Quelle place reste-t-il, à l'heure actuelle, en France, au bistrot de quartier ? Pris en tenaille entre restauration rapide et coffee bar, le café peut-il espérer des jours meilleurs ? Points faibles et points forts.
Sylvie Soubes
© Thierry Samuel
Pourquoi
entre-t-on dans un bistrot ? En posant la question au coin du zinc, les réponses les plus
diverses tombent, mais celle qui revient le plus souvent, c'est celle-ci : "On va
au café pour faire une pause." Cette 'pause' porte en elle des valeurs
importantes, d'accueil et de détente, qui conditionnent sans doute une bonne partie de
l'avenir des cafés. Si de nombreux établissements ont fermé leurs portes, le
laisser-aller et la non prise en compte de l'évolution de la clientèle et de ses
attentes ont accéléré le processus. Heureusement, de nouvelles générations de
bistrotiers sont apparues. Avec elles, d'autres réflexions se sont engagées. Les termes
'qualité' et 'respect' (de la clientèle, comme du personnel) sont passés dans le
langage commun. Des notions essentielles, à partir desquelles le bistrot de quartier peut
se refaire une jeunesse. Contrairement aux prévisions les plus noires, les cafés ne sont
pas morts et certains ont même de beaux jours devant eux. Tout dépend néanmoins de leur
personnalité et de leur capacité à réagir.
Facteur temps
Le troquet, un mot à consonance péjorative pour qualifier des établissements de
quartier qui ont longtemps constitué la masse dominante des bistrots. La remise en cause
de ces établissements est complexe. Liés aux fournisseurs - trop liés parfois -, ils
n'ont pas toujours la possibilité de rebondir face aux modes et aux concurrences
nouvelles. Aussi paradoxal que cela puisse être. Qui dit fournisseur devrait dire soutien
réactif... Le débat mériterait d'être lancé, malgré ses risques. C'est d'ailleurs
dans ces établissements qu'on retrouve le problème récurrent des machines à sous.
Esprit et image sont mis à mal. Ce type d'établissement ne bénéficie pas, en outre,
forcément de structures favorables à son évolution. La cuisine, à l'heure du
déjeuner, est devenue pour le secteur un pôle de diversification nécessaire. Or, tous
les établissements ne peuvent pas y prétendre (manque de place, de moyens humains,
clauses restrictives dans le bail...). Si les jeux sont en bonne place dans les troquets,
ils ne permettent pas de conserver la tête hors de l'eau bien longtemps.
A ces troquets se substituent aujourd'hui d'autres annexes. L'établissement de quartier
change de profil et d'espace, en s'adaptant aux nouveaux réflexes de consommation. On
vient de le souligner, la restauration à midi est quasi obligée. Tout ce qui est croques
et sandwiches n'est plus suffisant. Les prestations doivent inclure des plats du jour et
ceux-ci doivent correspondre aux populations environnantes. Désormais, le bistrot de
quartier doit comprendre le chaland, l'analyser, devancer son potentiel. Comme n'importe
quelle autre entreprise.
Pour fonctionner, pour séduire une clientèle, le facteur temps joue également un rôle.
Quand il n'y a pas de variation fondamentale de style, quand nous sommes sur le terrain
d'une reprise simple, les modifications apportées par le patron vont s'inscrire dans la
durée, dans l'amélioration au coup par coup. Les plus marquantes vont porter sur le
contact établi avec les clients et la recherche de clientèle. Celle-ci se construit, se
choisit et se cultive.
Clientélisme
Les établissements qui fonctionnent tablent sur plusieurs clientèles. Pour les attirer,
le couple ambiance/prestation est indissociable. La cohérence sert alors de levier.
Séduire, c'est servir le bon produit dans un contexte adéquat. Dans le cadre du bistrot,
celui-ci possède un atout supplémentaire qui, s'il est appliqué, lui permet d'aller
plus loin, de toucher l'affectif et l'imaginaire. Il s'agit bien sûr de la convivialité
tant réclamée, tant évoquée, tant usurpée aussi. La convivialité demande du concret.
Une poignée de main, un sourire, une attention, une parole. Elle demande également de la
régularité. La proximité du contact impose une pérennisation. Le consommateur vient
pour un état d'esprit, qui prend en considération le cadre, le produit et l'accueil.
Aujourd'hui, le consommateur ne fait pas une 'pause' au hasard, ou de moins en moins. Il
sélectionne, fait ses choix en fonction de multiples critères, mais surtout de critères
mouvants. Moins fidèle que par le passé, il reviendra cependant beaucoup plus souvent
dans son annexe si celle-ci a su se positionner. Victor Hugo a écrit : "On s'en
va pour se distraire, on revient par amour." En répondant côté cur aux
attentes de la clientèle, le bistrot de quartier garde toute sa raison d'être, toute sa
raison d'exister. n
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A Munich, les bars se cherchent et se trouvent
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L'Hôtellerie n° 2759 Magazine 7 Mars 2002 Copyright ©