du 7 octobre 2004 |
ÉDITO |
DANGEREUSES ILLUSIONS
Il y a eu les supermarchés discount. Puis vinrent les compagnies
aériennes 'low cost'. De là nous sommes passés aux DVD à 3 e et à la musique gratuite
sur Internet, oubliant au passage que les auteurs-compositeurs avaient également besoin
de gagner leur vie. De fins sociologues, comme nous en possédons en abondance, ont salué
avec componction l'arrivée de ce qu'on nous présentait comme une ère nouvelle.
Pensez donc, nous allions tout droit vers la cité idéale où tout serait produit en
profusion sans besoin pour quiconque de travailler ! Un mauvais remake du défunt 'grand
soir' qui fascine encore quelques attardés du marxisme mal digéré. Trêve de
plaisanterie, la réalité n'est pas si simple, mais la tendance est incontestablement,
dans le monde économique, à une baisse généralisée des prix. Avez-vous observé la
mine gourmande des dirigeants de Renault nous expliquer que le modèle à bas prix
destiné aux 'économies émergentes' serait également disponible sur le marché
national ? Ne nous leurrons pas, ce phénomène est révélateur d'une transformation
profonde des comportements consuméristes : consommer, certes ; le plus possible, bien
sûr ; mais certainement pas au prix fort
Une petite semaine à Marrakech avant la
Toussaint ? Pourquoi pas, en jouant sur les RTT, les soldes de congés et autres
possibilités inépuisables de notre réglementation du temps de travail, et en plus,
c'est pas cher, avec les 'Opodo', 'Last minute' et autres sites qui offrent des
prestations tout à fait convenables pour moins de 500 e. Il serait extrêmement dangereux
pour la profession de ne pas tenir compte de cette redoutable évolution : le client,
devenu impécunieux par la force des prélèvements, mais pas disposé pour autant à
vivre en ermite, entend bien continuer à dépenser en faisant, souvenons-nous de
Molière, "bonne chère avec peu d'argent". C'est aujourd'hui à une
véritable quadrature du cercle que sont ainsi confrontés la plupart des professionnels
qui voient la fréquentation de leur établissement se réduire comme peau de chagrin.
Alors, quelle solution ? En fait, il appartient à chacun de bien cerner les attentes de
sa clientèle en fonction de sa formule, de sa localisation, de ses prix, évidemment, et
aussi
de l'attractivité de sa prestation. Attention, la tâche n'est pas simple. Le
marché est aujourd'hui éclaté en de multiples segments dont aucun ne présente des
caractéristiques récurrentes. La vie devient compliquée, surtout pour les petites
entreprises qui doivent compter sur leur capacité d'adaptation à une demande en
perpétuelle évolution. Au risque de choquer certains, n'hésitons pas à analyser les
résultats excellents de McDonald's en France, pays de la bonne chère et de José Bové :
des prix ultra-compétitifs, une hygiène irréprochable, une formule rodée et un
marketing hors pair. En face, le jambon-beurre du bistrot du coin n'a pas sa chance. Et
d'autres comparaisons du même type peuvent être établies dans les différentes gammes
de prestations, y compris celles qui pourraient considérer être à l'abri des aléas de
la consommation de masse.
A l'autre bout du spectre professionnel, souvenons-nous de la déclaration d'Alain Ducasse
lorsqu'il reprit la chaîne des Châteaux & Hôtels de France : "Les
habitués de la première classe voyagent aujourd'hui en club."
Une réflexion valable à tous les étages, on peut le vérifier chaque jour, même si de
temps en temps, en première classe, il reste des passagers qui ne doivent pas créer la
dangereuse illusion que tout va bien.
L. H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2893 Hebdo 7 octobre 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE