Jacques Thorel, le chef de l'Auberge Bretonne, vient de concocter un ouvrage de recettes intitulé, Le grand classique de la cuisine bretonne. L'homme révèle ici encore une fois toute sa passion pour la gastronomie bretonne et les lettres.
Olivier Marie
L'il pétillant et le sourire aux lèvres, Jacques Thorel tourne les pages de l'ouvrage, Le grand classique de la cuisine bretonne à la recherche de petites anecdotes dont il a parsemé le livre, entre moult recettes. Il se délecte de ces croustillantes histoires et rigole même franchement en imaginant la réaction de ses lecteurs. "Non mais alors celle-là, elle est incroyable !" Il commence à lire sa prose : "La brandade est un plat qui sort de la Bretagne...", s'interrompt pour guetter la réaction stupéfaite de son auditeur, puis reprend, "...on assure qu'on la dégustait dans le Finistère vers le milieu du XIIIe siècle et qu'un pêcheur, nommé Brandar, natif de Plougastel, venant à Nîmes, l'aurait fait connaître aux Languedociens. Ceux-ci améliorèrent la recette en utilisant de l'huile d'olive." Cette idée de rassembler de vieilles et authentiques recettes bretonnes dans un ouvrage trottait dans la tête du chef breton depuis plusieurs années. "J'avais à l'époque proposé de publier des recettes dans Ouest France sous forme de jeux, mais cela ne s'est pas fait." Aujourd'hui avec ce "petit livre de recettes à mettre dans sa maison de campagne", Jacques Thorel peut faire partager son travail basé sur des recherches documentaires, des rencontres. "Je n'ai jamais dit que je venais les voir pour un livre sinon les gens se mettent dans un rôle et ne sont plus naturels. J'ai par ailleurs ici dans le restaurant un réservoir important avec mes clients." Après 5 années à parcourir la région et à se gaver de lecture, il réunit donc environ 600 recettes déclinées sous diverses thématiques : potages, coquillages, produits laitiers, cochon, viandes, légumes, farinage, etc. Et "à chaque tirage, je rajoute des recettes car à l'origine, j'en avais recueillies plus de 1 000". Pour lui, la littérature et la cuisine sont "deux mondes parallèles qui se nourrissent l'un l'autre. J'adore la littérature, c'est mon dada. Je nourris mon imaginaire de lecture."
"Mon pays, c'est ici..."
La réalisation de ce livre a permis à l'érudit qu'il était déjà en la matière,
d'approfondir sa connaissance de la cuisine bretonne, et de découvrir certains faits
pertinents, "notamment en ce qui concerne l'évolution géographique des
plats". Et, contrairement à d'autres régions comme le Lyonnais ou l'Alsace, "je
n'ai pas trouvé traces d'une hiérarchie quelconque dans la cuisine bretonne. Les mondes
de la bourgeoisie, du clergé et ouvrier mangeaient la même chose". Et dans
cette région bretonne où la religion était omniprésente, "et où manger était
un plaisir donc un pêché, la nourriture était avant tout alimentaire." Le blé
y était très cher "car il donnait le pain", on ne mangeait pas le
poisson car il s'était peut-être lui-même auparavant "nourri de pêcheurs
disparus en mer", Le chef à la passion contagieuse est un véritable puits de
connaissances culinaires. "La cuisine est ma seule façon de communiquer. Pour
moi, cela a toujours été et cela reste magique", reconnaît-il. Et l'alchimiste
de la Roche-Bernard ne pouvait pas parler d'une autre région que cette Bretagne qui l'a
vu naître et qu'il affectionne plus que tout. "Je ne pourrais pas aller
travailler ailleurs. Ici, je connais les produits, je connais les gens. On se comprend, on
parle le même langage, et cette relation ne se construit pas du jour au lendemain. Au
marché, on se tutoie, pas besoin de discuter 2 heures pour savoir ce que l'on veut. Il
faut des années pour instaurer ça. Mon pays, c'est ici."
Une cuisine en évolution
"Personne ne fait plus de cuisine bretonne à l'ancienne dans son établissement
et, c'est tant mieux, cela prouve que l'on a évolué." A commencer par l'auteur
qui, depuis 21 ans dans les cuisines de son Auberge Bretonne, imagine et élabore sans
cesse de nouveaux plats. Ses créations puisent leur force dans ces produits régionaux si
particuliers et si riches. Les filets de rouget de roche épousent alors la marmelade de
chorizo, tandis que la grosse langoustine de casier se marie au tilleul et à la pomme. "Chaque
produit vient s'ajouter à l'autre. Ils sont liés entre eux pour former une
partition." L'Auberge Bretonne devient alors opéra. n zzz18p
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Le Grand classique de la cuisine bretonne, par Jacques Thorel
Editions Ouest France, 12,04 e
Auberge Bretonne
2, place Du Gesclin
56130 La Roche-Bernard
Tél. : 02 99 90 60 28
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L'Hôtellerie n° 2763 Magazine 4 Avril 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE