Le concept de château-hôtel connaît aujourd'hui un franc succès. Initié par René Traversac en 1956, son fils aîné, Pierre Traversac, a fait de cette 'invention' une réussite commerciale incontestable. A la tête de 10 établissements réunis sous la marque Grandes Etapes Françaises, ce centralien de formation prouve que l'on peut avoir la tête bien pleine et bien faite.
m Par Claire Cosson zzz18p zzz36v
A la sortie de Chênehutte-les-Tuffeaux, petit
village situé à quelques kilomètres de Saumur, un splendide manoir surplombe la vallée
de la Loire. Niché sur un ancien oppidum gallo-romain, Le Prieuré, demeure de style
Renaissance, trône fièrement, entouré d'un parc de 25 hectares. Un vrai petit bijou
pour les passionnés d'histoire. Un endroit qui ne manque pas davantage de charme pour les
amoureux de la 'vie de château'. Acquis et aménagé en 1956 par René Traversac,
ingénieur des arts et métiers mais aussi photographe industriel, Le Prieuré est en fait
la première unité en France de ce qu'il convient d'appeler le concept de
château-hôtel.
Et voilà plusieurs années déjà que bon nombre d'hôtes n'hésitent pas à faire un
petit détour pour aller s'y prélasser.
Avec d'autant plus de plaisir, du reste, que la décoration des chambres et des
appartements respecte à la lettre le caractère des lieux. Tout comme dans les 9 autres
sites prestigieux arborant le blason des Grandes Etapes Françaises (GEF). A l'abri des
regards indiscrets et bien loin des tumultes de la Bourse, Pierre Traversac,
président-directeur général de ce groupe familial depuis le décès de son père en
1993, entouré de son frère Roger, s'est en effet pleinement pris au jeu de la création
et de l'exploitation hôtelière. Le tout en conservant l'esprit originel de l'entreprise.
"Mon père souhaitait acheter des châteaux ou des manoirs pour les restaurer et
les exploiter en hôtels de charme", confie ce centralien, père de deux enfants.
Et d'ajouter : "C'est selon ce principe de base que les Grandes Etapes Françaises
se sont développées et se développeront dans le futur."
Un fil conducteur : l'innovation.
Chiffre d'affaires en hausse de 21 %
Une philosophie plutôt bien vue à l'époque, mais qui, aujourd'hui encore, s'avère des
plus judicieuses. Bien que la concurrence se soit intensifiée sur le créneau de
l'hôtellerie de charme haut de gamme au cours des dernières décennies, les Grandes
Etapes Françaises tirent assez joliment leur épingle du jeu. "Notre produit
répond parfaitement aux nouvelles attentes de la clientèle", explique avec
sincérité le p.-d.g.
En témoignent les derniers résultats réalisés par la PME. Depuis 1997, le chiffre
d'affaires a purement et simplement progressé de 21 %, franchissant la barre des 230
millions de francs au terme de l'exercice 2000 (dont 44 % en hébergement, 31 % en
restauration, 12 % en cave, 6 % pour les petits-déjeuners et 7 % pour le bar). Et dans la
foulée, quasiment toutes les unités profitent de cette embellie : + 23,7 % pour le Mas
d'Artigny, + 13,6 % pour Le Prieuré, + 11 % pour le Château de Divonne... De quoi faire
pâlir d'envie certains challengers, sachant que sur les 10 châteaux-hôtels
commercialisés sous l'enseigne Grandes Etapes Françaises, seuls 3 d'entre eux ouvrent
leurs portes tout au long de l'année. Il faut dire que Pierre Traversac, décrit comme
"brillant intellectuellement" par l'ensemble de ses proches
collaborateurs, regorge d'idées et ne refuse jamais de se remettre en cause lorsqu'il en
va de l'avenir de la maison familiale. A commencer en matière de développement. "Sauf
quelques rares exceptions, il n'existe plus guère de châteaux ou autres manoirs à
transformer en France", souligne le fils aîné de René Traversac. Qu'à cela ne
tienne ! L'esprit alerte, comme tout bon gémeaux qui se respecte, Pierre Traversac a su
dénicher de nouveaux relais de croissance : notamment l'extension des hôtels existants.
Partenariats
A titre d'exemple, le Château d'Artigny (val de Loire) a ainsi récemment procédé à un
important agrandissement. Les écuries ont été converties en 300 m2 de salles de
réunion et 12 chambres supplémentaires. En Alsace, le Château d'Isenbourg dispose
désormais de 2 nouvelles chambres, tandis que le Château de Divonne (à deux pas de
Genève) a grossi de 3 clefs. Au bout du compte, le groupe a tranquillement mené son
petit bonhomme de chemin portant sa capacité à 489 chambres. Le tout accompagné
évidemment d'une maîtrise totale des frais de structure.
