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Pour des raisons différentes, les deux enseignes haut de gamme viennent de procéder à un lifting en profondeur. L'une adopte une approche plus européenne tandis que l'autre capitalise sur des atouts américains. Le client en sort une nouvelle fois grand vainqueur.
m Claire Cosson
© David Lefranc
Ce
n'est pas encore la 'guerre des 4 étoiles', mais la concurrence est aujourd'hui acharnée
sur le créneau de l'hôtellerie haut de gamme international. Ça bataille dur sur ce
front économique 'privilégié' tant au sein des réseaux d'hôtels indépendants (Relais
& Châteaux, Small Luxury Hotels, Leading Hotels of the World...), que des grandes
compagnies intégrées d'origine britannique (Six Continents), japonaise (Le Méridien
Hotels & Resorts), française (Accor) ou encore américaine (Marriott, Hyatt,
Starwood...). Les assauts sont d'autant plus intenses que le marché du luxe offre des
perspectives prometteuses. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En moins de 15 ans, les
recettes mondiales du luxe ont triplé, franchissant sans mal le seuil des 420 milliards
de francs l'an dernier (*).
A l'évidence, les hôtels 4 étoiles et plus ont largement profité de la tendance du
marché. D'ailleurs, les établissements haut de gamme parisiens ont enregistré une
hausse de 15,4 % de leur revenu par chambre disponible (RevPar) l'an passé, selon le
baromètre Pannell Kerr Forster Consulting France. Et l'exercice 2001 s'annonce, lui
aussi, sous les meilleurs auspices. D'après ce même cabinet, le RevPar des hôtels 4
étoiles parisiens poursuit allégrement son ascension : + 11,3 % au terme des 6 premiers
mois de l'année en cours. Des performances encourageantes qui n'excluent pas les unités
provinciales dont le RevPar, cumulé à fin juin 2001, progresse, lui, de 11,3 %.
Marriott veut doubler le portefeuille de Renaissance d'ici 3 à 5
ans. Ici, le Renaissance de Toronto.
La fièvre des concentrations
hôtelières
Devant une telle manne économique, et selon la formule à la mode 'globalisation et
mondialisation' obligent, la fièvre des concentrations a bien sûr fait des siennes,
bouleversant le paysage de l'hôtellerie haut de gamme international. A coup de
fusions-absorptions (Doubletree et Promus...), de rachats successifs (Inter-Continental et
Bristol Hotels par Bass, Rafaël par Mandarin Oriental, Westin par Starwood...) et autres
OPA amicales, parfois même hostiles (ITT Sheraton par Starwood), les principaux
opérateurs hôteliers ont cherché vaille que vaille à atteindre la taille critique pour
figurer dans la cour des grands. Au risque, à certains moments, de se retrouver à la
tête de deux réseaux identiques.
L'Américain Marriott, qui a acquis la chaîne Renaissance en 1997 pour un montant de 1
milliard de dollars à la barbe de Doubletree, a connu ce revers de médaille. "A
la suite de la reprise de Renaissance, nous avons de fait été confrontés à un
problème d'identité important", explique Sid Yu, vice-président de Renaissance
Hotels, Resorts and Suites. Et de préciser : "Nous avions deux produits 4
étoiles positionnés sur le même segment."
D'autres acteurs appliquant des stratégies différentes ont, eux, mis la main sur de
petits bijoux tandis qu'ils accéléraient leur croissance en développant des produits
d'une toute nouvelle facture. Le tout tirant ostensiblement leur marque hôtelière
initiale vers le haut. Ce fut le cas notamment de la chaîne 4 étoiles du groupe Accor,
Sofitel. Souffrant assez longtemps d'un déficit d'image sur le haut de gamme, consécutif
à une présence internationale insuffisante dans les grandes métropoles (en particulier
outre-Atlantique), et d'un positionnement ambigu d'une marque oscillant entre le 3
étoiles supérieur et le 4 étoiles, le groupe français a pris un virage à 180 ° ces
dernières années.
