Face à la pénurie de main-d'uvre qualifiée, 'faire ou faire faire' la restauration d'hôtel est une question que se posent de nombreux hôteliers. Au-delà des freins culturels, la peur de perdre leur pouvoir et de rencontrer des problèmes juridiques semble compliquer la réflexion sur le sujet. Enquête.
Claire Cosson zzz36v zzz22c zzz36c zzz22c
Externaliser ! Ce mot est
aujourd'hui sur toutes les lèvres des gestionnaires français (89 % des dirigeants ou des
directeurs administratifs et financiers en avaient entendu parler, selon le baromètre
Outsourcing 2000 du cabinet Arthur Andersen). Pour améliorer les performances et la
productivité de leur entreprise, bon nombre d'entre eux choisissent en effet de confier
la totalité d'un ou de plusieurs de leurs services à un prestataire approprié. Paye,
comptabilité, système informatique, nettoyage, gardiennage... tout y passe. D'autant
plus aisément que cette démarche procure à première vue pas mal d'avantages.
"C'est un moyen évident de diminuer ses coûts et de répondre au phénomène de
mondialisation de l'économie", avoue un consultant évoluant dans un grand
cabinet anglo-saxon. L'externalisation permet aussi de se recentrer sur ses métiers de
base et de favoriser une mobilisation d'autres sources de compétitivité. Le tout en
s'adaptant à la volatilité de la demande et en focalisant les investissements sur
l'activité principale. Autant d'éléments positifs qui ont du reste conduit Tati France,
par exemple, à externaliser sa logistique ou bien encore Les Cristalleries Baccarat à
sous-traiter leurs paies à Cégédim.
L'hôtellerie n'échappe évidemment pas à cette tendance lourde. Un établissement
hôtelier travaille d'ailleurs rarement seul, mais en relation avec pas mal de
sous-traitants. Nettoyage des chambres et parties communes, paies et comptabilité, voire
même informatique et logistique dans certains cas, sont sortis du giron de l'entreprise.
Pierre & Vacances et Restoleil
Alors que les professionnels du secteur considèrent encore la restauration comme le
'maillon faible' des hôtels impliquant, en général, beaucoup d'efforts de gestion pour
une marge bénéficiaire moindre - les hôtels sans restaurant réalisent en principe des
ratios de résultat brut d'exploitation compris entre 30 et 50 % des recettes totales
contre 25 à 40 % pour les unités dotées d'un restaurant -, ce service semble,
contrairement à d'autres, susciter beaucoup d'interrogations s'agissant
d'externalisation.
Certains groupes se sont certes attachés les services de grands chefs consultants comme
Michel Rostang pour Le Méridien ou bien encore Albert Roux et Alain Ducasse pour Accor
afin de dynamiser leur prestation. D'autres recourent à des contrats de franchise comme
Blue Elephant au Searock Hotel de Beyrouth et au Al Bustan Rotana de Dubaï Hippo au
Forest Hill de Meudon et Paris-La Villette, Courtepaille au sein de plusieurs Ibis...
Il n'en reste pas moins vrai que les expériences de sous-traitance pure (faire faire la
restauration par quelqu'un d'extérieur) demeurent aujourd'hui marginales dans le secteur.
Pierre & Vacances a bien délégué la restauration de deux de ses unités à la
société Restoleil. L'hôtel Intercontinental de Muscat (Oman) travaille lui aussi avec
Trader Vic's, ainsi que le Radisson de Hambourg ou bien encore le Marriott Royal Garden à
Bangkok. Pas de quoi néanmoins écrire des pages et des pages sur le sujet. Finalement,
l'externalisation du département restauration générerait-il des risques particuliers
pour les hôteliers ?
"Je crois que l'appréhension de perte de savoir- faire, de pouvoir et des raisons
culturelles freinent les décisions de sous-traiter la restauration d'hôtel, notamment en
France", confie un expert. De l'avis de plusieurs professionnels,
l'externalisation d'un restaurant occasionne aussi des coûts conséquents, liés à la
nécessité de mettre en place un dispositif de surveillance des prestations effectuées
par le sous-traitant.
|
© Jean Guichard |
Contrôler les activités sous-traitées
"Il faut impérativement contrôler les activités externalisées. D'autant plus
qu'elles doivent être réalisées avec un niveau de qualité équivalent à celui
pratiqué dans la partie hébergement", affirme Philippe Gauguier de PKF
Hotelexperts.
Autres craintes souvent évoquées par les propriétaires d'hôtel-restaurant : les
risques juridiques concernant le transfert du personnel, la nature du contrat qui unit les
partenaires, les problèmes se rapportant à la cession de l'entreprise et ceux de
l'exploitation du fonds de commerce. "Une notion que les pays étrangers ont du
mal à saisir, mais qui est fondamentale dans l'Hexagone et dans la restauration
commerciale", indique Christian Laporte de KPMG Tourisme, Hôtellerie, Loisirs
Consulting.
Enfin, la synergie naturelle existant entre l'hébergement et la restauration apparaît
comme incompatible avec la sous-traitance pour certains responsables de réseaux
hôteliers. "Ces deux activités sont très étroitement liées. D'où la
difficulté de distinguer les équipes dédiées à l'hôtel et celles au restaurant.
D'autant plus que sur nos exploitations, nous faisons la part belle à la polyvalence",
note Stéphane André, directeur général adjoint chez Envergure.
Que font donc dans ces conditions les hôteliers- restaurateurs français ? Surtout face
à l'augmentation des charges de gestion d'un restaurant et la pénurie croissante de
main-d'uvre qualifiée.
Cobranding
Quelques-uns prennent des décisions stratégiques. "Après avoir exploité 7 ans
le restaurant de l'hôtel, j'ai considéré que la restauration n'était pas mon métier",
raconte Jean Lavergne, président d'Inter Hôtel et propriétaire -entre autres- du Grand
Hôtel Saint-Pierre à Aurillac. Et de poursuivre : "J'ai mis mon établissement
en gérance libre, ce qui permet à un jeune professionnel du secteur de mettre le pied à
l'étrier."
Jean-Philippe Maillard, président de l'Umih de l'Ain, a cédé de son côté le fonds de
commerce de son restaurant d'hôtel à Bourg-en-Bresse à Georges Blanc. "J'ai
bien sûr perdu du chiffre d'affaires, mais je touche en échange un loyer. Et que de
soucis en moins !", explique l'intéressé.
Les chaînes hôtelières adoptent, elles, une démarche différente. En fonction des
situations géographiques (centre-ville, zone touristique...), de la capacité d'accueil
et du potentiel de clientèle sur un marché donné, plusieurs font appel au cobranding.
Via un contrat de franchise, elles abritent 'sous leurs ailes' (les hôtels) une marque de
restauration commerciale forte. C'est ainsi qu'Ibis dispose de 5 unités Courtepaille
(Marseille, Paris-Porte d'Orléans, Bordeaux, Lyon et Strasbourg) et d'unités Maître
Kanter. "Selon les emplacements et le potentiel, nous sommes en effet amenés à
faire aussi le choix de la mise en place d'enseignes extérieures", déclare
Christophe Delmoy, directeur des opérations concept restauration du pôle économique de
Accor.
Mais, la petite chaîne aux petites fleurs rouges assure, bien entendu, elle-même la
gestion de ces restaurants. "Nous préfèrons la gestion à l'interne de ces
points de vente, la restauration faisant partie de notre métier de base",
affirme Christophe Delmoy. Et ça marche plutôt bien ! Ouvert en août dernier, le
Courtepaille de l'Ibis Paris-Porte d'Orléans est passé de 130 à 250 couverts/jour.
Succès quasiment identique pour le Forest Hill de Paris-La Villette qui, avec
l'implantation dans ses murs d'un restaurant Hippo, a vu ses recettes restauration grimper
de 1,22 Meuros (8 MF) à 2,8 Meuros (18 MF).
Grande distribution
"Nous voulions rester maîtres de la gestion du restaurant tout en captant de
nouvelles clientèles. La franchise Hippo a tout à fait répondu à nos attentes. Et les
clients de l'hôtel sont ravis de pouvoir déjeuner ou dîner à toute heure dans un cadre
convivial et ludique", témoigne Bernard Lo Monaco, patron des hôtels Forest
Hill.