Le patron des GEF, qui sait surmonter les difficultés en les contournant habillement, ne
compte cependant pas en rester là. Afin d'accroître l'image de sa société, il s'est
effectivement lancé récemment dans une politique inédite en s'associant à des
partenaires de qualité. "Depuis janvier 2001, nous avons noué de la sorte un
partenariat avec 4 établissements que nous recommandons : le Grand Barrail à
Saint-Emilion et le groupe Régina (le Raphaël, le Régina et le Majestic à
Paris)", souligne le quinquagénaire, fervent adepte de plongée sous-marine. Et
notre homme de préciser : "Ce type d'association permet à notre clientèle de
trouver dans ces hôtels partenaires l'esprit et les valeurs défendues par le groupe."
Reste que ces associations, auxquelles il convient d'ajouter le lancement de la chaîne
volontaire Esprit de France aux côtés de Philippe Savry, Christophe Paluel-Marmont et
Jean-Jacques Vallée, ne se limitent pas à l'Hexagone. En juin dernier, la petite
société française a ainsi scellé un accord commercial et marketing avec le Britannique
Heritage Hotels (une quarantaine de maisons en Grande-Bretagne et en Ecosse). "La
complémentarité de nos offres hôtelières et de nos services sautait aux yeux",
assure le centralien, qui espère bien, grâce à cette alliance, doubler le pourcentage
de ses clients britanniques (9 % à ce jour) dans des délais assez brefs.
Une équipe commerciale musclée
Pas question en effet pour ce féru de Roland Garros et du tournoi de Wimbledon, de rater
la moindre occasion d'accéder à de nouveaux marchés. Avec sa faculté d'appréhender
les problèmes, Pierre Traversac a très vite compris qu'une petite entreprise comme la
sienne ne pouvait vivre isolée. Membre des Relais & Châteaux pendant 20 ans, le
groupe a certes quitté la chaîne en 1999 à la suite de l'application concernant
l'interdiction de la double appartenance. Reste qu'il a aussitôt rejoint les rangs de
Small Luxury Hotels afin de bénéficier des outils de réservations et de l'image de ce
réseau international. Ajoutons à cela que les GEF se sont aussi dotées d'une équipe
commerciale particulièrement musclée. 12 personnes placées sous la houlette d'un
directeur commercial, Alain Parenteau en l'occurrence, voilà une sacrée force de frappe
chez un indépendant ! "Un tel dispositif coûte cher. Mais, une bonne
représentation en France et à l'étranger est à l'heure actuelle indis-
pensable pour une affaire comme la nôtre", affirme le p.-d.g.
A l'évidence, si la clientèle étrangère génère près de 60 % du chiffre d'affaires
des GEF, cela ne tombe pas du ciel. Idem concernant la hausse de 7 % du prix moyen à 1
059 francs HT/SC enregistrée l'an passé.
Loin de s'endormir sur ses lauriers, Pierre Traversac agit donc avec rigueur. A la
manière d'un fin stratège, il met en fait tout en uvre pour parvenir à ses fins.
Et ce, avec d'autant plus de goût qu'il apprécie autant le 'beau' que le 'bon'.
Le management des Grandes Etapes Françaises | |
---|---|
Château d'Esclimont | Stéphane Jitiaux |
Château d'Artigny | Patrice Puvilland |
Domaine de Beauvois | Franck Dulong |
Le Choiseul | M. et Mme Guerlais |
Le Prieuré | Stéphane Gateux |
Le Mas d'Artigny | Raymond Spitz |
Château de Divonne | Bernard Urbain |
Château de Gilly | Alain Senterre |
Château d'Isenbourg | Inge Mettinger |
Château de l'Ile | Dominique Rinn |
150 PC en réseau
Pour preuve, la politique de la maison en matière de restauration. Qualité oblige, le
p.-d.g. des Grandes Etapes Françaises a en effet choisi de favoriser l'émulation au sein
des équipes (organisation d'un concours culinaire René Traversac), tout en offrant des
prestations culinaires haut de gamme à sa clientèle. Au final, le Guide Rouge a
ainsi décerné 1 étoile au Domaine de Beauvois dans son édition 2001. Etablissement qui
rejoint le Choiseul et le Château de Divonne, eux aussi préalablement distingués par le
guide. Une orientation gastronomique qui porte ses fruits avec quelque 260 237 couverts
servis en 2000, soit une hausse de 3,2 %. Sans oublier, parallèlement, la croissance du
prix moyen couvert : 271 francs HT rien que pour la nourriture (+ 2,6 %), et 101 francs HT
pour les boissons (+ 4,8 %).