Upscale et Upper Upscale
Avec la reprise du pôle hôtelier de Vivendi en 1999 (effectuée financièrement pour
l'occasion avec les fonds américains Colony et Blackstone), dans lequel figuraient entre
autres les Westin Demeure Hôtels (Le Baltimore, Le Parc, Le Castille, l'Astor...), et
grâce à une croissance dynamique agrémentée de splendides réalisations
architecturales aux Etats-Unis comme en France (Philadelphie, New York, Paris La Défense
Grand Arche, Paris Bercy...), l'enseigne s'est donné les moyens de mieux s'ancrer dans le
luxe. Et ce d'une manière plutôt volontariste.
Qu'il s'agisse de Sofitel ou bien encore de Renaissance, les deux réseaux se devaient
tôt ou tard de mieux coller aux exigences de leur clientèle. Or, goûts et attentes des
clients ont sensiblement évolué ces dernières décennies, y compris dans le luxe. Ce
qui était ainsi révolutionnaire dans une chambre d'hôtel des années 80 est aujourd'hui
devenu anodin.
Pour des raisons initiales différentes, une émulation constamment présente entre
concurrents et sous la pression des clients, Sofitel et Renaissance ont donc été
conduites à repositionner leur concept respectif. Malgré des similitudes sur certains
points, les deux enseignes ont adopté une philosophie qui leur est propre. A commencer
par leur 'vision', c'est-à-dire, ce vers quoi les chaînes tendent.
Pour l'Américain, le concept de Renaissance aspire à être un "grand
établissement aux standards 4 étoiles avec l'esprit d'un boutique hôtel (Upscale)".
Le Français, lui, nourrit de plus vastes ambitions. "Suite à un travail
collectif où l'ensemble de nos équipes a été impliqué, nous avons arrêté clairement
nos objectifs. Nous voulons être reconnus comme la référence dans l'hôtellerie haut de
gamme internationale (Upper Upscale)", indique Agnès Bourguignon, directrice
générale marketing de Sofitel, Novotel et Mercure. Et d'ajouter : "Sofitel
souhaite en fait être une alternative au modèle anglo-saxon en valorisant son
originalité fondée sur deux principes : l'authenticité et l'esprit français."
Eléments fonctionnels, intangibles et
hédonistes
Pas d'hésitation possible, le débat du 4 étoiles ne porte dorénavant plus du tout sur
l'équipement basique de la chambre. Les deux réseaux hôteliers s'inscrivent désormais
bel et bien dans une logique de différenciation de l'offre, bâtie certes, sur des
éléments fonctionnels, mais aussi intangibles et hédonistes. A l'heure actuelle, il
faut admettre que Kemmons Wilson, fondateur de Holiday Inn et du modèle hôtelier
monolithique, doit probablement se retourner dans sa tombe. Les clients piquent des crises
d'urticaire lorsqu'on leur propose du produit standard. Qui plus est, sur le créneau de
l'hôtellerie haut de gamme ! Dans ce contexte, les marques doivent faire la différence
sur des 'plus' produits et services. Chacun capitalise donc sur ses propres atouts pour
séduire les hommes d'affaires et les vacanciers dits à haute contribution.
En bon Américain qui se respecte, le nouveau concept Renaissance met naturellement
l'accent sur le service maison qu'il qualifie d'attentionné, de personnalisé et de
prévenant. La chaîne n'en demeure pas moins également à la recherche d'une bonne dose
d'histoire. "Notre repositionnement se traduit en effet par une décoration plus
personnalisée à travers laquelle nous allons raconter une histoire... Il s'agit de
donner l'occasion à nos hôtes de découvrir de nouvelles aventures", confie le
vice-président de Renaissance Hotels. Autre vecteur important dans la redéfinition du
concept Renaissance : la restauration. "Dirigés par des chefs inventifs, nos
restaurants seront ouverts sur la rue... Ils doivent devenir des endroits incontournables",
souligne Sid Yu.
Café de Chef
Parce que la restauration est l'un des points forts de l'appartenance française, Sofitel
en a évidemment fait elle aussi son cheval de bataille. A tel point d'ailleurs que
l'enseigne a créé cette année, pour la première fois, un guide spécifique, glissé
dans son Directory, baptisé Lauriers, étoiles et toques. Il faut bien admettre qu'en
matière de prestation culinaire, la chaîne n'a guère de leçon à recevoir (5
restaurants étoilés).
Grâce aux conseils, à l'expérience et à la notoriété des plus grands noms tels que
Alain Ducasse, Joël Robuchon, Albert Roux, Alain Dutournier ou bien encore Antoine
Westerman, Alain Senderens et même Lenôtre, Sofitel s'est doté d'un concept culinaire
intéressant : Café de Chef. "Il s'agit d'une version 'allégée' et
contemporaine de la gastronomie française. Le Café de Chef a en effet pour dessein de
répondre aux besoins de nouveaux consommateurs en quête de découverte, de goûts
métissés, mais aussi de savoir-faire et d'authenticité", déclare Agnès
Bourguignon.
Et c'est encore dans ce même souci de coller aux attentes des clients que la chaîne 4
étoiles d'Accor a peaufiné sa nouvelle image. "Nous avons interrogé ceux qui
descendent dans nos hôtels. Nous nous sommes aperçus qu'ils étaient curieux, plutôt
hédonistes, ouverts aux cultures du monde et sensibles à notre esprit français",
raconte le directeur général du marketing de Sofitel. Un trait de caractère sur lequel
Sofitel a décidé de fonder l'essentiel de son repositionnement. Pourquoi, en effet,
faire compliqué là où l'on peut faire simple ?
Revus et corrigés par la décoratrice Cheryl Rowley, les
établissements Renaissance développent chacun leur identité propre dans l'esprit d'un
style classique expressif.
Esprit français
Les clients aiment à se retrouver et à se reconnaître dans des ambiances données.
Mieux vaut donc les contenter tout en les surprenant et en leur procurant des moments
rares. Pour y parvenir, le nouveau concept Sofitel s'est imposé une ligne de conduite
précise. "En termes d'implantation, cela signifie abandon des villes secondaires
au profit de 'hauts lieux', soit des adresses incontournables. Par opposition à
standardisation, toutes les unités sont différentes et bien enracinées dans leur
région...", expose Agnès Bourguignon.
C'est aussi un design 'généreux', imprégné de l'élégance et du raffinement
français. Le tout accompagné de manière systématique d'une bibliothèque dans chaque
hôtel et de nombreuses uvres d'art, faisant aussi bien appel à des créateurs
venus de l'Hexagone qu'à des artistes locaux. Le métissage étant dorénavant une
caractéristique indéniable de la France, c'est un atout inédit à ne pas négliger.
Mais la 'french touch' ne s'arrête pas en si bon chemin.
Elle se décline à travers la décoration florale (une 'Bible' est en cours de
réalisation avec Tortu), les uniformes de facture classique pour certains et plus
originale pour d'autres (la garde-robe du personnel féminin à l'accueil sera dessinée
par un grand nom de la couture française Castelbajac), ou bien encore dans les produits
d'accueil (housse de voyage, peluche enfant, produits capillaires signés d'un coiffeur
français de renom, flacon d'eau de toilette Roger & Gallet...) et le plateau
petit-déjeuner (laitage accompagné d'un fruit de saison offert, affichage de la
provenance des thés et cafés, confitures et miel estampillés Lenôtre...). Sans
oublier, pour finir, l'identité visuelle.
Développement soutenu
Après avoir lancé une campagne de communication particulièrement innovante en novembre
dernier, puisqu'elle s'intitulait Check into émotions, et communiquait sur un
registre de sensations, Sofitel a choisi d'accompagner l'évolution de sa nouvelle image
en changeant de codes couleurs et de logo. Désormais, les 150 hôtels appartenant au
réseau français arboreront le bleu foncé et le prune. Des teintes très tendance,
auxquelles s'adjoint un logo stylisé (tour à tour étoile ou soleil), où le 'S' de
Sofitel rayonne au centre d'une ellipse.
Rien à voir avec l'enseigne Renaissance au style beaucoup plus grandiloquent. Il semble
bien en fait que l'origine nationale des deux enseignes hôtelières ait lourdement pesé
dans leur repositionnement respectif. On sent en effet dans les deux nouveaux styles
adoptés, l'empreinte européenne d'un côté et celle du Nouveau continent de l'autre.
Après tout, il en faut pour tous les goûts, toutes les bourses et tous les investisseurs
!
Apparemment d'ailleurs, les nouvelles images de Renaissance et Sofitel ont d'ores et
déjà fait leurs preuves sur le terrain. En 2000, la chaîne française a vu son volume
d'activité grimper de 26,6 % à 1,4 milliard de francs. Mais, mieux encore ! Elle a
conquis Jean-Marc Espalioux qui entend soutenir fortement la marque haut de gamme afin
qu'elle dépasse la barre des 200 unités à l'horizon 2005 contre 150 à l'heure
actuelle. Du côté de chez Marriott, on mise aussi pas mal sur Renaissance (113 hôtels
dans 27 pays), souhaitant doubler le parc d'établissements d'ici 3 à 5 ans. n zzz36v zzz36c
(*) Source : Salomon Smith Barney
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© Fabrice Rambert |
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Les dernières et prochaines ouvertures Renaissance | |
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Nom de l'hôtel | Pays |
Renaissance Fort Lauderdale | Etats-Unis |
Renaissance Père Maquette | Etats-Unis |
Renaissance Hollywood | Etats-Unis |
Renaissance New Orleans | Etats-Unis |
Renaissance Dallas-Richardson | Etats-Unis |
Renaissance Hotel & Spa in Sonoma | Etats-Unis |
Renaissance Resort & Spa in Miami Beach | Etats-Unis |
Renaissance Charleston | Etats-Unis |
Renaissance Pittsburgh | Etats-Unis |
Renaissance Portsmouth | Etats-Unis |
Renaissance Del Monte | Etats-Unis |
Oklahoma City Renaissance | Etats-Unis |
Renaissance Phildelphia Airport | Etats-Unis |
Renaissance Agoura Hills | Etats-Unis |
Renaissance Casa de Palmas | Etats-Unis |
Renaissance Meadowlands Hotel | Etats-Unis |
Renaissance Worthington | Etats-Unis |
Renaissance Quail Hollow Resort | Etats-Unis |
Renaissance World Gate Hotel | Etats-Unis |
Renaissance Tiajin Hotel | Chine |
Renaissance Mumbai | Inde |
Renaissance Tunis Hotel | Tunisie |
Renaissance Golden View Hotel | Egypte |
Renaissance London Chancery Court Hotel | Londres |
Renaissance Erzurum Resort | Turquie |
Renaissance Costa do Sauipe | Brésil |
Renaissance Ilikai Waikiki | Hawai |
Renaissance Kota Bahru | Malaisie |
*Source : Renaissance Hotels |
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La preuve par 9 de Sofitel
Le repositionnement de l'enseigne 4 étoiles du groupe Accor s'appuie sur 9
éléments d'identification :
* La bibliothèque |
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* La présence de l'art |
* La décoration florale |
* Les uniformes |
* Les produits d'accueil |
* L'identité visuelle |
* Le plateau petit-déjeuner |
* Le Café du Chef |
* Le salon board meeting |
© Fabrice Rambert |
Sofitel à dernièrement lancé une campagne de pub basée sur les émotions.
Année | Pays | Ville |
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2001 | Pérou | Lima |
Pologne | Cracovie | |
Pologne | Varsovie | |
France | Vichy | |
Thaïlande | Bangkok | |
Australie | Melbourne | |
Arabie Saoudite | Makkah | |
Grèce | Athènes | |
2002 | Etats-Unis | Washington DC |
Etats-Unis | Chicago | |
Royaume-Uni | Londres | |
Argentine | Buenos Aires | |
Canada | Montréal | |
Egypte | Taba | |
Chine | Chengdu | |
Chine | Shenyang | |
Maroc | Marrakech | |
Emirats Arabes Unis | Al Ain | |
Mexique | Cancun | |
Yémen | Taiz | |
2003 | Allemagne | Frankfort |
2004 | Etats-Unis | San Francisco |
*Source : Sofitel Accor Hotels & Resorts |
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L'Hôtellerie n° 2735 Magazine 13 Septembre 2001