Reste que l'implantation d'une enseigne commerciale ne peut s'appliquer à tous les
hôtels de France et de Navarre. Ce qui signifie que les exploitants doivent réfléchir
à des solutions de remplacement. La grande distribution pourrait dans les années à
venir leur apporter quelques idées. "On pourrait imaginer à terme des
partenariats de chaînes d'hôtels et de marques de grande distribution de type Lustucru,
Panzani, dont le souhait semble être de descendre dans la rue", avance
Christophe Delmoy. En attendant, quel que soit le chemin choisi en matière de
restauration d'hôtel, mieux vaut se poser une question : "Mon restaurant est-il
une fonction stratégique de mon entreprise ?" n
Certaines unités Kyriad disposent d'un restaurant Côte à Côte dans leurs murs.
Pourquoi vouloir externaliser sa restauration ? |
Pour : w réduire les coûts w gagner de la flexibilité w mieux gérer les problèmes de personnel w offrir une prestation de meilleure qualité w réduire les investissements w satisfaire la clientèle |
Moyenne France - 2000 | RBE en % des recettes totales (HT/SC) |
RBE par chbre louée (F) |
RBE par chbre disponible (F) |
|||
---|---|---|---|---|---|---|
Avec rest. | Sans rest. | Avec rest. | Sans rest. | Avec rest. | Sans rest. | |
4 étoiles supérieur |
32,9 | ND | 1222 | NS | 970 | NS |
4 étoiles standard |
33 | 40,3 | 447 | 409 | 335 | 325 |
3 étoiles |
31,4 | 38,7 | 234 | 224 | 158 | 161 |
2 étoiles |
28 | 47,9 | 144 | 200 | 98 | 155 |
0/1 étoile |
NS | 38,7 | NS | 71 | NS | 56 |
Source : KPMG Tourisme, Hôtellerie, Loisirs Consulting | ||||||
NS : non-significatif ND : non-disponible |
Petit-déjeuner |
Restaurant |
Banquet |
|||||||
1998 | 1999 | 2000 | 1998 | 1999 | 2000 | 1998 | 1999 | 2000 | |
4 étoiles supérieur | |||||||||
IDF | 126,10 | 127,10 | 131,30 | 369,90 | 411,11 | 517 | 320 | 314,70 | 487,90 |
PACA | 85,50 | 98,20 | 98,10 | 304,30 | 378,20 | 329 | 242,20 | 271,90 | 311,20 |
Autres régions | 81,60 | 79,50 | 81,10 | 274,80 | 260,50 | 258,90 | 238,60 | 219,10 | 227,10 |
Moyenne France | 102,20 | 104,50 | 101,50 | 319,30 | 350,30 | 336,50 | 273,40 | 281,40 | 330,70 |
4 étoiles standard | |||||||||
IDF | 57,10 | 56,60 | 54,40 | 160,50 | 194,20 | 166 | 230,30 | 223,90 | 212,30 |
Province | 54,80 | 52,60 | 51,40 | 170,90 | 208,30 | 207,70 | 171 | 173,80 | 178,20 |
Moyenne France | 56,50 | 55,20 | 53,40 | 163,10 | 199 | 180,10 | 211,70 | 206,20 | 202,50 |
3 étoiles | |||||||||
IDF | 33,40 | 33,60 | 34,70 | 120,60 | 133,70 | 133,40 | 186,90 | 186,70 | 195,30 |
Province | 33,40 | 35,30 | 37,80 | 116,60 | 122,40 | 127,90 | 128,90 | 133,20 | 135,10 |
Moyenne France | 33,40 | 34,60 | 36,50 | 118 | 126,20 | 129,40 | 155,60 | 155 | 159,90 |
2 étoiles | |||||||||
IDF | 23 | 24,70 | 25,10 | 95,20 | 92,30 | 96,70 | / | / | / |
Province | 26,70 | 27,70 | 28,30 | 84,10 | 85,30 | 89 | / | / | / |
Moyenne France | 25,30 | 26,70 | 27,20 | 86,70 | 86,90 | 90,80 | / | / | / |
0/1 étoile | |||||||||
IDF | 18,40 | 19,70 | 20,30 | 70,90 | 73,60 | 75,40 | / | / | / |
Province | 19,40 | 20,30 | 20,70 | 76 | 75,90 | 80,20 | / | / | / |
Moyenne France | 19,20 | 20,10 | 20,60 | 74,90 | 75,50 | 79,40 | / | / | / |
Source : KPMG Tourisme, Hôtellerie, Loisirs Consulting |
Article précédent - Article suivant
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie n° 2750 Magazine 3 Janvier 2002