Même s'il apprécie la bonne chère, cela ne signifie pas que le patron des Grandes
Etapes Françaises en délaisse pour autant ses appétits d'ingénieur. Bien au contraire.
Les GEF n'ont rien à envier aux grands groupes hôteliers en matière technique,
notamment sur le plan des nouvelles technologies. Ce service emploie actuelle-
ment 5 personnes à temps complet. "Dans la maison, il y a au moins 150 PC en
réseau", lance avec une certaine fierté Pierre Traversac. Mais loin de
s'arrêter à la création d'un site maison (grandes-etapes-françaises.com 25 000 visites
au mois de mars 2001), et d'implanter un Intranet, le groupe a, là encore, cherché à
innover. Comment ? En lançant un site dédié spécifiquement aux séminaires et aux
événements de prestige. "Ce site propose aux internautes une fiche technique
pour chacun de nos hôtels et fournit tous les renseignements nécessaires pour
l'organisation d'une manifestation", précise Emmanuelle Sainson, en charge de la
presse.
Annualisation du temps de travail
Un
sens de l'innovation non négligeable par les temps qui courent, et dont la firme fait
également preuve à la fois au niveau marketing avec une importante offre de produits
(les Etapes Buissonnières, les forfaits Lune de Miel, des soirées musicales,
découvertes de vignobles...), ainsi que sur le plan social. Alors que la profession
affronte de lourdes difficultés de recrutement, les Grandes Etapes Françaises se sont
mises au goût du jour. En clair, l'entreprise a opté pour la mise en place de la
réduction du temps de travail via un accord d'annualisation (moyenne : 38,36 heures).
Le groupe multiplie les forfaits originaux pour séduire sa clientèle.
"C'est une décision qui a nécessité un travail colossal !, précise Pierre
Traversac. Il a fallu revoir l'ensemble de nos organisations et faire la chasse au
'gaspi' partout pour parvenir à appliquer la RTT", surenchérit l'intéressé,
qui croit cependant que les CHR ne peuvent déroger à la règle générale. Le sens de
l'initiative aidant, le groupe familial compte désormais 610 salariés. Une soixantaine
de postes a été créée dans le cadre de l'annualisation du temps de travail. Mieux
encore. Les Grandes Etapes Françaises ont empoché 5 millions de francs d'aides de
l'Etat. Comme quoi un 'artisan' faisant preuve de rigueur, d'ingéniosité et de rapidité
d'exécution, a la capacité de rivaliser avec les plus grands. D'autant mieux qu'il
conserve son 'âme'. n
1956
|
1981
|
1962
|
1984
|
1967
|
1985
|
1973
|
1988
|
1974
|
1994
|
|
|
|
Pierre Traversac a pris plusieurs décisions pour parvenir à booster l'activité de son groupe.
1. Nouveaux relais de croissance |
---|
Pas besoin de racheter systématiquement d'autres établissements pour augmenter sa capacité. Le nombre de chambres des Grandes Etapes Françaises croît en effet à travers l'extension des sites existants. Une manière de limiter les frais de structure. |
2. Révision des méthodes de travail |
Bien que soumis à une concurrence acharnée, le groupe a profité de la réduction du temps de travail pour se remettre en cause. Grâce à une annualisation (38,36 heures), il a créé environ 60 postes et touché 5 millions de francs d'aides. |
3. Budget renforcé en commercialisation |
Les Grandes Etapes Françaises se sont dotées d'une solide équipe commerciale comprenant 12 personnes, qui interviennent au niveau national et international. |
Ses dates 1946 |
Chiffre d'affaires par hôtel |
||
---|---|---|
Nom de l'hôtel | Chiffre d'affaires | Progression 1999-2000 |
Château d'Artigny | 22 154 000 FF | + 5,3 % |
Domaine de Beauvois | 13 258 000 FF | + 1,4 % |
Le Choiseul | 15 601 000 FF | + 9,2 % |
Le Prieuré | 12 151 000 FF | + 13,6 % |
Le Mas d'Artigny | 46 091 000 FF | + 23,7 % |
Château d'Isenbourg | 16 404 000 FF | + 0,4 % |
Château de l'Ile | 20 392 000 FF | - 0,3 % |
Château d'Esclimont | 30 696 000 FF | + 8,7 % |
Château de Divonne | 18 641 000 FF | + 11,0 % |
Château de Gilly | 29 709 000 FF | + 3,1 % |
Source : Grandes Etapes Françaises |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie n° 2735 Magazine 13 Septembre 2001