Construite en 1835 par un baron rentier, la Villa Corneille a abrité le premier casino de la ville thermale avant de devenir un établissement hôtelier en 1928. Depuis, il est resté au sein de la même famille... en se transmettant par les femmes.
Huguette Candel gère l'établissement avec deux de ses filles, Sylvie et
Anne-Marie.
A 69 ans, Huguette Candel,
propriétaire de l'Hôtel Corneille, situé en plein cur de la station thermale de
Bagnères-de-Luchon, à deux pas du casino et face à l'hôtel Majestic, préserve la
mémoire et l'histoire enracinées dans les murs et les pierres de son établissement.
Elle affectionne les souvenirs qui s'y rattachent et se plaît à raconter l'ambiance qui
y régnait autrefois, lorsqu'étant très jeune, avec sa sur, elle aidait son oncle
et sa tante qui tenaient l'hôtel. "Le matin, ma tante nous faisait faire des
bouquets de fleurs que nous disposions dans les salons. Toute jeune, je venais ici tous
les étés, et c'est à ce moment-là que j'ai pris goût à l'hôtellerie. Mon oncle est
décédé en 1954. Je suis alors revenue lors de l'été 1955, et à partir de là, je me
suis entièrement occupée de l'hôtel avec ma tante." Parfois, les brocantes lui
permettent de débusquer des témoignages authentiques, comme ce plan général de la
ville de Bagnères, daté de 1870, sur lequel est mentionnée la Villa Corneille - ancien
casino -, sur l'allée de Piqué devenue plus tard l'avenue Alexandre Dumas. Au pied de la
chaîne des Pyrénées, à quelques kilomètres de la frontière avec l'Espagne, encadrée
par des sommets qui culminent à 3 000 mètres, Bagnères-de-Luchon (2 987 habitants) a
longtemps fait sa réputation autour des thermes, notamment dans le domaine des
traitements en rhumatologie et ORL. "Avant la guerre, on comptait près de 100
hôtels dans la ville. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que 31 établissements",
atteste Huguette Candel. Avec la perte de vitesse de l'activité thermale, la ville
cherche un second souffle. Certains hôtels fermés, faute d'héritiers ou de repreneurs,
font l'objet de convoitises, de la part de promoteurs immobiliers notamment. Les
bâtiments, ainsi repris, changent de profil et tournent définitivement une page de leur
histoire. Ils fournissent un marché potentiel pour des programmes de logement.
Implanté dans un parc arboré, l'Hôtel Corneille accueille ses visiteurs dans ses 52
chambres et ses 3 appartements. Dans la ville, c'est l'unique établissement 3 étoiles.
Des grandes voix se retrouvent à Luchon
Les premiers bâtiments datent de 1835. La Villa Gipsy a été construite par le baron
Vallerot, propriétaire rentier, qui la baptisa ainsi du nom de son amie tsigane. L'acte
notarié que présente Huguette Candel stipule, qu'à l'époque, il existait une forge,
une écurie et une sellerie. 10 ans plus tard, un Anglais d'origine irlandaise qui
séjournait régulièrement à Paris, écuyer du comté de Meath, s'intéresse à la
France et à la Villa. Il rachète la bâtisse et installe le premier casino de Luchon. Le
rez-de-chaussée est consacré aux salles de jeux et le premier niveau fait office de
salle de bal. Entre 1850, et jusqu'à la fin du siècle, Luchon, par la clémence de son
été, et Pau, réputée pour la douceur de son hiver et ses terrains de golf, attirent la
communauté anglaise. Poussé par la ferveur protestante de ses concitoyens, John
Corneille réserve une partie du bâtiment pour y créer un temple, faisant payer une
location aux pratiquants. Une certaine proximité avec le jeu qui ne semble pas être
coutumière avec une culture 'british'. Cependant, d'après Huguette Candel, l'un et
l'autre lieu ne disposaient pas du même escalier...
En 1905, l'épouse de John Corneille, Marie-Jeanne Constance, vicomtesse de la Fontaine
Solare, devenue veuve, vend le bien à Pedro Gaillard. Ce baryton demeurait alors à
Levallois-Perret. Il assurait la fonction de directeur de l'Académie nationale de musique
et de l'Opéra de Paris.
Un baryton écrit une page importante de l'hôtel
Il aimait à recevoir chez lui à Luchon les grands noms de l'époque qui venaient soigner
leurs cordes vocales. Il avait fait aménager de grandes chambres - environ une vingtaine
- qui occupaient le rez-de-chaussée et le premier étage. Huguette Candel se souvient
qu'étant enfant, elle jouait à cache-cache dans une ancienne loge de théâtre demeurée
intacte, et dont l'ouverture se trouvait dans la salle de l'actuel restaurant. Cette loge
servait alors aux musiciens qui avaient l'habitude de jouer pendant les repas. A la mort
de Pedro Gaillard, son fils céda la Villa Corneille à Etienne et Louise Fisse. En 1928,
tous deux quittèrent l'emploi qu'ils occupaient à l'hôtel Majestic pour créer leur
propre affaire. Après plusieurs travaux d'agrandissement, la Villa devient un hôtel.
Albert, le fils d'Etienne et de Louise Fisse, épousera en 1932 Zélia, la tante
d'Huguette Candel. "C'est ainsi qu'une seconde génération de ma famille
deviendra propriétaire des lieux", explique Huguette Candel. N'ayant pas eu
d'enfant, l'oncle et la tante d'Huguette la désignèrent ensuite comme leur héritière.
Hôtelières de mère en filles
Aujourd'hui, elle gère encore l'établissement avec deux de ses filles, Sylvie et
Anne-Marie. 14 salariés permanents sont employés à l'hôtel et au restaurant Gipsy qui
propose une cuisine gastronomique. "En leur assurant un travail toute l'année,
cela permet d'avoir de bons employés. Ce sont des gens du pays. Notre chef cuisinier est
là depuis 15 ans, cela fait 8 ans pour notre veilleur de nuit et 5 ans pour notre maître
d'hôtel. Une des femmes de chambre, qui a pris sa retraite l'année dernière, était là
depuis 26 ans", se félicite Huguette Candel.
En fait, Sylvie et Anne-Marie sont nées dans l'une des chambres de l'établissement.
"L'hôtel, c'est notre maison, nos racines. Très jeunes, nous avons été
habituées au contact avec une clientèle hétéroclite", souligne Sylvie. "Sylvie
est attirée par la partie gestion informatisée, alors qu'Anne-Marie, ma fille aînée,
s'occupe de la restauration. J'ai deux filles qui se complètent", reprend
Huguette avec joie et fierté. Sylvie, prise par le virus familial, a redynamisé
l'activité il y a 4 ans en proposant de supprimer deux chambres afin d'accueillir des
séminaires qui représentent à eux seuls 35 % du chiffre d'affaires. Puis elle a
décidé d'affilier l'établissement à l'enseigne Best Western. "Il fallait faire
quelque chose. Tous seuls, nous allions mourir. Aujourd'hui, nous avons un taux
d'occupation moyen situé entre 40 et 45 %. On axe principalement notre activité sur les
séminaires, qui remplissent notre établissement la semaine, et les groupes, le week-end.
Nous sommes référencés dans de nombreux guides, ce qui nous permet d'accueillir des
Américains, amateurs de cyclotourisme." Face à la baisse de l'activité
thermale qui affecte les séjours, l'Hôtel Corneille veut maintenir le cap en essayant de
développer la clientèle familiale et en fidélisant sa clientèle d'affaires. n zzz36v
Best Western Hôtel Corneille
5, avenue Alexandre Dumas
31110 Bagnères-de-Luchon
Tél. : 05 61 79 36 22 - Fax : 05 61 79 81 11
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L'Hôtellerie n° 2763 Magazine 4 Avril 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE