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Discret et pétri de qualités à l'image de son établissement, le Four à Ban, Jacques Faby a rejoint en mai dernier les MCF. Loin de constituer une fin en soi, cette adhésion ressemble davantage à une reconnaissance pour un chef mêlant dans sa cuisine Provence et Bretagne.
m Olivier Marie
Anne et Jacques Faby savent pertinemment que le métier doit évoluer, changer,
pour progresser.
Jacques et Anne Faby s'y
voyaient déjà. Le Daboutteau à Evian, une maison centenaire de 600 m2 en bord de lac,
renfermant un vaste piano central séparé de la salle par une baie vitrée, 140 couverts
et 10 personnes en cuisine ! L'établissement de leurs rêves. Mais c'était sans compter
sur une banque mutualiste qui, à l'époque, leur souffle l'affaire sous le nez. On ne
refait pas l'histoire. Changement de décor. Exit le Daboutteau, Jacques et Anne Faby
exercent leurs talents au Four à Ban, établissement rennais de caractère accueillant
avec 55 couverts et 3 personnes en cuisine. Jacques Faby conserve sa passion du métier,
même s'il laisse observer que "parfois j'en ai ras le bol de ne pas faire ce que
je veux. On manque de personnel et de temps. J'aimerais avoir davantage des deux pour
faire du top". Exigeant le chef ! Car des qualités, il n'en manque pas et ses
confrères le savent bien. Jacques Guillo l'a proposé, Bernard Rambaud l'a parrainé, et
voici Jacques Faby intronisé en 2001 Maître cuisinier de France. "Avec les MCF,
on entre dans une sphère de grands chefs à l'aura nationale, voire internationale. Je
pense que cela va me permettre de rencontrer des gens d'un bon niveau et de régions
différentes, estime Jacques Faby. Ce sont des personnes qui ont un vécu, de vrais
cuisiniers qui savent de quoi ils parlent. Moi j'arrive, donc je n'ai encore rien amené.
Mais j'espère apporter quelque chose aux MCF."
Cette reconnaissance n'est pas usurpée car, même s'il s'estime parfois frustré en
cuisine, Jacques Faby a réussi à hisser le Four à Ban parmi les meilleures tables
rennaises. L'homme et l'établissement se ressemblent tellement ! Discrets tous les deux,
authentiques et bourrés de qualités. Dans cet ancien four banal du XVIIe siècle,
aujourd'hui devenu un restaurant chaleureux avec sa cheminée, ses poutres apparentes et
ses tons feutrés, Jacques Faby décline une cuisine "toute simple, allégée et
actualisée, dixit le chef de 40 ans. Je travaille beaucoup avec des jus de
volaille, très peu de crème. Je suis antisauces bien épaisses". Sa simplicité
se remarque également dans le choix des produits puisqu'il ne recherche pas
systématiquement le beau et la noblesse. Selon lui, "faire des poissons comme le
turbot, le bar, etc., c'est facile. Je préfère par exemple travailler le maquereau, en
essayant de le sortir de son contexte de petit poisson". La mer importe beaucoup
pour ce Cévenol venu exercer ses talents en Bretagne, région natale de sa femme, Anne.
Sa cuisine s'en trouve logiquement influencée. "Je travaille beaucoup les huiles
comme celle de Maussane, l'huile de noix, les épices... tout comme l'andouille, les
langoustines."
Vivre avec son temps
Au cur de deux cultures, le chef s'accommode de toutes les saisons, "elles
ont toutes leur charme", les racines en hiver, les petits légumes au printemps.
"Je suis d'ailleurs moi-même très légumes. La pomme de terre, on la voit
partout !" Simple et nature, Jacques Faby reste modeste vis-à-vis de son métier
et "quand on me dit qu'on invente des recettes, je reste perplexe. On n'invente
pas, sauf si vous vous appelez Passard, que vous avez 3 macarons et, bien entendu, du
monde avec vous." Derrière son piano, ce passionné d'automobiles essaye de rester
le "plus cool possible", même s'il reconnaît, avec un sourire, posséder
"une forte personnalité" qui se donne de la voix pour s'exprimer.
"Pendant les coups de feu, c'est normal, mais j'essaye d'être un peu plus
philosophe. J'ai pris du recul." Du recul, lui et Anne en ont pris par rapport à
leur établissement et aux rythmes fous du métier. "Parce que la restauration
c'est dur, il faut que l'on ait la tête dans le guidon tous les jours ? Certainement pas
! Il faut vivre avec son temps, sortir de sa cuisine... Moi, les 2 jours de congé, j'ai
toujours été pour." Anne et Jacques adorent s'échapper et voyager. Partir en
France ou à l'étranger pour s'ouvrir l'esprit, se recadrer, rencontrer d'autres
personnes. Leurs vacances idéales ? "Se paumer dans un bled de montagne, partir
faire une randonnée à 7 heures du matin et revenir prendre l'apéro avec les gens du
village pour discuter", sans oublier, bien entendu, la petite Camille âgée de 9
ans. Même s'ils restent relativement discrets dans leur milieu, Anne et Jacques aiment
dialoguer et connaissent la valeur des autres. Dans la profession, ils ont noué des
relations étroites avec certains cuisiniers au sein, notamment, de l'association rennaise
des Tables Gourmandes ou de l'Union culinaire de Bretagne. "Ces associations
apportent beaucoup, même s'il faut parfois aller plus loin." Ils savent
pertinemment que ce métier doit évoluer, changer, pour progresser. Militants dans
l'âme, il n'est pas rare de les retrouver sur les manifs du syndicat. "Même si
j'ai parfois l'impression que la TVA est un combat perdu d'avance, je me bats. J'aimerais
que les jeunes gagnent mieux leur vie, que nous soyons un peu plus solidaires dans ce
métier." n
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L'Hôtellerie n° 2742 Magazine 1er Novembre 2001