du 18 novembre 2004 |
RESTAURATION |
LE VIN SUR GRAND ÉCRAN
'Mondovino', plaidoyer pour l'authenticité
Aimez-vous le vin ? Sorti en salles ce mois-ci, le documentaire Mondovino parle de la production vinicole mondiale et de l'évolution du vin. Passionnant.
Le monde du vin selon Jonathan Nossiter. |
Un documentaire sur le vin acclamé au Festival de Cannes, il y a de quoi susciter la curiosité. C'est que Mondovino est un ovni, à l'image d'ailleurs de son réalisateur, Jonathan Nossiter, formé à la sommellerie avant de devenir cinéaste : d'abord serveur dans des restaurants parisiens, il passe son diplôme de sommelier à New York. C'est donc tout naturellement qu'il revient aujourd'hui dans le monde du vin à travers le cinéma. "Je me suis toujours tenu à distance du snobisme des initiés qui consiste à utiliser un jargon absurde pour parler du vin. Chaque fois que je formais une équipe de salle, j'insistais pour que chaque serveur ne parle du vin qu'en utilisant ses propres termes, avec sincérité", déclare le réalisateur.
100
exploitations dans 12 pays
Le fil rouge du film se nomme Michel
Rolland, oenologue considéré comme l'un des plus grands consultants en vin au monde.
Comme un médecin de campagne, il sillonne les vignobles à l'arrière de sa voiture avec
chauffeur et prescrit la même règle à tous ses clients : "Il faut
oxygéner" (le vin, s'entend). On l'appelle souvent en urgence, on lui demande
conseil
L'homme consulte pour 100 exploitations dans 12 pays et reçoit dans son
laboratoire de Pomerol (33). Et ses ambitions ne s'arrêtent pas là : "J'espère
qu'ils vont planter de la vigne sur la lune !"
"Michel Rolland serait 'le Spielberg du
monde du vin' : il hume l'air du temps de façon instinctive, il en comprend les tendances, les aspirations, les flux et en déduit
les concrétisations possibles, qu'il traduit en faisant des produits qui vont au-devant
des désirs des consommateurs", s'étonne Jonathan Nossiter. Et pourtant, entre les
lignes, le sujet de fond de Mondovino est évident : la mondialisation du goût
est-elle une bonne solution pour l'avenir du vin ?
Chaque protagoniste défend ses intérêts : si
certains sont prêts à tout pour entrer dans le fameux guide Parker, d'autres
préfèrent miser sur l'identité de leur terroir. Le film passe ainsi de domaine en
domaine sur 3 continents, racontant au passage une tranche de vie de chacun. Parmi eux,
Robert Mondavi, qui a monté sa Winery en 1966, est aujourd'hui coté en bourse et produit
100 millions de bouteilles dans le monde pour un demi-milliard de dollars par an
mais il n'a pas digéré de n'avoir pu acheter le vignoble de Daumas-Gassac à Aniane il y
a quelques années. Il y a aussi Hubert de Montille, détenteur de 8 hectares de vignes en
Bourgogne, avocat à la cour de Dijon pour suppléer aux revenus du domaine familial, et
partisan de l'authenticité :
"On n'aime pas les vins
mous, mais ceux qui tiennent debout." Puis ce tour du monde continue chez
Robert Parker, le critique tant craint qui a donné son nom au guide, chez les Stigli en
Californie, chez les Schröder & Schÿler à Bordeaux, chez les Frescobaldi, famille
dans le vin depuis 700 ans
avant de finir chez ce producteur argentin qui vit avec
60 par mois.
De
génération en génération
Mais dans Mondovino, on ne
voit pas que des producteurs qui parlent de vin. On voit aussi des portraits de famille,
des relations d'amour et de transmission, souvent compliquées, entre père et fils, entre
père et fille. "Cette notion de transmission de génération en génération, de
ce qu'on fait passer et de ce qui ne survit pas, de ce qui est perdu ou de ce qu'on
rejette consciemment, est devenue pour moi le Graal de cette aventure", retient
le réalisateur. La saga du vin n'en est donc qu'à ses débuts. "Où il n'y a pas
de vigne, il n'y a pas de barbarie", dit l'un des protagonistes du film
Le
vin a toujours été source de conflits, même s'il est plus que jamais devenu un enjeu
financier et social. "Il est plus prestigieux dans la société internationale
d'avoir son nom sur l'étiquette d'une bouteille de vin que son portrait signé par
n'importe quel artiste." Heureusement, c'est l'optimisme de l'exploitant et homme
politique sarde Battista Columbu qui conclut ce fiévreux débat du local contre le global
: "Il y a de la place pour les autres !" Peut-être l'avenir du vin
tient-il dans cette phrase.
Katia Kulawick zzz46f
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L'Hôtellerie Restauration n° 2899 Hebdo 18 novembre 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE