur développement en
étant à la fois investisseurs et exploitants. Par la suite, avec l'avènement de
l'économie de services, la tendance s'est inversée, surtout depuis le début des années
80 : la propriété et l'exploitation concernent deux métiers distincts et l'immobilier
n'est que le support de l'exploitation pour les groupes hôteliers. Ainsi, beaucoup de
groupes hôteliers ont choisi de céder une partie plus ou moins importante des murs
d'hôtels qu'ils possédaient tout en restant locataires (par exemple sale and lease
back), avec un double objectif : assainir le bilan en allégeant l'endettement, et
générer un levier de développement.
Cette tendance est encore plus forte aux Etats-Unis, où le développement des
chaînes s'effectue quasi exclusivement par le biais de contrats de gestion. Il faut
préciser que, contrairement à la France, les Etats-Unis autorisent les investisseurs
institutionnels, tels que les compagnies d'assurances ou les banques, à signer des
contrats de gestion plutôt que des baux.
PKF : Comment s'explique
l'intérêt des investisseurs pour l'hôtellerie ?
G. E. : Pour un investisseur, l'hôtellerie a
plusieurs aspects attractifs. D'abord, la longueur des baux est en général supérieure
à celle qu'il peut négocier dans d'autres catégories d'immeubles. Ensuite, l'entretien
du bâti est délégué à l'exploitant, ce qui fait croître le rendement net de
l'investissement. C'est un atout important car, dans le cas d'immeubles de bureaux,
lorsque les changements de locataires sont fréquents, le propriétaire doit rafraîchir
ou rénover les locaux à chaque fois. Enfin, il ne faut pas négliger la notion de
'patrimoine de prestige' que revêt l'hôtellerie pour de nombreux investisseurs : la
propriété d'un établissement haut de gamme dans un quartier en vue d'une grande
métropole constitue indéniablement un vecteur d'image de marque important.
PKF : Les investisseurs ne
s'intéressent-ils qu'aux hôtels haut de gamme des grandes métropoles ?
G. E. : Il est vrai que les critères de qualité
et de localisation restent importants dans le domaine de l'hôtellerie pour un
investisseur. Cependant, depuis quelques années, certains investisseurs, et en
particulier des fonds d'investissement, s'intéressent de plus en plus à l'hôtellerie ou
à la para-hôtellerie de moyenne gamme, voire à l'hôtellerie économique, et ce, pas
seulement dans des grandes métropoles.
PKF : Grâce aux incitations
fiscales ?
G. E. : La défiscalisation a favorisé le
développement de l'hôtellerie en France, notamment dans les années 60 (BIC hôtelier,
LMP). Depuis, d'autres dispositifs ont été mis en place sur des destinations
spécifiques : les D.O.M.-T.O.M., les zones de revitalisation rurales (ZRR) ou encore les
zones de montagne. Mais ces mesures ont des effets pervers : d'abord, elles réduisent les
barrières à l'entrée et favorisent ainsi le développement de produits qui ne sont pas
toujours adaptés à la demande ; ensuite, la multiplication des hébergements n'accroît
pas forcément l'attractivité d'une destination pour les touristes.
PKF : Est-il facile de créer
des partenariats entre investisseurs et opérateurs ?
G. E. : Au départ, des investisseurs qui
souhaitaient diversifier leur portefeuille d'actifs sont allés vers les opérateurs.
Aujourd'hui, ce sont davantage les opérateurs qui recherchent des opportunités à
proposer à des investisseurs. La négociation d'un partenariat est souvent difficile car,
bien souvent, le rendement d'exploitation seul ne suffit pas à couvrir l'investissement :
il faut alors faire accepter à l'investisseur un niveau de rendement inférieur, qui sera
majoré par la plus-value potentielle générée par la revente du bien à moyen ou long
terme. En prenant en compte ces deux éléments (rendement de l'exploitation et plus-value
à la revente), la valeur in fine d'un hôtel haut de gamme est souvent supérieure à
celle de nombreux autres placements immobiliers. Néanmoins, les loyers demandés par les
propriétaires dans le cadre de baux sont parfois trop élevés, au risque d'étouffer
l'exploitation : sur certaines capitales européennes, et pour des hôtels de prestige,
les loyers demandés peuvent ainsi représenter plus du tiers du chiffre d'affaires de
l'établissement ! En outre, nous observons l'émergence de nouvelles formes de
rémunérations demandées par les propriétaires, l'intéressement au résultat en
particulier, qui sont difficiles à accepter pour les opérateurs.
PKF : Comment se place le
groupe Concorde dans ce contexte ?
G. E. : Concorde a fondé son développement sur
la propriété d'un patrimoine familial. Egalement propriétaire d'une dizaine de fonds de
commerce, le groupe est aujourd'hui l'un des rares opérateurs hôteliers à s'impliquer
en allant jusqu'à la signature de baux lors de ses développements en Europe. Le
développement du Groupe Concorde peut donc sembler moins 'attractif' que celui d'autres
groupes, mais le patrimoine immobilier permet d'assurer aux propriétaires une assise
solide, d'autant plus que la valeur d'établissements tels que le Crillon ou le Martinez
dépasse la stricte valeur immobilière.
Les institutionnels français encore frileux
envers l'hôtellerie A ce jour, les investisseurs institutionnels ne se sont pas encore véritablement intéressés au secteur de l'hôtellerie. D'après Laurent Ternisien, directeur général d'IPD France (société spécialisée dans l'analyse de performance de portefeuilles immobiliers), le portefeuille type des investisseurs institutionnels français est d'ailleurs encore composé à 53 % de bureaux, 25 % de logements, 11 % de commerces et 11 % d'autres actifs, tels locaux d'activité et entrepôts de logistique, parkings, garages, maisons de retraite... Les hôtels, lorsqu'ils existent (chez environ 10 % des investisseurs), représentent moins de 1 % du contenu desdits portefeuilles. Pourtant, l'hôtellerie devrait pouvoir se constituer une place de choix au sein des actifs immobiliers des institutionnels. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'au-delà de sa performance (un rendement global moyen de 7,1 %), son écart-type est le plus faible sur les 8 dernières années comparativement aux habitations, bureaux, commerces et locaux d'activité. En outre, les hôtels offrent bon nombre d'autres avantages. A commencer par de nombreux cycles courts, propres à l'actif et à sa localisation, et un risque faible sur le long terme. Autre point positif : une élasticité très forte et conjoncturelle pour les établissements de centre-ville et des capitales, une variabilité très faible et une constance sur les hôtels de périphérie. A noter enfin, une forte imbrication entre le management de l'hôtel, ses coûts d'exploitation, sa valeur et sa rentabilité. La valeur de l'hôtel étant de fait portée essentiellement par le fonds de commerce plus que par les murs. |
REIT : Real estate investment trust (fonds d'investissement
immobilier)
ROCE : Return on capital expenditure (rendement des capitaux employés)
Sale and lease back : vente et bail 'à soi-même'.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2867 Hebdo 8 avril 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE